ON CONNAISSAIT déjà les courtiers en crédit immobilier, en assurance ou en bourse. Puis, récemment, les courtiers en viande, directement pointés du doigt dans le scandale des lasagnes à base de cheval. Désormais, il faudra aussi s’habituer aux courtiers en médicament. En effet, l’ordonnance du 19 décembre 2012 (et le décret du 31 décembre) visant à lutter contre la contrefaçon de médicaments n’encadre pas seulement la vente sur Internet, mais aussi l’activité de courtage. De quoi s’agit-il ? De « toute activité liée à la vente ou à l’achat de médicaments qui ne comprend pas de manipulation physique et qui consiste à négocier, indépendamment ou au nom d’une personne physique ou morale », explique le texte.
En fait, l’activité de courtage est une pratique qui existe déjà en France. Il n’est en effet pas rare de voir des groupements de pharmaciens, des groupements d’intérêt économique (GIE), ou encore des sociétés de regroupements d’achat (SRA), négocier des conditions d’achat ou de référencement de médicament. Mais les textes parus fin 2012 font désormais passer le courtage dans le giron du code de la santé publique. « On a formalisé le métier de courtier, explique Me Caroline Cazaux, avocate spécialisée dans la distribution pharmaceutique. Le courtage en tant que tel existe depuis toujours dans le code du commerce. Ces nouvelles dispositions permettent simplement d’adapter sa définition au circuit pharmaceutique. » Ce nouveau cadre juridique s’accompagne également de nouvelles obligations, qui entrent en vigueur à partir du 1er avril prochain (voir encadré).
Des inquiétudes.
Toutefois, l’encadrement des courtiers en France inquiète plus qu’il ne rassure. Surtout depuis l’affaire de la viande de cheval vendue à la place de la viande de bœuf. « Sans porter aucun jugement, on voit bien que, dans cette affaire, où sont mêlés des courtiers, le problème vient de la difficulté à pouvoir identifier l’origine du produit et le nombre d’intermédiaires », souligne Emmanuel Déchin, secrétaire général de la Chambre syndicale de la répartition pharmaceutique (CSRP).
« J’ai une vraie inquiétude », explique pour sa part Pascal Louis. Car, pour le président du Collectif national des groupements de pharmaciens d’officine (CNGPO), l’encadrement de l’activité de courtage va non seulement imposer des contraintes supplémentaires aux groupements, mais il va aussi introduire une concurrence, exercée de surcroît par des personnes qui n’auront pas forcément le même respect de la distribution du médicament. « Cela va créer un flou sur la chaîne du médicament et certainement augmenter les achats transfrontaliers », craint-il.
« En voulant sécuriser le circuit du médicament, la commission européenne a souhaité imposer des contraintes à tous les opérateurs, y compris aux courtiers, analyse Emmanuel Déchin. Mais elle a créé de facto le statut de courtier qui n’existait pas encore en France. Je ne sais pas si c’est une bonne ou une mauvaise chose. Mais je pense que cela ne va pas diminuer les risques. »
« Je ne suis pas sûr que cela puisse permettre de lutter plus efficacement contre les médicaments falsifiés, car le courtier, par définition, ne détient pas, ne manipule pas, ne stocke pas et ne livre pas », estime également Caroline Cazaux. Et pour l’avocate spécialisée, les nouvelles obligations prévues vont en outre faire perdre tout intérêt aux SRA et aux GIE, des outils permettant aux officinaux de mieux acheter. « On s’est focalisé sur l’autorisation de la vente de médicaments sur Internet. Pourtant, l’arrivée des courtiers dans le monde de la pharmacie aura, à mon sens, plus d’impact sur les officinaux », conclut Maître Cazaux.
Près de 40 % du chiffre d’affaires
Médicaments chers : poids lourds de l’activité officinale
Les concentrations continuent
Hygie 31, Giropharm : grandes manœuvres au sein des groupements
Valorisation et transactions en 2023
La pharmacie, le commerce le plus dynamique de France
Gestion de l’officine
Télédéclarez votre chiffre d’affaires avant le 30 juin