Début février 2020, « le Quotidien du pharmacien » se faisait l’écho de la colère d’une titulaire des Hauts-de-Seine qui n’avait pas été contactée par les autorités de santé suite à l’achat de médicaments, dans son officine, par des touristes chinois contaminés. Le personnel de la pharmacie avait alors réagi avec beaucoup d’inquiétude. Le risque de contamination par le coronavirus pourrait-il ainsi inciter les pharmaciens à exercer un droit de retrait ?
L’organisation de la réponse du système de santé à l’émergence du COVID-19 repose sur le plan ORSAN REB élaboré et mis en œuvre par chaque agence régionale de santé (ARS).
Les pharmaciens, comme de nombreux professionnels de santé, sont aujourd’hui des acteurs importants dans l’application de ce plan afin de lutter contre l’épidémie et sa propagation. Ils participent en effet à la mission de service public dans la permanence des soins (article L5125-1-1 du code de la santé publique) et il leur est fait obligation d’adopter une attitude active et « de prêter leur concours aux actions entreprises par les autorités compétentes en vue de la protection de la santé » (article R. 4235-8 du code de la santé publique).
Continuité du service public.
Le pharmacien se doit de continuer à exercer sa mission de service public et d’assurer l’ouverture de son officine.
Ce principe d’impératif de continuité du service public ne tient pas compte cependant des conséquences éventuelles des mesures de confinement qui pourraient frapper le pharmacien et son personnel.
Mais qu’en est-il pour les salariés d’une pharmacie ? Ont-ils la possibilité de faire valoir leur droit de retrait ?
Aux termes de l’article 2 de la Convention nationale des pharmacies d’officine, les salariés, s’ils estiment être dans le cas d’un danger grave et imminent pour leur vie ou leur santé, doivent en aviser immédiatement leur employeur avant d’envisager de suspendre leur activité. Alerter l’employeur est en effet un préalable obligatoire à l’exercice du droit de retrait qui lui, cependant, reste facultatif.
Le pharmacien titulaire, alerté, devra alors prendre les mesures nécessaires et donner les instructions pour permettre à son personnel d’arrêter le travail afin de se mettre en sécurité. Le pharmacien employeur ne pourra pas sanctionner le salarié (retenue sur salaire, mesure disciplinaire…) qui a déclenché la procédure d’alerte et de retrait, sauf bien évidemment en cas d’abus.
Justifier d’un danger grave et imminent.
Il appartient donc au salarié d’une officine de justifier d’un danger grave et imminent et d’apporter les preuves circonstanciées de menaces pour sa vie et sa santé. Se posent alors plusieurs questions :
Serait-il concevable que le salarié exerce son droit de retrait et refuse de servir des patients chaque année au cours des épidémies de grippes ou autres maladies infectieuses alors que cela constitue l’une des principales missions d’une pharmacie ? L’exercice de ce droit de retrait pourrait-il créer une situation de risque pour les patients ? Le danger lié au coronavirus représente-t-il un risque plus élevé que celui qui s'attache à l'exercice normal de cette profession régulièrement confrontée par le passé à des épidémies ?
Nous ne savons pas encore tout sur le COVID-19 pour pouvoir répondre avec certitude à cette dernière question et il nous faudra sans doute attendre la fin de l’épidémie pour tout connaître de ce virus. Néanmoins nous disposons déjà de premières estimations de ses taux de létalité, de complication et de reproduction de base. Ces premières données font régulièrement l’objet de comparaisons avec le virus du SRAS, Ebola, de la grippe, de la rougeole et des rotavirus… Ces informations, conjuguées à la situation actuelle en France de l’épidémie liée à COVID-19 (phase 2) mais aussi à la jurisprudence, ne permettent pas de conclure que l’épidémie du coronavirus constitue pour le personnel des pharmacies un danger grave et imminent permettant d’exercer un droit de retrait.
En matière de jurisprudence, nous savons que l'admission dans un service hospitalier de malades porteurs du virus HIV ou de l'hépatite virale B ne constituait pas un danger grave et imminent et cela en raison de la mission d’un tel établissement qui doit être apte à faire face aux risques de contagion pour ses agents ou les tiers (TA Versailles, 2 juin 1994, no 872364, Hadjad et a. c/Administration générale de l'Assistance publique).
Par extrapolation, une pharmacie, ses salariés, de par leurs missions, doivent être en mesure d’accueillir les patients. Mais une telle aptitude suppose que le salarié d’une officine dispose des moyens lui permettant de se protéger des risques de contagion. En effet le droit de retrait peut être exercé par le personnel s’il constate une défectuosité dans les systèmes de protection, comme par exemple de ne pas pouvoir disposer de masques. Le gouvernement a annoncé la distribution de masques aux médecins, infirmiers diplômés d’État, sages-femmes, masseurs kinésithérapeutes et chirurgiens-dentistes mais aucune distribution n’est envisagée pour l’heure pour les pharmaciens, ce qui interroge sur leur protection, puisqu’ils font partie des professionnels en première ligne risquant une exposition au coronavirus. Espérons que très rapidement chaque pharmacien se verra, également, doté par le Gouvernement d’un lot de masques pour son usage professionnel.
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