DEPUIS plusieurs années, l’administration fiscale oriente le contrôle des entreprises vers la recherche de l’évasion fiscale et la fraude. Il y a moins de contrôles, mais ils rapportent davantage de recettes à l’État. Et cette orientation semble être la bonne, puisque le contrôle fiscal, tous contribuables confondus, rapporte aujourd’hui quelque 17 milliards d’euros aux caisses de Bercy. Les impôts les plus redressés sont l’impôt sur les sociétés et la TVA, et les secteurs les plus vérifiés restent le bâtiment, les métiers du textile ou la restauration.
Pour ces raisons, les officines libérales, comme d’ailleurs les autres professionnels de santé libéraux, étaient, jusqu’à une période récente, plutôt épargnées par les contrôles fiscaux. Avant 2010, on ne comptait pas plus de quelques dizaines de vérifications par an dans la profession. Le plus souvent, il s’agissait de contrôles menés à la suite de problèmes évidents comme, notamment, des prélèvements excessifs du pharmacien sur le compte-courant. Mais d’autres éléments peuvent toujours faire l’objet d’un contrôle. Par exemple la TVA : les différents taux applicables en officine peuvent constituer une source d’erreurs. Autre motif de vérification : le prix de vente de l’officine, lorsque celle-ci est cédée. En effet, le fisc peut contester le prix du fonds ou des parts qui ont été cédés. Ce type de contrôle est simple à mettre en œuvre puisqu’il peut s’effectuer sur pièces, c’est-à-dire sans que le vérificateur ait à se déplacer dans l’officine. Dans ce dernier cas, toutefois, les vérificateurs se basent souvent sur des valeurs anciennes, qui n’ont pas été réactualisées, et sans tenir compte de la baisse du prix des pharmacies intervenue ces dernières années. C’est pourquoi ce type de contrôle aboutit souvent à une transaction avec le pharmacien, les deux parties se mettant d’accord sur une valeur moyenne du fonds, à mi-chemin entre les prétentions du fisc et la valeur retenue dans l’acte de vente.
Comme pour toute entreprise, l’administration peut vérifier aussi la déduction de certaines charges ou des amortissements. Attention également à la déduction du droit au bail lorsque celui-ci est acquis en même temps que l’officine : il n’est pas obligatoirement déductible en charges si, par ailleurs, le loyer demandé par le bailleur est normal. C’est un point de droit délicat qui peut entraîner des redressements significatifs.
Vague de contrôles.
Depuis la fin de l’année 2010, les statistiques des contrôles fiscaux des officines ont changé. Depuis cette date en effet, plus de 500 officines ont été contrôlées dans le cadre de l’utilisation d’un logiciel informatique permettant de soustraire à la comptabilité une partie des recettes. Des perquisitions fiscales ont d’abord été effectuées en septembre et octobre 2010, et ont été suivies, peu de temps après, et à grande échelle, de contrôles fiscaux inopinés. L’objet du litige, on le sait, est donc l’utilisation d’un module du système informatique qui, via un code fourni par la société prestataire, permet de ne pas enregistrer la totalité des écritures. De nombreuses « rectifications » (autrement dit des redressements) sont actuellement en cours et devraient être notifiées aux pharmaciens concernés d’ici à la fin de l’année. Les sommes en cause sont élevées : jusqu’à 500 000 euros de rappel de droits pour certains pharmaciens.
En dehors du fond, on peut discuter de la procédure utilisée par les agents du fisc pour ces contrôles. « En droit, le contrôle inopiné doit porter sur la constatation matérielle des éléments physiques de l’exploitation. Or, selon moi, les contrôles inopinés qui ont eu lieu dans les officines depuis le début de l’année vont trop loin et sortent de ce cadre », estime Cyrille Dimay, avocat fiscaliste à Paris.
La méthode même utilisée par les vérificateurs pour reconstituer les recettes éludées grâce au système informatique paraît contestable. Dans cette affaire, en effet, le fisc reconstitue la comptabilité en partant du nombre de « trous » dans le fichier « règlements », et multiplie le nombre de ces trous par un ticket moyen. Mais, dans certains cas aussi, le fisc ne trouvant pas de fichier « règlements », il se base sur le fichier « facturations », et l’on arrive dans ce cas à des redressements disproportionnés.
Pénalités.
À noter que ces rappels sont assortis des pénalités pour manquement délibéré. Or celles-ci s’élèvent à 80 % de l’impôt dû. « Et dans les pharmacies soumises à l’impôt sur les sociétés, s’ajoute à cela l’impôt de distribution : en effet, le fisc demande dans la proposition de rectification l’identité du bénéficiaire des recettes dissimulées. Si le pharmacien se désigne, il devra payer l’impôt sur le revenu et les prélèvements sociaux sur les sommes redressées après majoration de 25 % de la base imposable. Une nouvelle fois, les pénalités de 80 % seront réclamées. En l’absence de désignation du bénéficiaire, le fisc appliquera une pénalité s’élevant à 100 % de l’impôt dû », poursuit Cyrille Dimay.
Quoi qu’il en soit, le problème est que cet événement a mis un focus sur la profession, jusqu’ici totalement épargnée par ce type de contrôles. « Cette affaire va permettre à l’administration de mieux connaître les ratios économiques et financiers des officines, et, à partir de cette collecte de chiffres, de mieux organiser et affiner ses contrôles ultérieurs », prévient Cyrille Dimay.
Garantir ses droits.
Plus que jamais il importe donc, en cas de vérification de comptabilité surtout, de connaître parfaitement ses droits pour pouvoir se défendre efficacement. Toute procédure de contrôle fiscal est en effet strictement encadrée.
Tout d’abord, lorsqu’un pharmacien fait l’objet d’une vérification de comptabilité normale ou d’une vérification personnelle - appelée « examen de l’ensemble de la situation fiscale personnelle », ou ESFP -, il doit recevoir quelques jours auparavant un avis de vérification. Cet avis doit être accompagné de la Charte des droits et obligations du contribuable vérifié, et préciser que le pharmacien peut se faire assister, pendant la vérification, par un conseil de votre choix (expert-comptable ou avocat fiscaliste, par exemple). On trouve également sur l’avis de vérification le nom du contrôleur, les coordonnées de son service, le nom de son supérieur hiérarchique, et la date du début de la vérification. Toutes ces informations donnent le temps de se préparer au contrôle et de bâtir sa défense.
D’autre part, quand un pharmacien reçoit une « demande d’éclaircissements et de justifications » sur ses revenus dans le cadre ou en dehors d’une vérification, il doit répondre avec des justifications précises, faute de quoi il pourra être taxé d’office. Cette demande doit toutefois indiquer clairement les points sur lesquels elle porte et le délai de réponse dont dispose le contribuable. Lorsque ce dernier ne peut pas répondre complètement, il doit néanmoins apporter toutes les justifications possibles. Il aura alors un nouveau délai pour fournir l’ensemble des précisions exigées.
Quand on reçoit directement, par ailleurs, une proposition de rectification (c’est-à-dire une notification de redressement), celle-ci doit toujours être motivée, afin de permettre au contribuable de faire valoir ses observations ou de faire connaître son acceptation ou son refus du redressement. Cette notification doit comporter aussi certains éléments : les références des textes sur lesquels elle s’appuie (pour un redressement en matière de droits d’enregistrement, par exemple), le nom, le grade et la signature de l’agent dont elle émane. Elle doit également préciser que le contribuable peut se faire assister d’un conseil de son choix.
Se faire aider.
Mais, pour faire face au fisc, le mieux est souvent de rester cohérent. En cas de contestation de la valeur vénale de l’officine, par exemple, il faut faire l’évaluation la plus juste possible, en se basant sur des comparaisons avec des cessions récentes réalisées dans le même secteur géographique et pour le même type d’officine.
Enfin, lorsque le pharmacien subit un contrôle fiscal et notamment une vérification de comptabilité, il doit toujours se faire aider. Avec l’aide de son expert-comptable ou d’un avocat spécialisé, on risque moins de redressements lors d’une vérification. L’avocat fiscaliste, pour sa part, est très utile pour vérifier la procédure de contrôle suivie par le fisc. « C’est souvent lorsque les pharmaciens sont seuls face à l’administration que les redressements sont les plus élevés », conclut Cyrille Dimay. L’avocat est utile aussi pour négocier et transiger avec le fisc lorsque des redressements ont été notifiés. Et, bien entendu, pour engager également un contentieux éventuel avec l’administration si la transaction n’est pas possible.
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