LA GRANDE distribution l’a bien compris, et depuis longtemps s’est attaquée au problème, car les pertes liées aux ruptures de stock peuvent être colossales : l’enjeu se monte à près de 8,4 % du CA en hypermarchés*.
Certes la problématique n’est pas nouvelle, mais être conscient des conséquences, et identifier les causes permet d’atténuer ces effets au maximum, tout du moins en ce qui concerne les causes internes au point de vente.
Imaginons donc qu’une officine d’un CA moyen d’1,5 million d’euros, réussisse à diminuer de moitié son taux de rupture, cela lui permettrait de réaliser près de 63 000 euros d’économie ! (dans l’hypothèse où le taux de rupture en officine est comparable à celui des hypermarchés : nous pensons, nous, qu’il est même supérieur !)
Qu’est-ce qu’une rupture ?
La rupture est l’épuisement provisoire d’un produit ou d’une marque dans le point de vente, empêchant le shopper (client) d’acheter ce produit.
Le taux de rupture, quant à lui, est le nombre de fois, sur une période donnée, où un produit s’est retrouvé en rupture, il représente donc les demandes non satisfaites. Le taux de service est l’inverse du taux de rupture.
Quelles sont les conséquences des ruptures ?
Il faut être conscient qu’une rupture n’est pas « seulement » l’absence d’un produit dans le linéaire. On pourrait alors penser que la seule conséquence est une « vente ratée », mais les dommages vont bien au-delà, surtout dans un commerce de proximité tel que l’officine.
En effet, un client confronté à une rupture peut avoir plusieurs types de comportements :
1- S’il est peu déterminé sur le produit, il peut reporter son achat sur un autre produit équivalent, d’une autre marque (plus rarement sur un autre produit de la même marque). Le préjudice de la rupture a alors peu d’impact sur l’officine, mais beaucoup sur la marque en rupture.
2- S’il est déterminé sur le produit, autrement dit s’il souhaite acheter « celui-là et pas un autre », deux solutions se présentent :
- Reporter l’achat à plus tard, dans le même point de vente (« je l’achèterai lors de mon prochain passage »), avec le risque que le client l’achète dans un autre point de vente.
- Rechercher son produit dans un autre point de vente.
- Annuler son achat purement et simplement.
Dans ce cas n° 2, la vente est ratée, et le risque est grand : mécontentement d’un client (qui ne trouve pas son produit alors qu’il en a réellement besoin), dégradation de l’image de l’officine, perte de toutes les ventes de ce même client qui peut décider de changer d’officine pour faire ses achats habituels.
Et dans son mode irrationnel, le client risque même d’emmener avec lui d’autres clients de l’officine : après une mauvaise expérience, 64 % des consommateurs déclarent en discuter systématiquement avec environ 15 personnes**, vous deviendrez alors « l’officine où ils n’ont jamais rien ».
Changer de point de vente.
Évidemment on constate que les enjeux sont différents selon les familles de produits : plus le produit sera « impliquant » pour le consommateur (plus son besoin sera incontournable), et plus la probabilité sera grande que le client aille chercher son produit ailleurs, coûte que coûte.
Deux exemples pour illustrer ceci :
- En hypermarché : quelle conséquence peut avoir une rupture sur votre produit préféré, celui sur lequel, pour rien au monde vous ne changeriez de marque ? Coca-cola, Nutella, yaourts Yoplait, nous avons tous des marques auxquelles nous sommes fidèles. Qu’arrive-t-il lorsque le produit n’est pas en rayon ? La première fois, tant pis, l’achat est reporté à la semaine suivante, mais notre niveau de satisfaction baisse. La semaine d’après, si le produit est toujours en rupture, allons-nous pour autant reporter notre achat sur du cola de marque distributeur ? Non, le niveau de satisfaction baisse encore, et peut nous pousser, en cas de récidive dans le temps et sur plusieurs produits, à changer de point de vente.
- En officine : l’attachement aux marques peut être identique. Un produit vous a soulagé une fois d’une affection gênante, d’une manière rapide et efficace ? Ne chercherez-vous pas le même produit la fois suivante ? Prendrez-vous le risque de changer pour un produit qui pourrait ne pas être aussi efficace et rapide ? Parfois, sur les conseils avisés de l’équipe, un client peut se laisser convaincre, mais le plus souvent, il restera sur ses positions et ira chercher ailleurs ce qu’il ne trouve pas ici.
Au total, les ruptures de stock sont sources de perte de ventes, donc de CA, de profit, de clientèle, d’image et donc d’attractivité. Mais, à l’inverse, le stock coûte de l’argent, et avoir trop de stock sur les produits a donc également un coût. Reste donc à trouver un équilibre entre coût de stockage et pertes dues aux ruptures.
Quelles sont les causes des ruptures ?
Il existe plusieurs types de ruptures :
- La rupture « visuelle » : le produit est en rayon mais ne se voit pas, soit que son facing (nombre de boîtes visibles de face sur une étagère) est trop petit, soit que le nombre restant de boîtes en rayon ne permette pas au client de le repérer. Les causes probables de cette rupture sont un défaut de remplissage du rayon (le produit peut être en rupture alors même qu’il y a du stock en réserve), ou bien un défaut de visibilité du produit (place accordée en linéaire trop petite). Si le nombre de facing accordé au produit est trop petit par rapport à ses ventes, le produit tombera rapidement et de manière récurrente en rupture, ce qui, au total, sera préjudiciable à ses ventes.
- La rupture « totale » : le produit n’est tout simplement pas dans le linéaire. Les causes probables de la rupture : soit le produit est présent en réserve et la cause est le défaut de remplissage du rayon, soit il n’y a plus de stock sur ce produit et la cause est un défaut de commande, de livraison ou de disponibilité auprès du fournisseur.
En résumé, les causes des ruptures peuvent être internes au point de vente ou externe. Dans tous les cas, le client n’a pas à en subir les conséquences. Il est en droit d’attendre de son point de vente qu’il mette à sa disposition les Bons produits, au Bon endroit, au Bon moment, au Bon prix et en Bonne quantité (=Les 5 B du merchandising). Alors comment satisfaire au mieux notre Client en minimisant les ruptures ?
Comment y remédier ?
1- Avoir un assortiment limité, adapté à la taille du point de vente :
Le coût total des approvisionnements et du stockage et des ruptures potentielles est proportionnel au nombre de références à gérer. Or, la plus grande partie des ventes est réalisée avec un nombre limité de produits (loi des 20/80 : rappelez-vous qu’en médication officinale, seules 20 références couvrent un quart de la demande spontanée de vos clients). Aussi, assurer la permanence de la présence de ces produits en rayon est indispensable. Il est tout aussi indispensable, dans ce cadre, de limiter l’assortiment. Autrement dit, faire des choix dans l’assortiment, et ne pas essayer de tout avoir et de tout présenter permettra de limiter les ruptures.
En effet un assortiment limité permet d’optimiser la visibilité des produits en linéaires (moins de produits = plus de place pour chaque produit), et de faciliter la gestion des stocks, et des commandes, et donc des ruptures.
Ce point est difficile à mettre en œuvre, tant les surfaces des officines sont petites et le nombre de produits à présenter faramineux, il est néanmoins crucial (pour vous aider à constituer un assortiment, voir l’article du 18/02/2010, « un assortiment sans fouillis »). Un produit doit « payer » sa place en rayon : partez donc à la chasse aux « nanars » ou aux « rossignols », ces produits dont les ventes sont si faibles qu’ils prennent de la place inutilement en rayon, même s’ils ont l’avantage de ne nécessiter que peu d’attention puisque, si peu vendus, ils ne tombent pour ainsi dire jamais en rupture.
2- Accorder à chaque produit un espace suffisant en rayon :
Des rayons clairs et bien remplis ne sont pas qu’un avantage esthétique pour l’officine et pour les ventes. Un nombre de facing suffisant doit non seulement permettre au consommateur de voir les produits (éviter l’effet « patchwork » qui ne permet aucune visibilité des produits), mais également tenir compte de la demande du produit, donc de ses ventes. Veillez donc à dimensionner vos linéaires de manière à accorder une place suffisante à chaque univers, chaque pathologie, chaque symptôme, et chaque produit. Classiquement, un produit nécessite entre 20 et 30 cm de facing pour être visible, soit 2 produits par étagère. Si cela n’est pas suffisant pour assurer la permanence de la vente sur une période donnée (période durant laquelle aucun remplissage n’est prévu), alors il faut augmenter (le nombre de facing, d’étagères, voire de meubles).
3- Prévoir un stock suffisant de produit en tenant compte des rotations et délais de livraison :
Pour faire simple, le point de commande (c’est-à-dire le seuil de stock en deçà duquel une commande doit être déclenchée) se définit comme suit :
Point de commande = rotation moyenne x délai d’approvisionnement + stock de sécurité.
Exemple : Vous possédez un stock de 40 pièces sur un produit. La rotation (ventes moyennes hebdomadaires) sur ce produit est de 10 pièces par semaine, le délai de réapprovisionnement est d’1 semaine.
Point de commande = 10 pièces/semaine x 1 semaine + 15 pièces (stock de sécurité) = 25 pièces.
Votre stock est donc a priori trop élevé sur ce produit, ce qui engendre un coût inutile. La commande doit être déclenchée lorsque le stock passe en dessous de 25.
Le stock de sécurité est le stock à prévoir pour ne pas tomber en rupture en cas d’impondérable (retard de livraison, survente temporaire…), il doit être apprécié au cas le cas selon votre expérience.
Les logiciels de gestion peuvent intégrer ce genre de fonction et vous permettent de paramétrer les différentes variables.
4- Former et sensibiliser l’équipe :
L’équipe doit être partie prenante dans la chasse aux ruptures : le remplissage intempestif (avec modification du nombre de facings initial), l’absence de remplissage, le « bouchage de trou » par une autre référence en cas de rupture, sont des pratiques qui mettent en péril la démarche, et donc le service aux clients et les performances de l’officine. Aussi il est nécessaire d’intégrer toute l’équipe dans cet exercice, de les former aux bases de la gestion de stock, et d’établir des procédures en cas de rupture.
5- Effectuer un relevé des ruptures et en identifier à chaque fois la cause, agir :
Nous vous conseillons vivement de mettre en place un document simple de relevé de rupture, fait à tour de rôle et de manière régulière par chacun des membres de l’équipe dans toute la surface de vente. La fréquence de ce relevé est à apprécier par chacun : si vos ruptures sont fréquentes, peut-être faut-il commencer par un relevé bi-hedomadaire, puis, au fur et à mesure que les ruptures se raréfient, un relevé bi-mensuel voire mensuel sera sans doute suffisant.
L’objectif ? Identifier les produits en rupture, en déterminer la cause, et bien entendu, agir (alerter, vérifier le stock, déclencher la commande…). Vous vous apercevrez peut-être qu’un produit revient souvent en rupture : si la faute n’en incombe pas à une rupture fournisseur ou à des retards de livraison, il faut chercher du côté du remplissage du rayon. Si cela n’est pas le souci, peut-être alors que le produit est sous-linéarisé.
Avec l’expérience, vous déterminerez ainsi les produits « sensibles » sur lesquels une vigilance particulière est requise.
6- Suivre le taux de rupture dans le temps :
La démarche précédemment expliquée ne vaut que si elle est suivie dans le temps, l’objectif étant de voir le nombre hebdomadaire ou mensuel de ruptures diminuer avec le temps. Pourquoi même ne pas faire de cette amélioration un challenge pour l’équipe ?
Pour l’équipe, pour le client, quelques recettes simples pour partir à la chasse aux ruptures, et vous permettre de récupérer dans les comptes de l’officine ce CA perdu : à vos marques, prêts,… Remplissez !
**Décembre 2011, www.sensduclient.blogspot.com, bouche à oreille, les chiffres essentiels
› Réalisé avec le concours de Laure Blondeau d’Argos Consulting
* Argos Consulting, dirigé par Michel Kindig, est une agence conseil spécialisée dans l’optimisation des espaces de ventes. Sa vocation est notamment la conception d’approches merchandising innovantes, l’élaboration de stratégie de prix et le déploiement de formations spécifiques et adaptées. Argos Consulting exerce son expertise dans tous les types de distribution (GMS, GSS et réseaux spécialisés). Plus de 3 000 stagiaires sont formés chaque année par le cabinet.
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