LE VOL dans les pharmacies est-il une question taboue ? Ce ne serait en tout cas pas une demande des pharmaciens selon les éditeurs informatiques. Tel est ainsi l’avis de Patrick Sevestre, chef de produits marketing d’Isipharm qui résume ainsi la position des acteurs du marché. « Ce n’est pas le cœur de notre métier » ajoute Virginie Boissier, responsable marketing d’ASP Line, un éditeur qui a néanmoins choisi de proposer une offre de vidéosurveillance spécifique à l’intention des officines. Même si celles-ci n’en expriment pas le besoin, la réalité de la démarque inconnue (nom très politiquement correct du vol utilisé par les spécialistes de la question) n’en est pas moins douloureuse. Selon une enquête de BVA Healthcare réalisée l’hiver dernier, la démarque inconnue représenterait une perte de 21 146 euros en moyenne pour chaque pharmacie, soit 1,41 % de leur chiffre d’affaires, une part légèrement supérieure à la moyenne nationale qui est de 1,36 %. Et peu de pharmacies semblent s’être équipées de systèmes antivols, 5 % seulement selon Pascal Moreau, directeur de NT Pharm (filiale d’Alliadis). Cette réticence, si on peut l’appeler ainsi, vient peut-être des usages de la profession. « Il est très rare qu’un pharmacien attaque au pénal un collaborateur pour vol » explique Gildas Leroux, directeur commercial de Winpharma. Cela pour la démarque inconnue d’origine interne. Mais peut-être ne trouvent-elles pas non plus les solutions adéquates si facilement.
Gare aux quiproquos.
Il est vrai que trouver le bon interlocuteur n’est pas forcément évident. Se tourner vers son partenaire éditeur est logique, mais, on l’a vu, les éditeurs ne s’y intéressent qu’à la marge. Une chose est sûre, ils ont les moyens d’évaluer les volumes concernés par le vol grâce à la gestion informatique des stocks. Celle-ci permet d’identifier le type de produits convoités par les clients malhonnêtes, leurs emplacements etc.… Mais il est difficile d’aller beaucoup plus loin, estime Patrick Sevestre. « Les erreurs de stocks ne signifient pas automatiquement qu’il y a eu démarque interne, elles peuvent avoir de nombreuses explications liées à des procédures défectueuses. Attention donc aux quiproquos » prévient-il. L’informatique peut néanmoins aider à repérer les collaborateurs indélicats, mais le sujet est si sensible que les éditeurs concernés préfèrent ne pas en parler. Seuls deux d’entre eux ont admis disposer de tels outils qui en contrôlant très précisément n’importe quelle modification apportée au stock, aux prix, aux produits en attente, permettent selon eux d’identifier une démarque interne. On n’en saura pas plus.
Pour le reste, il faut s’adresser à des spécialistes des technologies antivol. Deux éditeurs ont néanmoins décidé d’intégrer à leurs offres des solutions de vidéosurveillance, Alliadis depuis 2008 et ASP Line donc qui vient tout juste de la lancer. Alliadis affirme avoir équipé quelque 180 pharmacies à ce jour avec une solution signée Axis, qui revendique le leadership du marché de la vidéosurveillance. Ce sont des caméras sous IP (Internet) dont l’accès est ainsi direct à partir de n’importe quel PC. Recherche sur zone, enregistrement de ce qui est filmé pendant 30 jours (délai légal), uniquement sur détection de mouvement, ces caméras donnent aux salariés de suivre les clients dans toute l’officine. C’est également des caméras Axis qui composent la toute nouvelle offre d’ASP Line. « Le logiciel de la solution automatise la recherche de toutes les séquences filmées et permet de faire une analyse de la démarque dans les rayons » commente Olivier Landel, responsable du développement commercial pour le retail d’Axis. Et ce pour un prix relativement mesuré, puisque le panier moyen est pour Alliadis entre 5000 et 6000 euros pour une surface de 100 à 110 m2. Précisons que la vidéosurveillance est très encadrée légalement, il est nécessaire de déposer une demande d’autorisation à la préfecture et d’informer la CNIL. Est-ce la panacée ? « Ces solutions permettent de réduire de moitié la démarque inconnue » affirme Pascal Moreau. De réduire, oui, mais pas de supprimer.
Trop coûteuses, les technologies ?
Il existe d’autres technologies pour lutter contre le vol, celles des étiquettes dans lesquelles siège un « tag », une puce électronique, tracée par des antennes placées souvent à l’entrée des enseignes. Ces antennes les repèrent quand elles n’ont pas été démagnétisées par la personne qui encaisse les articles. Ces technologies sont très répandues dans la grande distribution, mais aussi dans les enseignes de cosmétique, de parfumerie, de bricolage, de parapharmacie… Mais elles sont bien rares en officine. Si l’on écoute les éditeurs, elles ne sont pas adaptées aux pharmacies. « C’est beaucoup trop cher » affirme Gildas Leroux, directeur commercial de Winpharma, qui préfère préconiser des solutions de vidéosurveillance traditionnelles. Mais pour Cedric Brossard, directeur marketing de Checkpoint Systems France, un système antivol de ce type coûte entre 2000 et 5000 euros. Checkpoint Systems est un spécialiste de la radiofréquence, l’une des trois technologies utilisées par les spécialistes de la démarque inconnue. Les éditeurs soulignent que ce n’est pas le seul problème de ces systèmes. « Il faut poser les étiquettes une par une, ce qui prend beaucoup de temps aux équipes officinales » ajoute Gildas Leroux. Sans compter leur prix ! Tous ces arguments n’ont pas fait peur à Alain Gaubert, titulaire à Paris, dont le témoignage (voir encadré) dit exactement le contraire : la démarque inconnue est telle que même à des coûts d’acquisition relativement élevés ces solutions sont indispensables.
Dans ce contexte, il n’est pas facile pour une officine de prendre une décision quant à la technologie qui serait la mieux adaptée. Checkpoint Systems a décidé de travailler main dans la main avec PCL, un spécialiste du secteur pharmaceutique. La radiofréquence est la technologie la plus couramment utilisée dans la grande distribution, mais dans les enseignes de parapharmacie et de parfumerie, et a fortiori dans les officines, c’est plutôt l’acoustomagnétique qui a la préférence des enseignes. Ses antennes sont plus discrètes et elle n’est pas aussi inhibée par le métal que ne l’est la radiofréquence. Néanmoins, cette dernière technologie a un avantage qui pourrait à l’avenir être décisif. C’est en effet le chaînon manquant avant l’arrivée de l’étiquette intelligente, capable de tout faire (voir encadré sur la technologie RFID). Et notamment d’assurer la protection à la source, avec les tags intégrés directement dans les produits eux-mêmes. La pharmacie échappe pour l’instant à ces scénarios, du fait de la réglementation relative à l’emballage des médicaments, mais il n’est pas interdit de penser qu’un jour, au moins pour la parapharmacie, ces projets qui tiennent un peu de la science-fiction ne deviennent réalité.
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