L’embauche de pharmaciens français à Pharma24, la nouvelle pharmacie des hôpitaux universitaires de Genève (HUG), suscite une bataille politique. « Trois d’entre eux sont frontaliers », dénonce l’UDC-Genève, un parti qui prône la préférence nationale.
Deux pharmaciens sont effectivement diplômés de la faculté de Montpellier et de celle de Lille, une préparatrice a également été formée en France. Certains pharmaciens de l’officine sont, quant à eux, helvétiques mais résideraient en France, à l’instar de nombreux Genevois attirés par les prix de l’immobilier dans l’Hexagone. Ce qui n’empêche pas l’UDC d’affirmer « d’après les renseignements en notre possession, ces personnes sont nettement moins rémunérées que les pharmaciens munis d’un diplôme suisse. Nous sommes face à des cas de dumping salarial ». Et de lancer « les pharmaciens suisses, actuellement inscris au chômage apprécieront ».
Pour autant, bien davantage que le chômage, c’est la pénurie qui sévit dans la pharmacie helvétique, comme en témoigne un sondage effectué en 2014 par PharmaSuisse, l’Organisation des officinaux suisses. Sur les 639 titulaires interrogés, 45,7 % estimaient difficile la recherche d’un pharmacien qualifié, tandis que 33,2 % la qualifiaient même de très difficile.
Manque à gagner
Il n’y aurait donc rien d’anormal à ce que la pharmacie des HUG, inaugurée le mois dernier, ait embauché des pharmaciens français ou résidant en France. Ces nombreuses flèches décochées à Pharma24 révéleraient en fait un tout autre malaise. Celui des pharmaciens indépendants genevois qui voient d’un mauvais œil cette pharmacie ouverte 24 heures/24 jours, 7 jours sur 7, détenue majoritairement par l’association PharmaGenève (équivalent cantonal de PharmaSuisse), mais aussi par la chaîne de pharmacies Amavita, elle-même propriété de la société Galenica Santé, société spécialisée dans la distribution et la vente de médicaments, ainsi que par trois autres investisseurs privés.
Thomas Bläsi, vice-président de l’UDC-Genève et député au Grand Conseil, est également pharmacien indépendant, titulaire d’une officine à Genève. Il a lui même employé le pharmacien français pendant un certain temps. Cependant, bien qu’il en ait été très satisfait, il s’en est séparé pour être en accord, dit-il, avec ses idées politiques. « Il existe une pression des autres Européens sur le marché du travail et sur les salaires, et la pharmacie n’échappe pas à ce phénomène », argumente le pharmacien député.
Il n’en convient pas moins que, bien plus que ces trois postes de « frontaliers » présumés, le concept même de l’officine Pharma24 fait de l’ombre à la profession. Selon les projections des pharmaciens indépendants, cette officine ne réaliserait pas le chiffre d’affaires initialement annoncé à deux ou trois millions de francs suisses. « En assurant les gardes de jour comme de nuit, elle totalisera, au final, un chiffre d’affaires de 17 à 40 millions de francs. Or l’estimation la plus basse correspond pour chaque pharmacien du canton à un manque à gagner de 100 000 francs, soit une perte de 10 à 15 % de son chiffre d’affaires », estime le titulaire. Ainsi, selon lui, une trentaine de pharmacies indépendantes, soit 300 emplois, se trouveraient ainsi en péril.
Une officine du troisième type
Le combat mené par les indépendants de Genève serait-il celui de David contre Goliath ? Il n’en est rien, assurent d’autres observateurs. Pharma24, est une officine du troisième type, approuvée en majorité par la société cantonale des pharmaciens genevois. Ni officine de ville, ni pharmacie hospitalière, elle est intégrée à un hôpital tout en en restant indépendante financièrement.
Ce concept qui tend à se répandre en Suisse, notamment dans les cantons de Zürich et d’Argovie, vise à assurer la transition entre la sortie de l’hôpital et le retour à domicile. « Cette pharmacie a vocation de passerelle dans le parcours de soins du patient hospitalisé qui retrouve son domicile. Elle joue le rôle de relais avec les pharmaciens de quartier. Mieux même. À l’avenir, en leur transférant certaines prestations qui restent à développer, elles donneront à ces pharmaciens, une nouvelle fonction », décrit Jean-Luc Forni, ancien président de PharmaGenève et président du conseil d’administration de Pharma24.
Mais surtout, cette nouvelle forme d’officine a pour originalité sa vocation académique. Elle ouvre en effet une voie nouvelle dans la recherche officinale en coopération, dans le cas de Pharma24, avec la chaire de l’École de pharmacie Genève-Lausanne (EPGL) dédiée à la prise en charge pluridisciplinaire du patient. À partir de janvier 2018, Pharma24 sera d’ailleurs gérée par un directeur scientifique, professeur à l’EPGL.
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