L’arrêt de 2003, entré dans la postérité sous le nom d’« arrêt Doc Morris » obligeait les États à accepter les ventes en ligne sans prescription depuis tous les États membres, mais les laissait libre d’autoriser ou d’interdire les ventes de prescription par ce canal. Ce principe a été repris par la directive de 2011 qui, moyennant un certain nombre de garde-fous et de règles de sécurité, laisse les États régler eux-mêmes la question des ventes de prescriptions en ligne.
Aujourd’hui, 20 des 28 États membres de l’UE limitent les ventes en ligne aux seuls médicaments sans ordonnance, tandis que 8 acceptent aussi les ventes de prescription. Il s’agit de l’Allemagne, du Royaume-Uni, des Pays-Bas, du Danemark, de la Suède, de la Finlande, de l’Estonie et de Malte, la Lituanie envisageant de rejoindre ce groupe fin 2019. Hors de l’Union européenne, mais au cœur de l’Europe, la Suisse constitue un cas original, puisqu’elle n’autorise que les ventes de prescriptions en ligne et non celles des OTC : la loi exige en effet une ordonnance pour toute vente en ligne ce qui, par définition, est impossible pour un OTC.
En Allemagne, 3 000 pharmacies sur 19 000 complètent leurs activités classiques par des ventes en ligne, mais seulement 150 d’entre elles sont de véritables pharmacies virtuelles disposant de Webshops et recensées sur des moteurs de recherche. Les vingt premières pharmacies de cette liste réalisent à elles seules 90 % du chiffre d’affaires du secteur. En 2017, les prescriptions en ligne ont atteint 8 millions de boîtes, pour un montant de 305 millions d’euros, soit 1,1 % du volume et 1 % du chiffre d’affaires des prescriptions, et celles des OTC 112 millions de boîtes pour un montant de 850 millions, soit 13 % du volume et 17 % des ventes. En 2018, les OTC ont encore progressé de 9 %, alors que les prescriptions en ligne stagnaient. Les deux tiers des Allemands ont déjà commandé des médicaments en ligne, surtout pour des raisons de prix, et moins d’un quart exclut de le faire un jour.
Ces ventes sont encouragées par le prix élevé des médicaments et la possibilité d’obtenir des rabais spectaculaires en les commandant dans les pays voisins, notamment aux Pays-Bas, ce qui a fait la fortune des « géants » comme Doc Morris, « hollandais » de nationalité mais, comme plusieurs de ses concurrents, créés et dirigés par des pharmaciens allemands installés dans des petites villes situées à la frontière germano-hollandaise.
Le Royaume-Uni peut être considéré comme la « terre natale » des ventes en ligne en Europe. La première pharmacie virtuelle d’Europe, « Pharmacy2U » fut créée en 1999 et reste leader du secteur, suivie par celles des grandes chaînes de pharmacies et quelques centaines d’autres, plus petites. Les ventes de prescriptions en ligne représentent environ 2 % du marché. Dominées par les médicaments « life style », elles sont aussi dopées par les consultations médicales en ligne durant lesquelles les médecins peuvent prescrire par ce canal. Toutefois, le secteur est sous le feu des critiques, en raison de politiques commerciales agressives et de nombreuses erreurs commises par certaines pharmacies… au point que le service national de santé, le NHS, d’abord favorable aux pharmacies en ligne, déconseille désormais aux patients de s’y fournir. Les ventes d’OTC en ligne - autour de 18 % - impactent peu les officines, car celles-ci ne disposent que d’une part réduite de ce marché, dominé par d’autres commerces généralistes.
Aux Pays-Bas, les ventes en ligne ont succédé, entre 2000 et 2002, aux ventes par correspondance déjà autorisées depuis des années. Les ventes d’OTC en ligne représentent environ 15 % du marché, mais les OTC échappant presque totalement aux pharmacies, l’impact de ces ventes est, comme outre-Manche, mineur pour ces dernières. Les ventes de prescriptions, selon les pharmaciens, sont marginales et concernent avant tout les médicaments « life style ».
Le Danemark a autorisé très tôt les ventes en ligne mais, précise l’association des pharmaciens danois, il s’agit principalement de click and collect, les patients cherchant ensuite à la pharmacie ce qu’ils ont commandé en ligne. Il existe par ailleurs deux pharmacies purement virtuelles.
En Suède, de même, les chaînes de pharmacies ont très tôt proposé des ventes en ligne, mais elles ont aujourd’hui fort à faire face à trois pharmacies exclusivement en ligne. Selon les pharmaciens suédois, ces ventes, en pleine expansion, représentent 10 % du total des ventes, prescriptions et OTC confondus.
On relève des tendances comparables en Norvège et en Finlande. Dans les pays scandinaves, les remises sont interdites sur les prescriptions, et autorisées sur les OTC.
En Espagne, permises depuis 2013, les ventes en ligne restent néanmoins soumises à une réglementation très stricte, et doivent être adossées à des pharmacies physiques, les acheteurs devant en outre fournir toutes leurs coordonnées pour commander. Les ventes en ligne se sont montées en 2018 à 130 millions d’euros, dont la moitié de produits d’hygiène et de parfumerie. Le pays compte 22 000 officines, mais moins de 10 % d’entre elles disposent d’un site de vente en ligne, tandis que les market places ne sont toujours pas autorisées.
En Italie, où elles ne sont autorisées que depuis 2015, les ventes en ligne de médicaments OTC et de parapharmacie ont progressé de 65 % entre 2017 et 2018, pour atteindre 150 millions d’euros. Le pays compte déjà près de 650 pharmacies virtuelles, ainsi que 150 parapharmacies virtuelles.
En Belgique, les ventes d’OTC en ligne sont dominées par quelques officines virtuelles, dont la principale, New Pharma, fait désormais partie des 10 premières pharmacies virtuelles européennes. Les ventes en ligne d’OTC représentent autour de 5 % du marché, bien que les règles de vente soient très strictes, avec notamment une quasi-interdiction de toute publicité, comme d’ailleurs pour les officines.
En Autriche, les ventes en ligne ont démarré tardivement et lentement, mais elles connaîtraient depuis 2017, selon les pharmacies virtuelles qui y opèrent, une croissance annuelle de 100 %, au point de représenter déjà 12 % du marché des OTC. Ces chiffres sont contestés par l’Ordre des pharmaciens, qui les juge tout à fait exagérées. Par ailleurs, l’Autriche elle-même compte très peu de pharmacies en ligne, la plupart des ventes étant réalisées par des pharmacies virtuelles allemandes et suisses, mais aussi tchèques et slovaques, dont certaines promettent des rabais allant de 20 à 45 % sur les prix en officine.
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