AUJOURD’HUI, près de 60 % des pharmaciens exercent en société et plus de la moitié des acquisitions d’officines sont effectuées par le biais d’une société d’exercice libéral (SEL), généralement sous la forme d’une SEL à responsabilité limitée (SELARL). Dans trois ans, estime la société INTERFIMO dans sa dernière étude statistique sur le prix des pharmacies, 50 % des pharmacies seront en SEL.
Dorénavant incontournable, la société d’exercice libéral a en effet plusieurs atouts. Grâce à la technique de l’impôt sur les sociétés, elle optimise le remboursement des emprunts et autorise les investissements à un moindre coût fiscal. Elle offre également à ses dirigeants la possibilité de bénéficier du régime social des salariés et de limiter leur responsabilité (sauf engagement de caution) au montant des apports à la société. Enfin, elle permet d’intégrer un nouvel associé qui achète les parts d’un associé sortant, d’attirer des capitaux extérieurs grâce aux investissements de pharmaciens non exploitants, et de faciliter la transmission de l’officine à de jeunes confrères par des cessions de parts étalées dans le temps, notamment.
Mais sur le plan fiscal, il y a quelques inconvénients à ne pas négliger. Tout d’abord à « l’entrée » : pour l’acquéreur de parts d’une SEL, les frais d’acquisition sont déductibles des revenus, mais à condition d’opter pour les frais réels et d’être pharmacien exploitant (et non pas investisseur). En outre, pour les titulaires, les intérêts d’emprunt ne sont déductibles qu’à hauteur du montant de l’emprunt qui n’excède pas le triple de la rémunération annuelle allouée ou escomptée.
En fait, l’acquisition d’une officine exploitée en SEL n’est vraiment avantageuse qu’avec une société holding (SPFPL), puisqu’une holding active ou fiscalement intégrée permet tout à la fois de déduire les intérêts de l’emprunt contracté pour acheter l’officine et de disposer d’une franchise d’impôt sur les dividendes versés par cette dernière (dans la limite de 5 % de ces dividendes). Quand on souhaite acquérir des parts de SEL, il est donc toujours plus intéressant que l’emprunt soit effectué par une société holding que par le pharmacien à titre personnel, puisque ce dernier ne pourra pas déduire de sa déclaration de revenus la totalité de la charge de remboursement du prêt.
Une sortie délicate.
Autre écueil fiscal avec les SEL : les conditions de « sortie ». Quand on veut céder une officine exploitée en société d’exercice libéral, deux solutions sont envisageables : céder le fonds, ou vendre les parts sociales. Or la fiscalité de la vente d’un fonds d’officine par une société à l’IS est très lourde, puisque la plus-value sur le fonds est taxée au taux de l’IS lui-même, c’est-à-dire à 33,33 %. Et, de plus, la trésorerie récupérée par le pharmacien dans ce cas est taxée comme des dividendes. Certains spécialistes parlent de « suicide fiscal » en évoquant cette situation.
Vaut-il mieux, par conséquent, céder les titres de la SEL ? En principe oui. Mais la fiscalité, dans ce cas, est beaucoup moins avantageuse depuis le 1er janvier 2013. Jusqu’à l’an dernier, en effet, les plus-values de cessions de valeurs mobilières et de droits sociaux (parts ou actions) étaient taxées à un taux proportionnel, qui était porté à 24 % (en métropole). Mais à compter de 2013, le principe est la taxation de ces plus-values au barème de l’impôt sur le revenu, avec un abattement maximum de 40 % après six ans de détention.
Toutefois, sous réserve de respecter certaines conditions, les pharmaciens « entrepreneurs » qui cèdent leurs titres peuvent bénéficier, sur option, d’une taxation forfaitaire à 19 % (plus les prélèvements sociaux). Ces conditions sont principalement les suivantes :
- les titres ou droits cédés doivent avoir été détenus de manière continue au cours des cinq années précédant la cession et avoir représenté au moins 10 % des droits de vote ou des droits aux bénéfices pendant au moins deux ans de façon continue, au cours des dix ans précédant la cession. Ils doivent également représenter au moins 2 % des droits de vote ou des droits aux bénéfices au moment de la cession ;
- le cédant doit être salarié de la société ou avoir exercé une fonction de direction ouvrant droit à l’exonération des biens professionnels en matière d’impôt sur la fortune, de façon continue pendant les cinq ans précédant la cession. En outre, la rémunération doit avoir représenté au moins la moitié des revenus professionnels de l’intéressé.
Les titulaires qui répondent à ces conditions peuvent donc bénéficier de cette fiscalité quelque peu allégée. Par ailleurs, les pharmaciens dirigeant une SEL et qui partent à la retraite en cédant leurs parts ont droit, jusqu’au 31 décembre 2017, à un abattement sur le montant leur plus-value, variable en fonction de la durée de détention des titres cédés.
Une nouvelle réforme.
Or ces dernières dispositions, plus favorables pour les titulaires exploitants que celles réservées aux pharmaciens investisseurs, risquent d’être remises en cause. Le Président de la République, en effet, a annoncé une nouvelle réforme des plus-values sur valeurs mobilières lors d’un discours le 29 avril dernier. Les mesures prévoient de mettre en place deux régimes : un régime de droit commun et un régime « incitatif ».
Dans le régime de droit commun, les plus-values seraient imposées au barème de l’impôt sur le revenu après application d’un abattement selon la durée de détention :
- 50 % entre deux et huit ans de détention des titres ;
- 65 % au-delà de huit ans de détention des titres cédés ;
- pas d’abattement en cas de cession moins de deux ans après l’acquisition des titres.
Le régime « incitatif », quant à lui, mettrait en place des abattements majorés afin de « favoriser la création d’entreprises et la prise de risque ». Ce régime dérogatoire s’appliquerait aux plus-values réalisées en cas de départ à la retraite du titulaire, en cas de cession intrafamiliale et en cas de cession des titres d’officines de moins de dix ans. Les abattements seraient les suivants :
- 50 % entre un an et moins de quatre ans de détention ;
- 65 % d’abattement entre quatre ans et huit ans de détention ;
- 85 % d’abattement au-delà de huit ans de détention ;
- pas d’abattement en cas de cession moins d’un an après l’acquisition des titres concernés.
En outre, pour que cette réforme ne pénalise pas les dirigeants des petites entreprises qui partent à la retraite, un abattement complémentaire de 500 000 serait pratiqué sur le montant de la plus-value.
Cette réforme sera très certainement inscrite au projet de finances de 2014. Le ministre de l’Économie numérique et des PME a fait savoir, le 8 mai 2013, que la nouvelle réforme concernerait les plus-values réalisées « cette année », c’est-à-dire celles qui sont réalisées à partir du 1er janvier 2013. Autrement dit, tout ce qui a déjà été prévu depuis le début de l’année par la dernière loi de finances risque fort de ne pas être appliqué…
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