LE MÉTIER de pharmacien évolue. L’officine aussi ! Les dernières législations ont, en effet, considérablement fait bouger des lignes tracées depuis des siècles et qui semblaient quasi inamovibles. L’officine de demain n’est pas unique pour autant. « Reflet de la personnalité du pharmacien », selon Rudy Rolland, directeur de l’agence Jean Rolland Agencements, elle présente même une multiplicité de visages. Des visages qui doivent toutefois tenir compte de l’évolution des mentalités et du nouveau cadre légal. En reconnaissant aux pharmaciens de nouvelles missions, la loi hôpital, patient, santé et territoire (HPST), les incite en effet à aménager leur officine pour « assumer leur statut de “professionnel de santé spécialiste du médicament” et jouer pleinement leur rôle dans l’accompagnement et l’éducation thérapeutique du patient », explique Michel Rioli. Selon l’auteur du rapport « le pharmacien d’officine dans le parcours de soins », les pharmaciens n’ont d’autres alternatives que de « créer des espaces de confidentialité. » Et d’ajouter : « Plus propices à la prise en charge de patients souffrant de pathologies chroniques, ces espaces se révèlent souvent être de véritables pièces fermées, situées à proximité du comptoir et discrètement accessibles ».
Espace de confidentialité.
Une tendance qu’il a mise en pratique en Vendée, dans l’officine de son épouse, et qui pourrait rapidement fleurir dans bon nombre de pharmacies puisque la sortie prochaine, par la HAS, d’un guide méthodologique qui ouvrira droit à un financement par le FIQCS devrait véritablement booster le concept. D’où l’apparition systématique dans tous les projets d’agencement de ces espaces de confidentialité. « D’autant que lors de la prochaine loi de financement de la Sécurité sociale (LFSS), un fonds fléché sera proposé pour financer des expérimentations dans des pharmacies pilotes », précise encore Michel Rioli.
Pour mener à bien ces nouvelles missions, l’officinal devra, par ailleurs, « disposer d’un outil de travail à la mesure de ces évolutions majeures », explique Alexandre Genton, directeur de création de la société Mobil-M (groupe Coupechoux). En clair : en complément des aménagements d’espace, la création d’une marque permet de défendre une identité et de créer la différence, face à d’éventuels concurrents. « Nous avons pu assister à des transferts pour des espaces à la mesure d’une rentabilité durable en accompagnant le manager pharmacien d’une expertise stratégique marchande, précise-t-il encore. Avant d’ajouter : Que ce soit un simple relooking ciblé ou une refonte complète de l’officine, le pharmacien saisit l’opportunité de réfléchir son espace avec une vision marketing. »
Le défi du libre accès.
Considéré comme un véritable tsunami par la majorité de la profession, le passage devant le comptoir de la médication officinale a également obligé les pharmaciens à repenser leurs conditions d’exercice. Pas question pour autant de transformer les officines en drugstore. Au contraire ! Il fallait réussir une difficile synthèse entre les aspirations d’une clientèle de plus en plus consommatrice et la volonté des pharmaciens de poursuivre leur mission de santé publique. Une gageure que les agenceurs et autres architectes d’intérieur ont réussie en « ouvrant davantage les rayonnages, tout en disposant l’espace à proximité du comptoir afin de favoriser le conseil », explique Jean-Claude Decocq, directeur du cabinet EOS architecture d’intérieur. Un souhait que le groupe héraultais a su traduire en imaginant « au cœur de l’officine, deux meubles centraux formant triptyque ».
Un concept qui correspond à la tendance d’espace de ventes éclaté, en vogue depuis quel-
que temps. Et pour contribuer à « préserver la confidentialité, chaque plot est séparé par des meubles hauts », ajoute Rudy Rolland. Ainsi disséminés à travers l’officine, les points de vente contribuent à « la circulation de la clientèle, à l’achat et donc à une augmentation du panier moyen » précise encore Jean-Claude Decocq.
Car l’ère de la boutique de l’apothicaire est bel et bien révolue. Conséquence : selon Thierry Trasbot, directeur commercial de Boursin Agencement, « il est primordial d’augmenter au maximum la surface commerciale et de privilégier la notion de clarté ». Deux tendances que le cabinet privilégie dans tous ses projets de « relooking et d’agencement ». D’où la tendance à l’éclatement de la surface de vente.
Un éclatement d’autant plus justifié que « la mise en réseau de la pharmacie contribue à faciliter la communication », précise Alain Viaud, directeur du cabinet Commerce, Agencements, Particuliers (CAP). Avant d’ajouter : « L’informatique fait partie du quotidien des officinaux depuis tellement longtemps
qu’il serait impossible de proposer un concept d’agencement sans prendre en compte cette réalité. » Conséquence : la mise en place de baies de brassage permet généralement aux pharmaciens de se connecter très facilement à des réseaux informatiques et offre donc la possibilité de « faire coïncider harmonieusement back-office et front office ».
Une arrière-boutique où, le plus souvent, un automate a été installé afin de délocaliser le stock. « L’automatisation et la robotisation concernent désormais plus de deux projets d’agencement d’officines sur trois », explique Alain Viaud. La raison ? « L’objectif d’un robot est de gagner de la place », précise Thierry Trasbot. Sans oublier une réduction de la masse salariale et donc une réaffectation des salariés à la vente.
Autant de raisons qui poussent également les officinaux à s’intéresser de plus en plus à l’affichage électronique des prix. Biens qu’ils ne soient encore que 2 % à 3 % à franchir le pas, en raison d’un « coût élevé qui constitue une réelle barrière psychologique », cette évolution pourrait fort bien se révéler rapidement une tendance forte et devenir ainsi quasi incontournable.
Un chemin que ne semble absolument pas prêt à prendre la vidéosurveillance. Aide précieuse contre le vol (voir aussi notre article en page 9), cette technique pâtit même aujourd’hui d’un « contexte économique difficile où les dépenses doivent être compensées par un retour sur investissement rapide ». Or « le prix élevé de ce genre d’équipement pose clairement problème actuellement », explique Jean-Claude Decocq. Rien n’interdit cependant d’imaginer installer, dans un second temps, une vidéosurveillance. Au contraire ! « Les caméras n’en seront que mieux positionnées », conclut Rudy Rolland.
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