Le digital peut-il faciliter le merchandising en officine ? Conscients de son importance, les pharmaciens restent cependant toujours démunis face à la nécessité de savoir mettre en scène les produits dans l’espace de vente, par manque de temps, de compétences aussi… Le digital, et par extension l’ensemble des nouvelles technologies peuvent en effet les aider à clarifier leur offre, à rendre plus riche l’expérience des clients, et donc à vendre mieux et plus. Le merchandising est d’un usage déjà relativement ancien, mais le high-tech lui donne peut-être une plus grande légitimité, voire une plus grande pertinence. « Beaucoup de démarches merchandising sont faites ou ont été faites de façon très empirique, analyse Alexandre Georgeault, dirigeant de la société Fil Rouge, elles sont désormais plus scientifiques, car les nouvelles technologies permettent de vérifier là où ces démarches sont bonnes et là où elles ne le sont pas. »
À qui faire appel ?
Qui peut utiliser le digital pour rendre le merchandising plus précis, plus intelligent ? Assurément pas le pharmacien lui-même. La prise de conscience ne suffit pas à elle seule pour maîtriser le sujet et même si les jeunes générations ont plus d’appétence et de curiosité pour ces questions que leurs aînés selon Stéphane Bellintani, dirigeant de Perpharma, les pharmaciens ont besoin d’être accompagnés, d’une manière ou d’une autre. C’est peut-être la première question qu’ils vont se poser. À qui faire appel, et pour quel projet ? Les circonstances vont souvent les amener à faire confiance aux laboratoires pharmaceutiques. « Le sujet a été pris à bras-le-corps par certains labos », commente Alexandre Georgeault. « C’est parfois intéressant, parfois non. » Ou alors, c’est l’affaire des groupements. Dans l’un comme dans l’autre cas, cela apporte certes des projets utiles, mais le merchandising n’est jamais aussi efficace que lorsqu’il est personnalisé, et les nouvelles technologies apportent justement ce degré d’analyse et de précision nécessaire à cette personnalisation.
Or, pour aussi bons qu’ils soient, ces projets se font d’abord dans l’intérêt des marques mises ainsi en valeur, pas forcément dans celui des pharmaciens. D’où la tendance à faire appel à des spécialistes du merchandising, aussi bien pour celui qu’on qualifie d’opérationnel, l’implantation et la mise à jour des linéaires, que le merchandising d’analyse qui lui permet d’aller plus loin dans la démarche. Cela conduit parfois à une vision extensive qui amène le prestataire à s’intéresser aux fondamentaux de la pharmacie. « Le merchandising, c’est avant tout savoir placer des produits, mais nous allons plus loin, puisqu’au fond, un bon merchandising conduit à mieux vendre, nous allons chercher à comprendre les mécanismes de la rentabilité d’une pharmacie, et donc ses choix stratégiques, nous allons évoquer avec le pharmacien sa stratégie d’achats et sa capacité de négociation avec les laboratoires afin de les améliorer », explique Stéphane Bellintani.
Quels écrans pour l’officine ?
Les premiers pas du merchandising high-tech ont été de placer des écrans dans l’officine, une façon de communiquer qui a pu aider, ou pas, les démarches des pharmaciens. Car communiquer sur les produits et les promotions fait partie du merchandising. Ces écrans, font aujourd’hui débat. « L’affichage digital est toujours en phase de test », commente Alexandre Georgeault. « Sephora, une enseigne très en avance sur ces sujets, a enlevé ses écrans publicitaires pour placer des écrans leds créateurs d’ambiance, à vocation esthétique. Ce n’est pas forcément ce que doit faire la pharmacie, mais la démarche est intéressante, c’est un exemple de « test & learn », un process d’expérimentation. » Un exemple qu’il faudrait suivre… « L’affichage digital doit être cohérent avec ce qui est visible dans la pharmacie », propose pour sa part Lydie Dodane, consultante merchandising pour Dynamic Merch. « Les promotions visibles sur écran répètent ce qui est affiché ailleurs dans l’officine, car une promotion doit être vue plusieurs fois pour avoir un impact, d’où mes doutes quant à l’impact de l’affichage que l’on peut trouver sur les bornes interactives », poursuit-elle. « Le marché n’est pas du tout mûr pour ça », confirme Stéphane Bellintani. Faire le tri parmi les possibilités d’affichage digital proposées s’impose.
Futuramédia, enseigne historique sur ce marché, défend son modèle basé sur la régie publicitaire avec un contenu modulaire diffusé sur ses écrans selon la volonté des pharmaciens. Les écrans présents en vitrine notamment rencontrent selon Guy Taïeb, PDG de l’entreprise, un franc succès. Ce qui du reste est confirmé par les acteurs du merchandising, qui constatent de leurs côtés les progrès de ces écrans, une bonne visibilité quelles que soient les conditions de luminosité extérieure. Futuramédia entend rester au taquet et dévoile des nouveautés digitales qui peuvent enrichir le merchandising : des têtes de gondoles digitales pour diffuser des contenus dynamiques en temps réel, synchronisés avec les produits présents dans la tête de gondole, et des écrans « transparents » installés dans les linéaires même, capables de diffuser des contenus qui apparaissent progressivement mais sur une courte durée. « Ce sont des messages ciblés, des mises en avant de produits dans leur contexte, et cela dans le dernier mètre, voire centimètre de l’acte d’achat », explique Guy Taïeb. L’enseigne travaille également sur la reconnaissance faciale, l’un des enjeux merchandising les plus en vue pour l’ensemble des commerces, et promet un produit pour cette année. Il sera complémentaire à celui des écrans transparents puisque selon le sexe et la tranche d’âge de la personne qui arrivera devant un linéaire donné, un produit sera proposé sur cet écran, un produit aussi ciblé que possible en fonction des données transmises par le logiciel de reconnaissance faciale.
Complémentarité
Autre tendance importante de l’affichage digital, celle des linéaires digitaux, une tendance qui s’affirme petit à petit. La plupart des grands fabricants de robots et d’automates en proposent désormais, afin d’afficher des produits sans avoir à les exposer. Gain de temps, gain de place, les avantages semblent évidents. « Nous allons travailler pour la première fois sur l’implantation merchandising de linéaires digitaux dans une pharmacie de Clermont-Ferrand, à la demande de Gollmann Zwick qui les a installés », évoque Stéphane Bellintani. « Il y a une véritable complémentarité entre ces linéaires digitaux et le travail d’analyse du merchandising », ajoute-t-il. Une des principales tâches des sociétés spécialisées dans le merchandising est de faire vivre les rayons d’une officine de façon très régulière. Or, la pharmacie se distingue de nombreux autres commerces par la complexité de son offre, un nombre de références considérables soumises à une réglementation stricte et aussi une forte saisonnalité. Les spécialistes du merchandising sont donc volontiers sollicités. Rappelons que la plupart des linéaires digitaux se placent dans l’OTC derrière les comptoirs, seuls pour l’instant les écrans proposés par Pharmagest se placent dans l’espace de vente.
En matière d’affichage, il est intéressant de souligner la demande croissante des pharmacies, les plus grandes d’entre elles en tout cas, dans le domaine des étiquettes électroniques. Ces produits existent depuis longtemps et leur coût a toujours été un frein à leur développement dans le monde de la pharmacie. Mais depuis, l’arrivée de la technologie e paper a renforcé l’intérêt merchandising de ces produits dont les qualités d’affichage autorisent bien des possibilités. « Certaines pharmacies parisiennes font des « happy hours », des promotions sur un créneau donné de la journée », explique Stéphane Bellintani. Les étiquettes électroniques permettent en effet de changer les prix d’un seul clic et grâce aux nouvelles possibilités graphiques offertes par la technologie e paper, il est possible d’afficher des prix visuellement plus forts, en rouge par exemple, en cas de promotions. Les prix deviennent ainsi plus élastiques au sein d’une même journée, d’une même semaine, selon Stéphane Bellintani. Qui plus est, leur prix tend à baisser, souligne pour sa part Jérôme Lapray, directeur marketing de Pharmagest.
Comprendre les comportements des clients
Les technologies ne se contentent pas de travailler sur l’affichage, elles aident les pharmaciens à concevoir leur merchandising en fonction de leur stratégie, en amont de la mise en place opérationnelle des rayons, et aussi en aval parfois. À commencer par les planogrammes, ces applications qui à partir d’un plan de l’officine permettent de placer par le biais d’un logiciel les bons produits au bon moment. Rien de bien nouveau, c’est une pratique ancienne. Mais il est possible d’imaginer des améliorations très sensibles de ces technologies en utilisant à l’avenir, qui sait, de l’intelligence artificielle. Déjà, certains outils sophistiqués, et donc chers, sont utilisés en pharmacie, à l’instar du groupement Giphar qui a fait appel aux solutions de l’éditeur JDA Software. Mais les spécialistes du merchandising se contentent bien souvent d’outils simples, en créant leurs planogrammes sur Powerpoint par exemple. Inutile de les perturber avec des outils trop complexes disent-ils en substance. « Avec My Pilot, logiciel proposé par Objectif Pharma (groupement du groupe Wellcoop auquel appartient également Pharmagest, N.D.L.R.), le pharmacien va pouvoir disposer de planogrammes personnalisés, mais cela reste encore un outil simple d’utilisation », affirme Jérôme Lapray. Les outils plus complexes vont être utilisés par les spécialistes du merch eux-mêmes pour le compte de leurs clients. Ainsi Fil Rouge travaille-t-elle sur une technologie de caméras qui vont pouvoir regarder où se pose naturellement le regard des clients et mesurer ainsi l’attractivité des produits et des linéaires. Par ailleurs, l’entreprise dispose déjà d’outils qui permettent de comprendre les comportements des consommateurs, comme ces caméras qui enregistrent les flux à travers les espaces de ventes, flux susceptibles ensuite d’être traités de façon statistique. « Nous pouvons analyser à J+1 l’impact des évolutions d’implantation merchandising », affirme Alexandre Georgeault. Le merchandising intelligent, ça ne fait que commencer…
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