COMBIEN de pharmaciens franchiront-ils le pas ? Beaucoup semblent encore s’interroger sur le bien fondé de la vente en ligne de médicaments. Aujourd’hui, seulement 60 sites de pharmacies ont été autorisés par les agences régionales de santé (ARS) dont elles dépendent, soit pas même 0,3 % des officines. Mais d’ici à la fin de l’année, cette proportion pourrait atteindre 10 %, selon une enquête réalisée par Les Échos Études auprès de titulaires*. Ce qui leur fait dire que « le développement des e-pharmacies ne restera pas un phénomène marginal ». En effet, analysent les auteurs de l’étude, il s’agit d’un pourcentage loin d’être négligeable « si on le compare au quelque 15 % d’officines allemandes qui développent depuis 2004 la vente en ligne de médicaments ». Quoi qu’il en soit, à l’heure actuelle, près de 9 titulaires sur 10 s’y montrent encore hostiles et ne comptent pas créer de site de vente en ligne dans les prochains mois. Mais rien n’est figé. Rappelons-nous du rejet massif dont avait fait l’objet le libre-accès lors de son lancement en 2008 : 84 % des officinaux y étaient alors franchement opposés. Cinq ans plus tard, 7 officines sur 10 proposent à leurs clients des médicaments devant leurs comptoirs. L’argument principal des opposants au libre accès était d’ailleurs le même que celui avancé aujourd’hui par ceux qui refusent la vente sur Internet, à savoir la crainte de constituer un premier pas vers l’autorisation du commerce de spécialités en grande surface.
Des craintes fondées.
Toutefois, les peurs sont peut-être davantage fondées aujourd’hui. D’abord, parce que la vente à distance légitime en quelque sorte la dispensation de médicaments sans le contact direct avec un pharmacien. Ensuite, parce que le contexte actuel est différent. En effet, les pressions de Michel-Edouard Leclerc sur le monopole sont plus insistantes. Et la récente adoption par les sénateurs d’un amendement autorisant la vente de tests de grossesse dans les supermarchés renforce encore un peu plus ce sentiment (« le Quotidien » du 16 septembre).
Autre peur suscitée par le commerce en ligne : la sécurité des patients. Car, à la différence du libre accès, les médicaments vendus sur la Toile peuvent être des faux en raison du piratage fréquent des sites. Plus d’une centaine de faux sites ont déjà été recensés, seulement deux mois après l’autorisation des e-pharmacies en France, et ce malgré l’encadrement prévu par le gouvernement.
Plus de sécurité.
Dans ce contexte, la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF) propose non pas d’interdire, mais de sécuriser davantage le dispositif de vente en ligne. Comment ? En créant un portail d’informations sur les produits et les prix, à partir duquel les internautes pourront accéder aux coordonnées des officines physiques ou virtuelles les plus proches de chez eux. S’ils choisissent de commander en ligne, ils devront tout de même se déplacer pour retirer leurs médicaments ; ils pourront aussi se faire livrer à domicile par le pharmacien ou un membre de l’équipe officinale, comme le code de la santé publique le permet déjà. En résumé, la FSPF dit « oui » à Internet, mais « non » à la vente par correspondance. « La particularité de notre projet est que nous ne renonçons pas au modèle de dispensation sécurisée et de proximité », souligne Philippe Besset, vice-président de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF). Les patients pourront ainsi recevoir les conseils utiles, alimenter leur dossier pharmaceutique et avoir la garantie de recevoir un vrai produit. « Nous voulons assurer la sécurité de la dispensation, ce que la loi actuelle ne permet pas, insiste Philippe Besset. Le contact physique avec un pharmacien ou un membre de l’équipe officinale représente la seule façon d’éviter les faux médicaments. » L’intégralité du projet devrait être dévoilée lors du prochain congrès national des pharmaciens, les 26 et 27 octobre prochains, à Lyon.
Trop de contraintes.
Univers pharmacie cherche également à garantir une meilleure sécurité aux internautes. Le site qu’il vient de lancer est ainsi adossé à une officine de « briques et de mortier » (dans le respect de l’arrêté de Bonnes pratiques publié en juin), en l’occurrence la pharmacie pilote du groupement située à Colmar. Autre garantie offerte aux patients : ils peuvent, s’ils le souhaitent, aller récupérer leurs commandes directement dans l’une des 160 « Pharmacies point relais » du groupement. Une solution pas si éloignée de celle envisagée par la FSPF.
D’autres, au contraire, militent pour plus de souplesse dans la réglementation. C’est le cas notamment du pharmacien de Caen, pionnier du commerce en ligne, Philippe Lailler, qui a déposé plusieurs recours devant le Conseil d’État contre l’arrêté de bonnes pratiques, pour « excès de pouvoir ». Mais il n’est pas le seul sur ce front. Laurence Silvestre, titulaire iséroise et gérante du site Pharmashopi.com, est également engagée dans une bataille contre ce texte. Car, à ses yeux, de « nombreuses règles imposées par cet arrêté vont forcément freiner le développement de la vente en ligne des médicaments ». Elle conteste notamment l’obligation d’héberger les données uniquement auprès d’un organisme agréé par le ministère de la Santé qui, selon elle, risque d’entraîner un surcoût non négligeable à la gestion d’un site. Tout comme l’obligation de préparer les commandes au sein de l’officine. À défaut de vente à distance, c’est un combat à distance que se livrent les pro et anti commerce en ligne de médicaments.
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