Selon un sondage en ligne mené par l’association Vivre sans thyroïde, 1 433 patients ont déclaré se procurer de la lévothyroxine hors de la France (données au 23 avril), principalement du Lévothyrox ancienne formule (Euthyrox ou Eutirox) : en Espagne et en Andorre (dans 45 % des cas), en Allemagne (29 %), en Italie (14 %), en Belgique (11 %), en Suisse (8 %), ou au Portugal (6 %). Au total, 80 % des patients (ou un de leur proche) se déplacent physiquement et 20 % commandent sur une pharmacie en ligne étrangère.
Deux tiers d’entre eux déclarent s'approvisionner à l’étranger car ils ne trouvent pas d’Euthyrox dans les pharmacies Françaises : « les stocks limités rendent difficile l'approvisionnement des patients, alors qu’il est très simple de s’en procurer à l’étranger », affirme l’association Vivre sans Thyroïde. Pourtant, la spécialité ne semble pas manquer chez les grossistes répartiteurs français. « En consultant mon logiciel, je peux même commander 15 boîtes d’Euthyrox 125 microgrammes chez le grossiste : elles sont disponibles », témoigne ainsi Delphine Jusseaume, titulaire à Tours (Indre-et-Loire). Une disponibilité que confirme le Laboratoire Merck. « À la demande du ministère de la Santé, nous avons importé d’Allemagne environ 200 000 boîtes de 100 comprimés en octobre 2017, et nous réapprovisionnons régulièrement le marché jusqu’à la fin de l’année 2018 », indique Valérie Leto, pharmacien responsable de Merck, qui ajoute que, néanmoins, « avec l’arrivée d'alternatives de plus en plus nombreuses, la demande en Euthyrox a diminué ». En effet, selon Emmanuel Déchin, de la Chambre syndicale de la répartition pharmaceutique (CSRP), « il y a chez les répartiteurs très peu d'Euthyrox étant donné que ce médicament est peu utilisé, et qu'il est amené à disparaître ».
Habitude ou facilité ?
Aujourd’hui, l'Euthyrox est donc bien présent en France (depuis le 2 octobre 2017), en quantités certes limitées. Mais certains patients auraient conservé leurs habitudes d’achat de lévothyroxine à l’étranger, par manque de confiance dans le système français. Ou encore car ils ne disposeraient pas d'une prescription spécifique d’Euthyrox, une condition sine qua non pour obtenir ce médicament en France.
En effet, dans l'Hexagone, la prescription d’Euthyrox n'est pas encouragée : « elle doit être réservée uniquement aux patients qui rencontrent des effets indésirables durables avec les autres médicaments de lévothyroxine, dont la nouvelle formulation de Lévothyrox. Aucune initiation de traitement avec Euthyrox ne doit être réalisée, indique l'ANSM. Et si un patient présente des difficultés avec la nouvelle formule de Lévothyrox, on l'orientera vers l'une des solutions pérennes qui ont fait leur apparition sur le marché : L-Thyroxin Henning, Thyrofix, L-Thryroxine Serb et récemment Tcaps ». Et non pas vers l'Euthyrox, qui est voué à disparaître d'ici à la fin de l'année en France, et à terme dans le monde.
Certains patients pourraient donc encore chercher à vouloir se procurer de l'Euthyrox dans les pays où il est encore facile à obtenir, comme en Suisse, en Espagne, ou en Italie, plutôt que de devoir être orienté par leur médecin vers une alternative pérenne.
Ainsi, Isabelle Jaehn, titulaire à Lauterbourg (Alsace), indique qu’une ou deux de ses patientes doivent se procurer de l'Euthyrox en Allemagne. « Au début elles avaient des prescriptions de L-Thyroxin Henning, puis je ne les ai plus revues », confie la pharmacienne qui est installée à deux pas de la frontière.
De même, à la pharmacie Grand-Saconnex, en Suisse, près de Genève, on indique « avoir délivré beaucoup d’Euthyrox à des Français ayant des ordonnances de Lévothyrox depuis le changement de formule. Aujourd'hui, les délivrances ont été limitées aux personnes de la zone frontalière et nous avons donc moins de demandes ». De plus, ces délivrances sont amenées à se tarir définitivement en Suisse, le pays venant d'adopter la nouvelle formule en ce mois d'avril.
Une question de dosage
Dernière raison possible d’un approvisionnement hors de France : le dosage. En effet, un quart des patients ayant déclaré s’approvisionner à l’étranger prennent des dosages intermédiaires qui nécessitent en France de couper un comprimé de 25 en deux (sécable, sauf pour Thyrofix), pour l’ajouter à la dose principale (par exemple 100 + 1/2 de 25 pour avoir un dosage de 112,5). « Une acrobatie aberrante que n’ont pas à faire les patients des autres pays européens ou certaines spécialités sont disponibles en 11 ou 12 dosages différents contre 8 en France, avec les dosages supplémentaires tels que 88, 112 et 137 microgrammes », évoque l’association Vivre sans thyroïde. Toutefois, « avec la mise à disposition du Tcaps depuis quelques jours (capsules molles de lévothyroxine du Laboratoire Genevrier) ces dosages sont désormais aussi disponibles en France », admet l’association.
Mais n’oublions pas que la grande majorité des patients se procurent leur lévothyroxine en France. Certains ont pu passer du Lévothyrox ancienne formule à la nouvelle formule sans encombre, d’autres ont dû adapter leur traitement, ou encore ont opté pour une alternative pérenne à la lévothyroxine. « Pour l'essentiel, le changement s’est bien déroulé et aujourd'hui, je n’ai aucun patient qui prend de l'Euthyrox », évoquent Delphine Jusseaume comme Isabelle Jaehn. Au total, sur les 2,7 millions de patients sous lévothyroxine, 500 000 prendraient une alternative au Lévothyrox nouvelle formule (soit 18 %). En décembre 2017, l'ANSM avait indiqué que plus de 90 % des délivrances concernaient le Lévothyrox, loin devant L-Thyroxin Henning (7,2 %), L-Thyroxine SERB (1,2 %) et Euthyrox (0,5 %). « Une actualisation de ces données sera publiée dans les prochaines semaines, et permettra de mieux cerner la répartition du marché », dévoile l'agence sanitaire.
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