ARNAQUÉ. Christian Federspiel n’en revient pas. Il n’est pourtant pas né de la dernière pluie et se montre assez vigilant. Installé depuis 22 ans à Verdun (Meuse), c’est bien la première fois qu’il tombe dans le panneau. Tout bascule le 23 juin 2011. Le contexte n’était certes pas favorable. Le pharmacien a perdu son père deux ans auparavant, il est en pleine procédure de divorce, et de transfert de sa pharmacie avec toutes les difficultés que cela comporte. Son équipe n’est plus au complet, il est exténué… « J’avais déjà été en contact avec le commercial. Je voulais une seule et même facture pour toute la téléphonie et Internet, ainsi que conserver une ligne analogique pour notre alarme téléphonique. Il a vérifié, m’a recontacté pour dire que c’était possible, et a mis la pression en indiquant qu’il avait une offre qui se terminait à la fin du mois. »
Quand le commercial recontacte le pharmacien alors qu’il est de repos, celui-ci se rend à la pharmacie spécialement pour le rencontrer. Christian Federspiel se souvient de tous les détails comme si c’était hier. « J’étais pressé car en plein travaux chez moi. On a rediscuté, le but étant de faire des économies, j’ai indiqué que nous n’avions pas besoin de l’illimité et il a proposé trois heures de communication sur les fixes, des heures aussi sur les portables et la mise en place d’un standard. Cela me semblait bien. » Car Christian Federspiel n’a pas compris que le standard était en location longue durée, il avait bien pris garde jusqu’alors d’être propriétaire de tout le matériel utilisé dans son officine. « Je pensais que ça faisait partie de l’abonnement mais en fait c’est le contraire, l’ensemble des prestations est passé sous la location du standard. Je souhaitais garder mon opérateur, Orange, le commercial a affirmé que cela ne posait pas de problème, mais dans les faits c’est impossible. Tout est passé sous Paritel. J’ai immédiatement demandé à France Télécom de refuser toute demande de la part de Paritel… Les grands opérateurs comme SFR, Orange ou Bouygues se font pomper des clients et ils ne réagissent même pas, alors que ces clients sont perdus pour des années, pieds et poings liés par ces contrats. »
Le couteau sous la gorge.
En mai dernier, « Le Quotidien » avait déjà fait état d’une arnaque à la photocopieuse. Cette fois, il s’agit de téléphonie. Dans les deux cas, il s’agit de contrats qui lient les victimes à une société spécialisée dans le domaine (donc ici la téléphonie) et une société de financement. Depuis des années, nombre de victimes tentent de faire connaître leur mésaventure et de se sortir de ce mauvais pas. En vain. Des petites et moyennes entreprises, le couteau sous la gorge, en viennent à mettre la clé sous la porte.
Car juridiquement tout est parfaitement légal, malgré des méthodes commerciales assez douteuses. Les victimes se retrouvent sur des forums Internet, dévoilant l’ampleur du désastre. De quoi s’agit-il exactement ?
La vente « one-shot », particulièrement utilisée pour la création de sites internet clé en main, est une « méthode visant à obtenir la signature d’un client lors de la première et unique rencontre (…) à l’aide d’une argumentation commerciale agressive, sans que le client ait pris connaissance de toutes les modalités de son engagement », explique le cabinet HAAS, société d’avocats, sur son site Internet. « Généralement, cela débouche sur la situation suivante. Le client n’est finalement pas propriétaire (du bien qu’il pense avoir acquis - NDLR) et le coût de l’opération et des redevances mensuelles demandées sur une période longue s’avère au-dessus des prix du marché. » Le cabinet HAAS souligne que « le réveil peut s’avérer difficile pour le client qui s’aperçoit qu’il est engagé pour une durée d’abonnement de 48 mois avec une redevance mensuelle particulièrement élevée, le tout pour un (matériel – NDLR) qui ne lui appartient pas et dont les fonctionnalités s’avèrent rapidement inadaptées à la situation. Le client se trouve alors dans une situation captive : simple locataire, il ne peut résilier le contrat sous peine de se voir totalement dépossédé de ce qu’il pensait à tort être sa propriété, outre le versement des mensualités restant à payer jusqu’à la fin de l’abonnement ». Problème, les sociétés à l’origine de la transaction cèdent, la plupart du temps, « le contrat à des sociétés de crédit-bail qui deviennent le seul interlocuteur de clients impuissants ».
Pénalisé à triple titre.
C’est exactement ce qui est arrivé à Christian Federspiel, titulaire de la pharmacie Saint-Sauveur. Et il n’est pas le seul. « Après signature, le commercial n’a laissé aucun document sur place, j’ai attendu de recevoir le double pour tout lire en détail, ce qui m’a pris trois heures… J’ai vu l’escroquerie, je suis allé sur Internet pour me renseigner et j’ai été effaré. Sans le savoir je me suis retrouvé lié, pour le leasing, à la société Locam. » Il s’agit d’une société de financement, filiale du Crédit Agricole de Loire-Haute-Loire, qui propose des programmes de financement des ventes auprès des entreprises, créant une relation tripartite avec l’entreprise et le client. Locam prélève le client, reverse à l’entreprise et gère les impayés. « Paritel était censé fournir un service de téléphonie. Or, dès le départ, le standard qu’on m’a livré ne fonctionnait pas correctement, impossible de faire un transfert d’appel ou d’avoir un double appel. J’ai envoyé un courrier en recommandé pour dire que je rompais le contrat unilatéralement et que je m’opposais à tout prélèvement. Mais Locam n’a rien voulu savoir, m’envoyant des relances de paiement, puis m’assignant au tribunal. »
Le cauchemar commence. Christian Federspiel a vu dans la jurisprudence que ses chances étaient minces, mais il ressent une telle injustice qu’il ne baisse pas les bras. Il perd. « Je suis pénalisé à triple titre : je n’ai jamais bénéficié des services pour lesquels je paye, je n’ai pas reçu le matériel attendu et je dois payer la totalité des traites. Je voulais faire des économies et j’ai déjà perdu 7 000 euros… » Ce qui pousse le titulaire à s’emparer d’un bâton de pèlerin pour prévenir ses confrères afin qu’ils ne subissent pas la même mésaventure.
Magouille.
Mais certains d’entre eux sont tombés dans le même piège. « C’est une magouille. On nous vend une prestation en téléphonie qui s’avère être une location de standard téléphonique qui vaut 450 euros mais qu’on nous fait louer à Paritel pour 8 000 euros. Cela fait des années que ces sociétés prospèrent sur le dos d’entreprises qui, pour certaines, mettent la clé sous la porte. Je suis en train de constituer un dossier à l’intention de la DGCCRF. » Le titulaire a aussi contacté ses confrères. Dans le secteur, beaucoup ont été démarchés, certains ont signé.
« L’un des problèmes de ce type de contrat de location, c’est que les professionnels n’ont aucun délai de rétractation, contrairement aux particuliers. Une fois qu’on a signé, on est pris au piège. Il faut que la législation change sur ce point, sinon on continuera à mettre des entreprises en difficulté, certaines ont dû licencier, voire fermer, et ça n’émeut pas grand monde. » Quant au commercial à l’origine de tous ces soucis, Christian Federspiel ne l’a jamais revu, il n’a même jamais pu le joindre par téléphone.
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