AUJOURD’HUI, l’information médicale pullule sur le Web, des communautés de patients et de médecins se sont développées pour partager des expériences communes, des diagnostics, des cas plus ou moins difficiles. Les principaux défis sont de savoir filtrer la bonne information et de savoir s’adresser à la bonne personne, ou de savoir s’adapter à son interlocuteur. Face à cette évolution, ce qu’on appelle les « objets connectés » ou « l’Internet des objets »* prend une ampleur telle que les investissements ne cessent d’affluer dans ce domaine. Pourtant, leur intégration dans la pratique n’est encore qu’anecdotique. Cela pourrait néanmoins rapidement évoluer.
Dans ce domaine, les idées ne manquent pas et se développent prioritairement aux États-Unis grâce à leurs quatre incubateurs d’entreprises destinées à la e-santé : une coque d’iPhone qui réalise des électrocardiogrammes fournie uniquement sur prescription médicale, une application qui repère les mauvaises positions de la colonne vertébrale et indique à l’utilisateur de se redresser ou de se lever. Citons aussi l’idée de disposer des capteurs sur les inhalateurs des asthmatiques, reliés à une application iOS**, Android*** et à une plateforme en ligne. Le but ? Obtenir une géolocalisation précise permettant aux médecins de repérer les zones géographiques où l’asthme de leurs patients surgit plus fréquemment.
D’autres outils, encore en développement, vont plus loin. Ainsi, on parle d’implants électroniques pour effectuer un suivi médical sur téléphone portable. Au-delà de ces applications médicales, la e-santé s’intéresse aussi à des outils équivalents pour le confort quotidien. C’est le propre des bracelets, vecteurs d’automesure parfaits, par exemple pour un suivi dans l’activité physique, intégrant les distances parcourues, les calories brûlées, le rythme cardiaque… Tous les jours, de nouvelles applications voient le jour, le digital gagnant du terrain à une vitesse affolante.
Pharmacie physique et digitale.
Et le pharmacien dans tout cela ? Il faut reconnaître que la France accuse un léger retard. D’ailleurs, le groupe PHR, qui tient à connaître tout ce qui se fait dans le domaine, n’a pas hésité à passer les frontières pour découvrir les derniers outils en vogue : Italie, Irlande, Grande-Bretagne, et même Canada sont les pays dans lesquels les dirigeants ont dû se rendre pour explorer la santé en mode digital. Le président, Lucien Bennatan, est rentré avec une conviction profonde : « la pharmacie de demain sera physique et digitale. » Pour autant, il n’est pas question de mettre en application tous les outils qu’on a pu lui présenter. « Certains sont terribles. On entre dans une pharmacie fournisseur d’accès WiFi, le téléphone portable du client est repéré, il sonne et le client reçoit tout un flot de messages. J’ai trouvé cela assez horrible, à quoi on m’a répondu : mais cela ne s’arrête pas là, le même message a été envoyé à tous les amis du client via Facebook ! » Ce marketing digital sauvage n’est évidemment pas ce que recherchent les patients connectés. Heureusement d’autres applications présentées peuvent se révéler bien plus intéressantes. « Nous avons vu jusqu’où la technologie permet d’aller, nous allons maintenant faire des choix. Une commission enseigne d’une trentaine de pharmaciens va travailler sur ce dossier, en février et mars prochains, nous aurons donc un projet abouti en avril ou mai 2014. Tout est entre les mains des officinaux, ils vont choisir les outils qu’ils veulent utiliser et proposer à leurs patients », ajoute Lucien Bennatan.
Réduire les stocks.
A minima, le site Internet mapharmacieservices.com permettra aux e-patients de prendre directement rendez-vous, que ce soit pour un entretien de suivi thérapeutique, pour une consultation diététique ou infirmière. Il continuera à proposer un carnet de vaccination électronique, déjà en place et qui fonctionne parfaitement. D’autres services viendront agrémenter ce portail, mais certainement aussi des outils qui seront disponibles sur différents objets connectés. « J’ai vu des pharmacies où des images de produits apparaissent sur la vitrine, on peut poser la main dessus et obtenir la description du produit. Plus classiquement, il y aura bientôt des écrans tactiles dans toutes les pharmacies. Cela permet de proposer un nombre considérable de services », poursuit Lucien Bennatan.
Certaines officines en chaîne, en Italie, ont ainsi abaissé leur niveau de stock à 3 % de leur chiffre d’affaires ; cela veut dire qu’elles ne proposent physiquement que très peu de références dans une grande gamme cosmétique, le plus souvent avec une profondeur de rayon limitée à deux produits, tout le reste étant disponible sur iPad, tout est commandé en ligne immédiatement avec livraison dans la demi-journée, livraison qui peut être effectuée à la pharmacie ou au domicile du patient. « C’est du flux extrêmement tendu, cela devient une exposition virtuelle des produits, mais l’idée est à garder à la fois pour répondre au problème d’espace de certaines officines, mais aussi et surtout pour répondre aux difficultés économiques que traverse la profession. Les pharmaciens n’ont pas énormément de leviers sur lesquels faire des économies. On nous dit de réduire les effectifs, c’est une bêtise car cela signifie moins de service. On nous dit de réduire les charges, ce que les pharmaciens ont fait depuis longtemps. La dernière possibilité est de réduire les stocks. »
Une idée excellente pour tout ce qui concerne le matériel médical aux yeux de PHR. Dans 90 % des cas, le patient doit commander et revenir chercher (ou se fait livrer) le matériel médical, il est donc « inutile d’y consacrer une partie de son espace de vente ». Si actuellement, en France, rien n’est encore sur pied, ce n’est plus qu’une question de mois. Et au vu des succès rencontrés ailleurs, le pharmacien devra se positionner dans les applications destinées au bon usage du médicament, à l’observance, à l’éducation thérapeutique du patient, et à l’accompagnement personnalisé. Il faudra certainement aussi qu’il se familiarise avec les réseaux sociaux et autres forums où les patients ont désormais coutume de se retrouver, pour ne plus être seulement des bénéficiaires de soins.
Des tests santé.
Tout en conservant ses distances pour « ne surtout pas se substituer au médecin », le réseau HPI doit lancer d’ici peu le site totum.fr. Les patients auront accès à un calendrier vaccinal et un annuaire complet des professionnels de santé. « Ils pourront aussi directement prendre un rendez-vous avec leur pharmacien et accéder à un dictionnaire des médicaments compréhensible par tous », précise Jean-Philippe Carré, pharmacien responsable du développement et de la communication de HPI. Les internautes pourront aussi effectuer des tests santé en ligne permettant de les orienter au besoin vers le pharmacien ou le médecin ; ils pourront rechercher des réponses en fonction de leur pathologie et, plus simplement, de l’endroit du corps qui les fait souffrir. « On affine petit à petit pour pouvoir l’aider, soit en orientant vers une solution d’automédication, soit en conseillant de consulter un médecin », ajoute Jean-Philippe Carré. Quant aux pharmacies HPI, elles seront toutes équipées de tablettes tactiles d’ici peu, à disposition des usagers pour accéder à des services en lien avec une pathologie. « Il n’y a pas de volonté de vendre mais d’aider le patient à bénéficier d’une meilleure prise en charge qui passe par l’éducation thérapeutique. Ces outils vont aider au suivi dans le cadre, par exemple, des problèmes de poids, de diabète, de tabagisme. »
Parmi les réseaux de pharmaciens, Forum Santé fait partie de ceux qui ont lancé, début 2013, une série de services sur plate-forme mobile : géolocalisation, renouvellement d’ordonnances et possibilité d’échanges entre pharmacien et patient. Univers Pharmacie a, de son côté, créé une application pour accompagner le patient dans le suivi de son traitement, et une autre consacrée à l’homéopathie. Tout comme Giphar qui a développé une application Homéo, une autre dédiée à l’aromathérapie et s’apprête à lancer « Ma Pharma » pour smartphone, un bouquet de services pour géolocaliser une pharmacie, envoyer une ordonnance ou faire une déclaration de pharmacovigilance.
Trouver le bon comportement.
Le spécialiste de l’informatique officinale, Pharmagest, du groupe Welcoop, propose lui aussi une application smartphone à destination des patients : Ma Pharmacie Mobile. L’outil permet au patient d’envoyer la photo de son ordonnance au pharmacien et de mieux suivre son traitement. En effet, il reçoit des alertes lui rappelant de prendre un médicament à l’heure dite et ces informations sont aussi envoyées au pharmacien pour qu’il puisse assurer un suivi de l’observance au plus près. L’application comprend un système de géolocalisation de la pharmacie la plus proche et propose un itinéraire pour s’y rendre, ainsi qu’une messagerie pour échanger avec son pharmacien. Ce programme est gratuit et accessible à toutes les pharmacies, sans aucune contrainte logicielle. Depuis le lancement de Ma Pharma Mobile, en février 2011, l’application a été téléchargée près de 100 000 fois. À noter également que le groupe Pharmagest compte Diatelic parmi ses filiales, spécialisée dans l’intelligence artificielle appliquée à la télésurveillance et au suivi des patients. Elle génère des alertes automatiques et des aides aux diagnostics auprès des professionnels de santé, dans le cadre du suivi thérapeutique des malades. Elle intervient notamment dans l’insuffisance rénale, la télésurveillance médicale à domicile de la dialyse, la cardiologie, le diabète et l’insuffisance respiratoire.
Au-delà de la pharmacie, bien d’autres acteurs de la santé en France s’équipent d’outils modernes pour accompagner des usagers de plus en plus internautes. Les laboratoires pharmaceutiques peuvent se montrer assez performants dans ce domaine. C’est le cas de Roche Diabetes Care, qui a mis sur pied un site ludique, « Cuisine Virtuelle », un service d’évaluation nutritionnelle qui aide à trouver le bon comportement alimentaire tout en se faisant plaisir. À cela s’ajoute l’application Gluci-Check sur smartphone, pour aider les insulinodépendants à connaître l’apport glucidique et l’échelle lipidique des aliments. Ces nouvelles applications, dont l’objectif est de faciliter le quotidien du patient, viennent s’ajouter aux piluliers électroniques ou « intelligents », capables de rappeler au patient de prendre son traitement, de surveiller les dosages et de transmettre des informations au médecin.
Même l’assurance-maladie se met au digital. Elle a ainsi lancé, en avril dernier, une application « Mon compte assuré » sur smartphone, offrant la possibilité aux utilisateurs d’accéder à leurs derniers paiements, de géolocaliser les guichets automatiques, etc. Des bornes Web multiservices seront également installées dans les caisses primaires. Enfin, le Conseil national de l’Ordre des pharmaciens a annoncé sa volonté de rendre le dossier pharmaceutique accessible sur smartphone, et plus largement sur Internet. Mais tout cela n’est qu’un début !
** Système d’exploitation mobile développé par Apple pour ses produits (iPhone, iPad, iPod Touch)
*** Android est un système d’exploitation mobile, mais à la différence de l’iOS, il est open source. Il est donc en libre redistribution, libre accès et peut être l’objet de dérivés modifiés. Il est principalement utilisé pour les tablettes et smartphones.
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