LA DEMANDE n’est pas encore très forte, mais les agenceurs le proposent systématiquement, du moins quand la configuration des lieux le permet. L’aménagement d’un espace dédié au conseil pharmaceutique - comprenez espace dédié aux entretiens pharmaceutiques - fait désormais partie des discussions entre titulaires et agenceurs. Dire que les pharmaciens y sont très favorables serait excessif, mais de l’avis de quelques agenceurs, ils étudient sérieusement la question. « C’est quelque chose d’assez nouveau pour eux » explique Georges Dupays, gérant de Créa Plus. « Et bien souvent, ils s’y engagent afin de suivre les recommandations du Conseil de l’Ordre. »
La majorité des titulaires qui choisissent d’aménager un tel espace semble le faire plus par obligation que par réelle conviction. Ce n’est pourtant pas faute d’être sollicités par les agenceurs qui y voient, outre leur propre intérêt, le moyen pour le métier de se donner une image de conseil qui lui fait encore parfois défaut. C’est que, se servir de l’espace conseil d’une pharmacie n’est pas encore vraiment entré dans les habitudes des patients. Mais une fois intégré, le pli est vite pris. « Un client titulaire m’a révélé que depuis la création de son espace conseil, ses patients reviennent spécialement pour ça » raconte Jean-Pierre Demeter, dirigeant de JCDA. Des titulaires pionniers en quelque sorte, mais le phénomène pourrait bien se répandre plus vite qu’on ne le croit. « Nous proposons d’office cet aménagement car les pharmaciens attendent de nous que leur offrions des solutions. Accompagner, voir pressentir les évolutions du métier, c’est dans notre vocation d’agenceur » précise pour sa part Alain Viaud, directeur général de CAP Agencement.
Un espace multifonctions.
Faut-il encore résoudre le problème numéro un auquel les titulaires sont confrontés en cas d’aménagement d’un espace conseil, celui de l’espace. Dans l’écrasante majorité des cas, on songe à inclure un tel espace dans le cadre d’un réaménagement global de la pharmacie, d’une création ou d’un transfert. Mais dans celles où la superficie est limitée, il va, de fait, mordre sur l’espace de vente, ce qui freine de nombreux titulaires. La superficie en deçà de laquelle « créer un espace dédié au conseil n’est pas envisageable est de 150 m2 » selon Rudy Rolland, gérant de Jean Rolland Agencement.
Sans être aussi catégorique, d’autres agenceurs considèrent pourtant cette taille plus ou moins comme un seuil, celles se situant en dessous pouvant poser de vraies difficultés, voire une impossibilité de créer un tel espace.
De nombreuses officines citadines, notamment à Paris, aux surfaces exiguës, se trouveraient-elles d’emblée exclues de pouvoir disposer de leur local conseil ? Aucun prestataire n’irait jusqu’à être aussi tranchant, d’autant qu’ils insistent tous sur la diversité des situations susceptibles d’être rencontrées. Mais selon Rudy Rolland, il est possible d’avoir un petit espace de 3 ou 4 m2, qui s’il n’est pas possible de l’isoler complètement par une porte fermée, même coulissante, peut l’être par un meuble haut qui cache à la vision le patient et le titulaire. Il reste que cette solution est un pis-aller, et les agenceurs préconisent un espace fermé, et le plus modulaire possible. Ne serait-ce que parce que dans de nombreux cas, l’espace conseil va aussi être celui de l’orthopédie, au moins dans un premier temps. « C’est un lieu pour prendre des mesures, isolé phoniquement et visuellement, donc adapté à un espace conseil » explique Georges Dupays. Une cabine multifonctions en quelque sorte qui doit bénéficier de toute la modularité possible. Olivier Boisson, dirigeant de Boisson Partner’s, propose par exemple « un store accroché au plafond qu’on descend pour cacher les produits orthopédiques ou de contention lorsque le pharmacien reçoit un patient pour d’autres raisons que celles précitées ». La modularité, c’est aussi éventuellement une table rabattable, une porte coulissante qui joue un rôle non négligeable dans la visibilité de cet espace. « Il y a toujours des solutions, confirme Alain Viaud, et pas forcément coûteuses, même lors de réagencements partiels ».
Cette question de la surface de l’espace conseil peut d’ailleurs conduire à moyen terme à une évolution de la taille des officines. « Celles de demain seront plus grandes que ce que l’on connaît aujourd’hui » prédit Olivier Boisson. À moins que, comme le prévoit François Guillot, dirigeant de Th Kohl, cette surface soit gagnée sur celle de la parapharmacie « qui aura de toute façon disparu dans les linéaires des officines d’ici quelques années. »
Résoudre la quadrature du cercle.
Mais plus que la surface qu’est susceptible d’occuper cet espace conseil, sa position dans l’officine est l’enjeu principal de son aménagement, selon Jean-Pierre Demeter. Certains préconisent de le placer dans une « zone froide » comme le fait Olivier Boisson, là où il y a moins de circulation. D’autres estiment qu’il faut tout autant éviter aux patients comme au personnel de traverser toute la pharmacie pour y parvenir. Question de confort, mais aussi de discrétion. C’est du reste toute la problématique qui s’impose aux titulaires, faire de cet espace conseil un lieu à la fois visible et discret.
« Il est important de se mettre à la place du patient » rappelle Rudy Rolland. « Il ne faut pas trop théâtraliser cet espace, le mettre par exemple en plein milieu de l’officine avec des cloisons en verre, ce n’est pas parce qu’il est très visible que le patient ira dedans de son plein gré. » « Il est préférable de le situer à proximité de la zone de comptoir » préconise pour sa part Georges Dupays. « Il doit être légèrement à l’écart, un peu différencié, mais pas trop. »
Tout semble être dans un dosage subtil, dans une nuance pour résoudre cet apparent paradoxe qui consiste à identifier l’espace conseil sans braquer l’ensemble de la communication de la pharmacie dessus. Des techniques purement architecturales permettent de résoudre ce qui peut se présenter parfois comme la quadrature du cercle. « Il faut gérer l’espace, par la création de lignes fuyantes de façon à créer comme des couloirs, par la rupture de couleurs, évoque François Guillot, et faire en sorte que le patient puisse entrer et sortir sans être gêné par le regard des autres. »
Quant à situer cet espace conseil dans le back-office, en prenant dans le stock ou le bureau du titulaire, même si cela a pu dans certains cas résoudre le manque de place, cela est déconseillé par les agenceurs que nous avons interrogés. Il est important de respecter un ratio de partage entre le front et le back-office, un ratio qui est selon Olivier Boisson de 60/40 en faveur de l’espace de vente, 65/35 au maximum, au-delà duquel les conditions de travail des équipes officinales risquent d’être dégradées. De plus, Georges Dupays souligne que « la législation a évolué et interdit de passer par la zone de stockage de l’officine pour tout service rendu aux patients. » Et notamment ce qui est lié à l’orthopédie. N’oublions pas en matière de législation celle liée aux personnes à mobilité réduite qui impose un certain nombre de règles à respecter.
Quant à l’intérieur de ces espaces, il doit être relaxant, les agenceurs expliquent qu’il faut éviter une ambiance médicale, le blanc notamment, et travailler sur l’éclairage indirect, peut-être sur le parquet, le distinguer ainsi du reste de l’officine.
Construire un vrai parcours de soins.
« Les cloisons ou paravents qui délimitent l’espace conseil doivent être mis à profit pour afficher un message. Il faut identifier clairement la cabine de confidentialité en évitant tout de même de focaliser l’attention de tous, » explique Alain Viaud. De fait, la signalétique, pour être discrète, n’en est pas moins précise : grâce au jeu des couleurs et du graphisme, elle sait rappeler sans trop affirmer l’existence d’un espace conseil. Elle s’enrichit dès lors que l’officine a la possibilité et le désir de disposer de plusieurs espaces de ce type, quand elle possède une superficie suffisante. 300 mètres carrés donnent en effet une grande liberté pour créer des espaces plus ou moins spécialisés selon les objectifs du titulaire. « Il est possible ainsi de profiler l’agencement par pathologies, créer des espaces semi-ouverts ou fermés selon les thèmes et pathologies concernés » affirme François Guillot. Les identifier par des mots simples, comme l’obésité, le diabète etc… Et bien sûr en évitant d’identifier les maladies plus lourdes.
Un vrai parcours de soins selon Olivier Boisson qui n’hésite pas à parler de nouveau concept d’aménagement en évoquant pour l’avenir des pharmacies organisées autour d’un poste d’accueil capable d’orienter les patients vers les comptoirs qui sont tout autant des espaces non pas de conseils, terme que le directeur de Boisson Partner’s attribue aux comptoirs d’aujourd’hui, mais de confidentialité, chacun ayant sa spécialité. « Cela n’est possible que si l’équipe officinale est d’accord » prévient-il, « ainsi qu’une forte implication de sa part. » Peut-être une voie d’avenir pour les officines les plus audacieuses.
« Cela fait un peu plus de deux ans que nous proposons l’aménagement d’un espace conseil à nos clients pharmaciens. Dans près de 90 % des cas, nous avons convaincu », témoigne Alain Viaud.
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