MEMBRE du Collège de la Haute Autorité de santé (HAS), Jean-François Thébaut se définit avant tout comme un cardiologue qui a progressivement pris pied dans le syndicalisme lorsque le secteur 2 a été créé… pour défendre le secteur 1. Aujourd’hui, il préside la commission Parcours et pratiques de la HAS et encadre un groupe de travail dans le cadre de la concertation sur la loi de modernisation de la santé, à la demande de la ministre de la Santé. Christian Lajoux, connu pour avoir présidé le LEEM pendant 6 années et pour sa longue carrière chez Sanofi, est président de la Fédération française des industries de santé (FEFIS). Les deux hommes aux carrières si différentes se connaissent bien et partagent finalement une vision relativement homogène du système de santé français.
« Mon engagement public et collectif s’explique par le fait que, lorsqu’on travaille dans une industrie de santé, on est amené à rencontrer le politique dans le sens noble du terme. Chez Sanofi, j’ai mesuré à quel point l’entreprise a des responsabilités quant à l’indépendance stratégique du pays, au même titre que des secteurs comme le nucléaire, l’aéronautique ou le spatial. » Au final, Christian Lajoux livre une vision très positive de la situation française, qui bénéficie de l’excellence scientifique de ses médecins et de sa recherche, de l’organisation hospitalière et de la Sécurité sociale. « Nous avons une régulation plus compliquée, moins lisible et moins prévisible, c’est un problème. Mais je reste convaincu que la France est un grand pays d’attractivité. »
Besoin organisationnel.
Convaincu que le dialogue est la base de toutes les vertus, Christian Lajoux prône les échanges entre industriels et représentants de l’État. Et déplore l’un des travers français : « Je suis atterré de constater que tous les débats publics ressortent le Mediator, H1N1 et des inepties sur la vaccination, pendant que les autres pays préparent l’industrie de demain. Cela nous rend incapables de nous projeter et de réfléchir aux réformes nécessaires. » Pour sa part, le président de la FEFIS veut accompagner les évolutions incontournables de la société. En commençant par ne plus parler des seules industries pharmaceutiques mais de « l’industrie de la santé », qui doit inclure des domaines comme l’ingénierie, la thérapie génique et les solutions numériques. Ce qu’il nomme le « medtech ». Et qui doit aussi inclure des acteurs comme les assureurs, l’hospitalisation privée, l’hospitalisation à domicile, l’ensemble des entreprises numériques qui se tournent de plus en plus vers les entreprises de santé.
Pour Jean-François Thébaut, ce positionnement est fondamental pour l’avenir de la santé, qui ne prendra plus en compte les seuls médicaments et dispositifs médicaux, « car le besoin est organisationnel et la solution multitechnologique ». Il ne s’agit pas seulement d’une organisation des professionnels de santé entre eux, mais de « l’intrication du patient avec tous les objets connectés qui vont pouvoir enrichir la prise en charge et la science ». L’organisation est essentielle et ne « va pas se régler toute seule à l’aide de l’objet connecté magique : ce n’est pas parce qu’on a une balance qu’on maigrit. Il faut une réelle prise en charge du patient consommateur de soins ».
Profond malaise.
Pourtant, la loi de modernisation de la santé ne se penche pas sur ce besoin. « Cette loi est la continuité de l’ordonnance de Juppé de 1996, qui a été la réforme en santé la plus importante de ces dernières années. Elle répond à la crise que traverse actuellement la santé : crise morale et identitaire des professionnels de santé, crise financière et crise d’organisation et de coopération sur le terrain. » Rien de révolutionnaire donc, aux yeux de Jean-François Thébaut, qui met volontairement à part la mesure de généralisation du tiers payant. Ce qui lui fait dire que les réactions face au projet de loi sont « proportionnées à l’angoisse des professionnels de santé, marqueurs de l’état d’esprit de la société qui traverse un profond malaise ».
Christian Lajoux, quant à lui, est surtout gêné par l’absence totale de prise en compte des industries de santé dans la future loi. Un parti pris qui ne prend pas en considération « l’impact des produits de santé et des progrès technologiques sur l’organisation des soins » et reste « obnubilé par le déficit des comptes sociaux et le mal-être des professionnels de santé ». Si les mesures envisagées sont nécessaires aux yeux de Christian Lajoux, il n’en manque pas moins un volet important pour que la France puisse « prendre le tournant technologique ».
Ce à quoi Jean-François Thébaut répond qu’il ne s’agit pas d’une loi de stratégie de santé et que l’évolution viendra du patient, qui ne « va pas à la pharmacie pour acheter des pilules mais de la santé. Les industriels seront-ils à même d’assurer ce service auprès des professionnels de santé ? Ou bien faudra-t-il se tourner vers les assureurs ? La Sécurité sociale ? Les opérateurs de téléphonie ? Les établissements hospitaliers ? Des sociétés de services développées par les industries de santé ? L’industrie de santé sera-t-elle capable d’offrir ces services indépendamment des produits vendus ? » Autant de questions pour le moment sans réponse. Christian Lajoux espère que les industries de santé et la France ne rateront pas ce tournant technologique, au risque de devenir, demain « le pays des musées avec le musée du vaccin, du cœur artificiel, de la thérapie génique ». Or négocier ce virage ne pourra se faire qu’après avoir posé « les bases d’un dialogue entre tous les acteurs ». Un appel du pied.
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