Cette nouvelle mission prévue par la convention pharmaceutique est une avancée notoire pour la profession ainsi qu'en termes de santé publique. En effet, le cancer colorectal est un des cancers les plus fréquents et les plus meurtriers en France (voir encadré). Son dépistage est un enjeu national, puisqu'un cancer colorectal dépisté à temps guérit 9 fois sur 10. Malheureusement, la France est encore en retard, avec un taux de dépistage de seulement 34,6 %. Loin des standards européens, qui visent un taux de 65 %. L'intégration des officines dans le dépistage du cancer colorectal devrait permettre d'augmenter ce taux, tout en luttant contre les inégalités en santé sur le territoire.
Tout le personnel de l'officine peut participer à cette mission, à condition d'être préalablement formé. Bonne nouvelle, certains Centres régionaux de coordination des dépistages des cancers (CRCDC) peuvent déjà dispenser cette formation. Pour l'instant, il s'agit des CRCDC d'Île de France, de Bourgogne-Franche-Comté et d'Auvergne-Rhône-Alpes, et d'autres devraient suivre, comme le CRCDC Hauts-de France dès fin juin. Notons que les formations peuvent se faire auprès de n'importe quel CRCDC, indépendamment de la localisation de l'officine. Ainsi, un pharmacien breton peut tout à fait se former auprès du CRCDC d'Île de France s'il le désire.
Ces formations donneront les clés aux pharmaciens afin de guider les patients tout au long des étapes de la démarche de dépistage, après les avoir recrutés. Elles sont ouvertes à tous et gratuites, se font en visio et consistent en une séance d'1h/1 h 30, accessibles à des dates spécifiques, plusieurs fois par semaine. Actuellement, des séances sont déjà planifiées par l'URPS (Union régionale des professionnels de santé) Île-de-France et l'URPS Auvergne-Rhône-Alpes. Enfin, à noter : le CRCDC de Corse a créé une formation d’e-learning diplômante, mise en ligne pour les adhérents de l'USPO. À l’issue de ces formations, le pharmacien obtiendra une attestation.
Quels critères d'éligibilité ?
Concernant les patients, les critères d'éligibilité sont les suivants : ils doivent être âgés entre 50 et 74 ans, ne pas avoir réalisé de dépistage depuis 2 ans, ni de coloscopie depuis 5 ans. Enfin, bien que cela puisse sembler contre-intuitif, les patients ne doivent pas présenter de risques trop élevés de développer un CCR, comme des antécédents familiaux, des maladies inflammatoires ou être victime de la maladie de Crohn. Ces critères sont condensés au sein d'un questionnaire d'éligibilité accessible en ligne sur le site de l'USPO, à réaliser de préférence auprès du patient. Si ce dernier est éligible, l'équipe officinale peut l'intégrer au processus de dépistage et lui confier un kit. Pour les patients qui ne sont pas éligibles, et en particulier ceux à risques, il est conseillé de les orienter vers un médecin.
Le kit de dépistage CCR, mode d'emploi
Concernant les kits, ces derniers doivent être commandés sur améli.pro, et sont gratuits pour les pharmaciens. Ils sont également disponibles toute l'année. Chaque enveloppe de kits en contient 25. Il est important de vérifier leur date de péremption, et de prévenir le patient de l'importance d'effectuer le test avant que le kit ne soit périmé.
Il est conseillé de transmettre le kit et le questionnaire d'éligibilité au sein d'un espace de confidentialité, et surtout, d'utiliser un kit de démonstration afin de donner au patient toutes les explications nécessaires à son utilisation. C'est aussi au pharmacien d'expliquer les éléments de traçabilité à remplir sur la fiche d'identification et sur l'étiquette autocollante vierge qu'elle contient (nom, prénom, NIR et date de prélèvement à compléter). Il est également fondamental d'y écrire le nom du médecin traitant du patient. S'il n'en a pas, alors il doit écrire le nom d'un médecin de confiance ou d'un gastro-entérologue local. C'est ce dernier que le pharmacien devra informer de la remise du kit.
Une fois le test effectué et envoyé à un labo de biologie médicale, le résultat devrait arriver après une quinzaine de jours. Quel que soit le résultat, le pharmacien doit continuer son devoir d'information, avec la conduite à tenir en cas de résultat positif, et les facteurs de risques en cas de résultat négatif.
Quelle rémunération ?
La rémunération de cette nouvelle mission a été fixée à 5 euros par kit en ROSP à N +1, et 5,25 dans les DROM. Cette tarification aura cours jusqu'au 31 décembre 2023. À partir du 1er janvier 2024, la remise du kit au patient sera rémunérée 3 euros, puis 2 euros supplémentaires si le patient effectue le test. Une majoration de 1,05 euro est prévue pour les DROM. La facturation doit se faire via le code traceur RDK (Remise Kit Dépistage).
L'exemple corse
Cette nouvelle mission, c'est en partie à Christian Filippi, président de l’URPS pharmaciens de Corse, qu'on la doit. En 2017, l'URPS s'était associé avec l’ARCODECA (Centre régional de coordination des dépistages des cancers en Corse) pour lancer une expérimentation de dépistage du cancer colorectal en officine. L'objectif de ce projet, qui a réuni 17 officines entre 2017 et 2018, était d'augmenter le nombre de tests réalisés pour le dépistage du CCR durant la période de l’étude et sur l’ensemble de l'Île de Beauté.
En effet, la Corse souffrait à l'époque d'un taux de participation à ce dépistage de 9,75 %, soit plus de trois fois inférieur à la moyenne nationale. Mais, « en l'espace de six mois seulement, nous sommes arrivés à un taux de participation de 36 %. Sur 666 tests, 15 étaient positifs », se félicite Christian Filippi. Preuve de l'importance de la complémentarité du pharmacien dans la stratégie de dépistage. Excellent maillage d'implantation, disponibilité à toute heure, proximité avec le patient… Autant d'arguments en faveur du pharmacien pour ce type de mission.
Il reste à savoir si cette réussite (qui ne concerne qu'un petit territoire) se reproduira sur le reste du territoire national. En effet, une expérimentation similaire en Bretagne ne s'était pas traduite par une augmentation nette de la participation.
Le succès de l'expérimentation n'est toutefois pas passé inaperçu : « Apparemment, il y a des chances que tout ceci débouche sur une ouverture vers d'autres types de dépistages organisés, comme le cancer de l'utérus, du sein et du poumon, et nous attendons une décision de l'ARS pour poursuivre cette mission », affirme Christian Filippi.
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