LE TRAFIC de médicaments via de fausses ordonnances se perfectionne. Les fraudeurs sont de « mieux en mieux organisés », a ainsi déploré la présidente du Conseil national de l’Ordre des pharmaciens, lors d’une récente audition à l’Assemblée nationale. Interrogée par les membres de la Mission d’évaluation et de contrôle sur les lois de financement de la sécurité sociale (MECSS), Isabelle Adenot, a cité l’exemple d’une filière d’approvisionnement vers la République démocratique du Congo. Ce n’est certainement pas la seule. Et, quel que soit le trafic, le modus operandi est chaque fois le même. Un « faux malade », bénéficiaire de l’ALD, entre dans l’officine muni de sa carte Vitale. Il présente au pharmacien une ordonnance apparemment en bonne et due forme. A priori rien ne cloche, y compris au niveau des posologies ou des risques d’interactions médicamenteuses. Certains confrères ont tout de même un doute et appellent le signataire de l’ordonnance. Mais celui-ci leur confirme en direct sa prescription. La supercherie est parfaite car la personne qui décroche n’est bien sûr pas médecin, mais complice. Quant à la carte Vitale, elle n’est pas falsifiée, mais volée. Les officinaux disposent bien dans leur informatique de la « liste d’opposition incrémentale des cartes d’assurance-maladie » fournie par l’organisme payeur. Malheureusement, il se passe souvent plusieurs mois entre le vol et l’inscription sur cette liste, explique Isabelle Adenot, qui plaide en faveur d’un raccourcissement du processus. Le pire dans ce genre d’affaire est qu’il arrive que l’assurance-maladie rechigne à rembourser le titulaire qui a fait l’avance de frais en toute bonne foi (voir notre article ci-dessous).
Patients agressifs.
Dans d’autres cas, l’entreprise est plus sommaire : une ordonnance volée portant une signature mal imitée, une durée de traitement extravagante ou encore une ligne de prescription grossièrement rajoutée. Et l’œil aiguisé de l’officinal met rapidement en lumière la tentative d’entourloupe. Sauf que, devant la réticence du pharmacien à délivrer une prescription suspecte, les fraudeurs se montrent parfois violents. « Quand vous êtes face à des personnes d’une rare agressivité, qui sont là pour frauder et que vous refusez, vous vous retrouvez physiquement dans des situations difficiles », fait remarquer Isabelle Adenot aux parlementaires, racontant avoir elle-même été victime d’une agression dans son officine pour ce motif.
Pour la présidente de l’Ordre, la solution existe pour mettre fin à ces trafics : l’e-ordonnance. Finies les prescriptions de faux médecins, les ordonnances volées ou falsifiées. Un médecin rédigerait sa prescription sur son ordinateur et l’enverrait sur un hébergeur informatique. À l’officine, la carte Vitale du patient ouvrirait l’accès à cette ordonnance électronique. « Ce système existe déjà dans un certain nombre de pays », souligne Isabelle Adenot. Et en France ? « Nous sommes au point, assure la présidente de l’Ordre. Nous travaillons actuellement avec les différents Ordres de prescripteurs sur ce sujet. L’hébergeur pourrait être celui du dossier pharmaceutique. En quinze jours, on pourrait démarrer. »
Interdictions d’exercice.
L’idée pourrait séduire les pouvoirs publics qui sont engagés depuis plusieurs années dans une lutte effrénée contre la fraude. D’autant que, selon Isabelle Adenot, la prescription électronique pourrait faire d’une pierre deux coups : empêcher non seulement la fraude des patients, mais aussi celle des professionnels de santé, tels quelques pharmaciens indélicats. En effet, certains confrères peu scrupuleux ajoutent de leur propre chef des médicaments sur les ordonnances, sans pour autant les délivrer. En échange, les clients vont se servir dans le rayon parapharmacie pour un montant équivalent. En revanche, la e-ordonnance semble inefficace contre la facturation abusive de médicaments prescrits mais non dispensés. Quoi qu’il en soit, ceux qui jouent à ce petit jeu risquent gros, rappelle la présidente de l’Ordre. « C’est l’objet de toutes nos interdictions d’exercice ces dernières années, insiste-t-elle. L’Ordre est intraitable dans ce genre de situation. » Entre 2006 et 2010, au moins six interdictions définitives d’exercer ont été prononcées, sans compter toutes les interdictions temporaires dont une durée supérieure à un an oblige le titulaire à céder son officine. Qu’on se le dise.
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