Psychologie et adolescence

Les smartphones affectent la santé mentale

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Publié le 15/11/2018
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Pour Jean Twenge, psychologue américaine, le cocktail smartphone et réseaux sociaux façonne les adolescents d'aujourd'hui, qui sont plus casaniers, moins matures et plus déprimés.

Après la génération Y, voici la « génération Z », encore dénommée « génération Internet » (I Gen), qui aura vécu son adolescence entière à l'ère du smartphone.

« Et cela n’est pas sans conséquences sur la vie de ces jeunes », analyse Jean Twenge, enseignante en psychologie à l'université de San Diego (États-Unis) et auteure du livre : « Génération Internet : comment les écrans rendent nos enfants immatures et déprimés ».

Selon la psychologue américaine, « les adolescents aujourd’hui passent beaucoup plus de temps sur Internet, sur les réseaux sociaux, à jouer en ligne, regarder des vidéos… Ils consacrent beaucoup moins de temps à des activités hors écran, comme lire, dormir ou voir leurs amis. De plus, ils sont moins matures et moins en quête d'indépendance : à 18 ans, ils sont moins susceptibles d'avoir leur permis de conduire, un petit boulot, des rendez-vous amoureux, de boire de l'alcool… ». Du coup - et c’est la bonne nouvelle -, la génération Z est sans doute la plus en sécurité de l’Histoire !

Immaturité, sécurité…

Cette tendance n'est pas nouvelle : elle a démarré à la fin des années 1990 avec la génération Y, et la technologie n'explique pas tout. Mais le smartphone semble avoir accéléré les choses, probablement parce que comme les ados peuvent communiquer avec leurs amis tout en restant chez eux, ils ne ressentent pas la nécessité d'avoir le permis de conduire, de sortir, etc.

Malgré cet avantage concernant leur sécurité, le constat n’est pas si rose, car la santé mentale de ces jeunes en prend un coup. « Ils ont l’impression de manquer de quelque chose et se rendent compte qu’être sur son sur son téléphone en permanence n'est peut-être pas la meilleure façon de vivre », analyse Jean Twenge.

... et dépression

Et plus ils passent du temps à regarder leur écran, plus ils témoignent de signes de dépression. En effet, en colligeant des études sur le comportement et la santé de millions d’adolescents au fil des ans, Jean Twenge a observé, à partir de 2011-2012, de fortes hausses de symptômes classiques de dépression : « à partir de ces années, il y a beaucoup plus de jeunes qui déclarent se sentir seuls ou exclus, ou qui pensent qu'ils ne pouvaient rien faire de bien, que leur vie ne servait à rien », détaille jean Twenge.

Au total, les symptômes dépressifs ont grimpé de 60 % en tout juste cinq ans, avec des taux d'automutilation - comme le fait de se couper - qui ont doublé, voire triplé chez les filles ; le suicide des ados a doublé en quelques années…

Ces problèmes de santé mentale ont commencé à se manifester pile au moment où les smartphones sont devenus communs, où la proportion d'Américains en ayant un a dépassé les 50 %. Serait-ce une coïncidence ? Jean Twenge en doute. « Aucun autre événement n’est intervenu à ce moment-là pour expliquer ces changements et leur accélération. Et on sait, après des décennies de recherches, que le sommeil ou voir ses amis sont des éléments fondamentaux pour l'équilibre mental », argumente-t-elle. Aujourd'hui, les adolescents américains passent six à huit heures par jour sur les réseaux sociaux. Ce ne sont pas les écrans en eux-mêmes le problème, c'est le fait qu'ils aient pris la place d'autres choses, qui semble avoir mené à ces problèmes de santé mentale.

Mais au final, ce constat peut être considéré comme positif, car il est possible d’influer sur le cours des choses. « On ne peut pas modifier les gènes avec lesquels on est né, ni résoudre la pauvreté en un claquement de doigts. Mais nous pouvons contrôler la façon dont nous occupons notre temps libre et nous pouvons aider nos enfants à en faire autant », relève la psychologue.

Les études plaident en faveur d'une limitation des réseaux sociaux à deux heures par jour maximum pour les adolescents. « C'est un bon équilibre pour profiter des réseaux sociaux et du smartphone (communiquer, s'informer, s'organiser…) sans les inconvénients, qui sont considérables », estime-t-elle. Et pour les plus petits, si l’on pense que son enfant a besoin d'un téléphone, mieux vaut opter pour un téléphone sans Internet, et donc sans toutes les tentations.

Avec l'AFP.

Charlotte Demarti

Source : Le Quotidien du Pharmacien: 3473