LES AUTEURS du rapport*, intitulé « L’enfant et les écrans », ont voulu rendre compte, « de façon mesurée », des effets positifs et négatifs rencontrés lorsque les petits utilisent les différents supports informatiques. « L’originalité de cet avis, préparé sous l’égide de l’Académie des sciences en collaboration avec la fondation La main à la pâte, est d’intégrer les données scientifiques les plus récentes de la neurobiologie, de la psychologie, des sciences cognitives, de la psychiatrie et de la médecine avec la réalité rapidement évolutive des technologies numériques et de leur utilisation », indique Jean-François Bach, secrétaire perpétuel de l’Académie.
La première des recommandations, c’est de prendre conscience de la révolution en cours et du « choc entre la traditionnelle culture du livre et la nouvelle culture numérique ». « L’intelligence numérique pourrait être plus fluide, plus rapide et multitâche que la culture littéraire » classique, plus lente mais plus profonde, explique Olivier Houdé, psychologue spécialiste du développement de l’enfant. Mais ces deux cultures ne sont pas incompatibles, à condition que les enfants « apprennent à jongler avec les deux, à les combiner, ils feront des merveilles ». Pour que cette adaptation aux écrans, particulièrement rapide à l’échelle de l’évolution humaine, se fasse au mieux, « il faudrait une pédagogie adaptée à tous les âges, en fonction de la maturation du cerveau et du développement cognitif », poursuit-il. Même chez les bébés de moins de deux ans, les experts de l’Académie se refusent à préconiser une interdiction d’écrans. « On ne veut pas pasteuriser l’environnement numérique des enfants », explique Olivier Houdé. Toutefois, toutes les études montrent que les écrans non interactifs n’ont aucun effet positif sur les bébés.
Pour les plus grands, il faut, dès l’école, les éveiller à exercer « une conscience réflexive de leur relation aux écrans et aux mondes virtuels, en les informant en même temps sur le fonctionnement de leur cerveau et sur les risques pour la santé ». Le but est de les préparer, à travers une éducation progressive adaptée à chaque âge et organisée avec les adultes, à « bien gérer leur rapport cognitif, social et émotionnel au monde numérique ». Cette capacité d’autorégulation « leur restera aussi précieuse à l’âge adulte », expliquent les auteurs.
Non aux « digital native ».
Pour le psychiatre Serge Tisseron, il y a un danger à considérer les enfants comme des « digital natives » : cette idée aboutit à « la situation catastrophique actuelle où trop d’enfants découvrent les technologies numériques seuls ». La démarche à suivre, selon lui, c’est de ne plus considérer les enfants « comme des petits êtres à protéger », mais plutôt les prendre comme « des partenaires de la grande évolution, avec des capacités et des désirs ». Par ailleurs, « les pratiques excessives ne sont pas toutes pathologiques », temporise le psychiatre, en soulignant les aspects créatifs et socialisants des nouvelles technologies. Face à l’inquiétude des parents parfois infondée, il préconise enfin que les généralistes et les pédiatres puissent tenir « un discours clair ». Par cet avis, l’Académie des sciences souhaite aider à accompagner « la nouvelle génération dans une utilisation positive des écrans ».
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