Le Quotidien du pharmacien.- Qu’est-ce que l’annonce de la création d'Amazon Pharmacy vous inspire ?
Luc Besançon.- Je suis surpris de l’écho et de l’émoi que cette annonce suscite, en Europe comme aux États-Unis. Car la création d’Amazon Pharmacy était tout à fait prévisible, elle s’inscrit dans la suite du rachat de Pill Pack, une société spécialisée dans la PDA qui s’adresse aux patients chroniques, et de son intégration aux activités d’Amazon. Amazon détient déjà des licences pour opérer dans presque tous les États américains, et surtout, nouveauté, il propose une visibilité sur les prix des médicaments (et le reste à charge) qui, aux États-Unis, varient en fonction de l’assurance-maladie du patient. Un critère concurrentiel qui n’est pas pertinent pour la France.
Amazon Pharmacy peut-elle représenter une menace pour la pharmacie en Europe ?
Le modèle économique d’Amazon Pharmacy est effectivement le médicament de prescription obligatoire. De plus, je pense qu’un frein en Europe sera levé avec la généralisation de l'e-prescription. L’Union européenne travaille actuellement à l’interopérabilité, dont l’objectif visé est de créer un marché unique où les divers prestataires seraient en concurrence, et ce de manière instantanée. D’ailleurs, les grandes pharmacies en ligne telles que Zur Rose ont compris l’importance du sujet et investissent aujourd’hui massivement dans les expérimentations d’e-prescription.
Dans l’Hexagone, les pharmacies sont-elles cependant moins exposées à la concurrence d’Amazon Pharmacy ?
De fait, il existe aujourd’hui deux remparts en France. D’une part, la prise en charge du médicament est assurée par l’assurance-maladie, et rien en l’état ne permet aujourd’hui le remboursement de médicaments achetés auprès d’une pharmacie en ligne étrangère. Reste à voir cependant si l’assurance-maladie serait légalement en capacité, à terme, de refuser le remboursement de médicaments dispensés par une pharmacie en ligne étrangère. D’autre part la législation française ne permet pas la vente en ligne de médicaments sur ordonnance. Les décisions de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) ont confirmé que la France pouvait l’interdire.
Dans ce contexte, l'OTC et le DM ne seront-ils pas la principale cible d’Amazon Pharmacy en Europe ?
Oui, en France, l’intérêt d’Amazon Pharmacy, comme des autres acteurs en ligne étrangers, va se concentrer sur des médicaments à prescription facultative, mais aussi sur les dispositifs médicaux, compléments alimentaires et cosmétiques, pour lesquels le facteur prix sera déterminant dans l’acte d’achat. Déjà, nombre de patients s’approvisionnent auprès de pharmacies en ligne étrangères, pas pour des besoins en urgence mais pour des achats anticipés (par exemple le réassort de leur armoire à pharmacie). De toute évidence, la crise sanitaire a contribué à renforcer l’achat en ligne de façon générale et aussi pour les médicaments, cela a été constaté par exemple en Italie.
Les laboratoires de médication familiale soutiennent le développement chez les patients d’un réflexe d’une consultation auprès du pharmacien pour les problèmes de santé bénins, où la visite dans une pharmacie physique permettra de souligner la valeur ajoutée par rapport à la vente en ligne. À ce titre, nous disposons en France, d’un réseau d'officines très dense et disposant de tous les éléments pour assurer la sécurité des patients.
* Association française de l’industrie pharmaceutique pour une automédication responsable.
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