LE QUOTIDIEN DU PHARMACIEN.- La démarque inconnue, autrement dit le vol ou la disparition de produits ou de marchandises, semble être encore un sujet tabou en officine. Est-ce un phénomène inquiétant, selon vous ?
PHILIPPE BECKER.- Ce n’est pas un sujet tabou, c’est plutôt un sujet mal connu ou mal apprécié. Lorsque l’on parle de la démarque inconnue, on pense en général, et c’est normal, à la grande distribution. En fait, la démarque inconnue est une plaie qui touche tous les commerces de proximité, et l’officine n’y échappe malheureusement pas.
A-t-on une idée de ce que représente la démarque inconnue dans le commerce ?
PHILIPPE BECKER.- Selon une étude publiée en 2011 par la société Check Point Systems, le vol dans le commerce et la distribution s’élèverait en moyenne à 1,40 % du chiffre d’affaires, ce qui représenterait 4,9 milliards d’euros par an. Toujours selon cette étude, les vols commis par la clientèle représentent 41 % du volume total, le vol en interne représentant 33 %. Le reste est lié à des vols ou fraudes fournisseurs, à des erreurs d’étiquetage ou comptables. Si l’on applique de manière mécanique ce taux à une officine « standard » qui réalisait en 2012 un chiffre d’affaires de 1,5 million d’euros, cette démarque s’élèverait, en théorie, à 21 000 euros par an. Il faut toutefois se garder de faire une extrapolation trop rapide, car une partie des produits remboursables est difficilement accessible à la clientèle du fait de la réglementation. De ce point de vue, l’officine est mieux protégée. Mais il faut aussi reconnaître, à l’inverse, que les produits d’automédication présentés au public ont augmenté en volume.
Comment l’expert-comptable peut-il alerter son client pharmacien sur ce problème de la démarque inconnue ?
CHRISTIAN NOUVEL.- L’indicateur qui peut nous alerter sur un problème de démarque inconnue est le taux de marge commerciale. Une baisse importante et non expliquée d’une année sur l’autre peut ainsi nous inciter à en savoir plus. Nous savons par expérience que les deux activités à cibler sont l’automédication et la parapharmacie. Ensuite, grâce à l’informatique de gestion et au suivi des stocks, nous faisons des tests avec notre client sur des périodes déterminées. L’objectif est de valider un problème de vol et, si possible, de déterminer si l’origine est plutôt externe (client) ou interne (personnel). Cette étape doit être réalisée dans la plus totale confidentialité.
Que doit-on faire si l’on pense avoir trouvé la solution ?
CHRISTIAN NOUVEL.- Si l’origine est interne, il faut recueillir des preuves irréfutables, en ayant recours à la police judiciaire ou la gendarmerie ou encore à des sociétés spécialisées. En matière pénale, les juges sont très exigeants. Bien souvent, les pharmaciens agissent trop vite et la personne en question a le temps de dissimuler les éléments qui permettraient de démontrer sa culpabilité. Attention également à la dénonciation calomnieuse, qui est souvent très délicate. Bref, il ne faut pas agir dans la précipitation sur la base d’une simple présomption.
Ce type de problème est-il courant en officine ?
PHILIPPE BECKER.- Moins qu’on le dit généralement, mais plus qu’on ne l’imagine. En fait, on pense que cela touche les autres… Pour éviter ce type de problème, il faut être vigilant sans être paranoïaque. Il y a quelques mesures de bon sens à respecter.
Quelles sont les mesures à prendre pour éviter les problèmes ?
PHILIPPE BECKER.- Lors de l’embauche, il faut se renseigner auprès des précédents employeurs et demander un extrait de casier judiciaire en cas de doute. Dans la mesure où les vols portent sur des produits de parapharmacie à forte valeur ajoutée, on ne déléguera pas le contrôle du stock, ou, si on délègue, on fera tourner les salariés sur cette tâche. Les salariés qui sont mal intentionnés - il y en a très peu - repèrent vite les failles de contrôle dans l’officine et les exploitent à dessein. Mais ils font souvent la même erreur : ils modifient leur train de vie !
Lorsque manifestement le vol est externe, que conseillez-vous ?
CHRISTIAN NOUVEL.- Par expérience, nous recommandons toujours de recourir à un audit de sécurité par une société sérieuse et spécialisée avant d’investir dans un système de protection. Si l’on ne pose pas un bon diagnostic, les mesures qui seront prises seront inefficaces, coûteuses voire contre-productives.
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