Le Quotidien du pharmacien.- Selon votre dernière étude sur l’économie des officines, les pharmaciens semblent avoir repris goût à l’investissement puisque la part de ceux qui ont dépensé plus de 100 000 euros a progressé de plus de 30 %, et ce en dépit d'une conjoncture peu dynamique. Comment expliquez-vous ce changement d’attitude ?
Philippe Becker.- Nous avons, nous aussi, été surpris par ce chiffre car il traduit la décision de réaliser un projet important pour un pharmacien sur trente, si on se permet d’extrapoler sur l’ensemble des pharmacies françaises. À l’évidence, c’est une bonne nouvelle car l’investissement est un baromètre assez fiable concernant l’optimisme dans un secteur d’activité. Au-delà du constat, il y a des raisons qui militent pour investir actuellement !
Quelles sont-elles ?
Christian Nouvel.- En premier lieu, les conditions de financement n’ont jamais été aussi favorables en France avec des taux d’intérêt très bas et des banquiers qui sont globalement moins frileux si la situation de l’officine est saine financièrement. En d’autres termes, nous nous trouvons dans une période où les officinaux se doivent d’être opportunistes car cela ne durera pas éternellement ! Il faut aussi ajouter que les évolutions du métier telles qu’elles nous apparaissent militent pour une réflexion sur l’organisation générale des espaces dans l’officine.
Vous parlez des nouvelles missions ?
Christian Nouvel.- Oui, bien sûr, les nouvelles missions exigent un vrai espace de confidentialité et plus encore, une refonte du « digital » dans les officines. La transition d’une économie de dispensation à une économie de service impliquera des choix pour que les pharmaciens soient plus disponibles pour les patients. Cela suppose la nécessité d’investir dans les ressources humaines, mais aussi en moyens matériels.
Cela revient-il à dire que le back-office devra être plus performant ?
Philippe Becker.- C’est un peu cela ! Le service, c’est du temps à consacrer pour que l’expérience du patient soit positive et se renouvelle. Cela ne peut pas être fait à la sauvette. La vaccination peut être l’occasion de nouer un dialogue avec le patient sur beaucoup de sujets, mais il ne faut pas qu’au même moment les autres clients attendent…
Nous pensons que la robotisation de tous les processus qui n’ont pas de valeur ajoutée devra être envisagée. Beaucoup d’officinaux en sont conscients et nombreux sont ceux qui ouvrent la voie. Ceci explique probablement la croissance de l’investissement en 2018.
Donc, pour vous, investir ce n’est pas uniquement refaire les agencements, la peinture et le carrelage !
Philippe Becker.- Pendant longtemps l’investissement de rénovation répondait bien au souci de mieux accueillir la clientèle et aussi, il faut le dire, de maintenir la concurrence à distance. Si c’est toujours bien de le faire, il faut impérativement intégrer le « digital » dans la réflexion. Le « digital » fera la différence dans les 5 ou 10 prochaines années et peut-être même avant ! Nous sommes là clairement dans une vision stratégique !
Sur ce point les pharmaciens sont plutôt bien outillés en matière informatique. Faut-il qu’ils s’équipent encore davantage selon vous ?
Christian Nouvel.- À l’heure actuelle, l’informatique officinale est trop tournée vers la relation avec les organismes payeurs ou les fournisseurs ; elle est en revanche peu orientée vers le patient. Or des exemples de développement existent : « si je peux scanner mon ordonnance pour qu’elle soit prête quand je passe le soir à l’officine, je gagne du temps d’attente et le pharmacien peut, lui, gérer les temps morts » – c’est un exemple basique de ce que le patient peut espérer du digital, mais il faut avoir investi dans l’outil de communication qui permet de faire ainsi en toute sécurité.
On peut multiplier les exemples, avec la prise de rendez-vous pour les entretiens pharmaceutiques par exemple. La télémédecine sera aussi un nouveau défi, et pas seulement dans les déserts médicaux !
À ce propos, les pharmaciens vous consultent-ils sur les gros projets d’investissement ?
Philippe Becker.- En général oui, car par la force des choses, ils ont besoin d’un plan prévisionnel pour la banque afin qu’elle valide la faisabilité financière. Parfois, ils nous demandent notre avis sur des nouveaux matériels pour savoir si parmi nos autres clients certains en sont satisfaits. Les aspects fiscaux sont aussi abordés, ainsi que le mode de financement, car investir ne doit pas être synonyme de surendettement.
Sur quels autres aspects devraient-ils faire appel à vous ?
Christian Nouvel.- Nous le répétons souvent, les officinaux ne sont pas assez vigilants sur la solidité financière des entreprises avec lesquelles ils contractent et cela peut conduire à des catastrophes techniques et financières. Or nous pouvons regarder, avec l’aide du banquier, la situation du fournisseur afin de pouvoir éliminer les entreprises fragiles qui souvent font des offres de prix alléchantes mais qui ne délivreront jamais le produit ou le service.
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