LA SÉCURISATION de la délivrance a beaucoup progressé ces dernières années et notamment pour tout ce qui concerne la gestion des interactions médicamenteuses. L’introduction du dossier pharmaceutique (DP) a en effet donné une impulsion décisive aux éditeurs de logiciels auxquels il a apporté une « profondeur de champ » leur permettant de mieux exploiter l’historique des patients. Tous les éditeurs sont adossés à une ou plusieurs bases de données lesquelles permettent de gérer les interactions médicamenteuses dans un absolu qui ne tient pas compte des spécificités des patients. C’est là qu’interviennent les applications informatiques qui permettent de mieux guider les pharmaciens dans la sécurisation de la délivrance.
Hiérarchiser le niveau d’alerte.
Le premier travail des éditeurs est de hiérarchiser le niveau d’alerte en cas d’interactions médicamenteuses qui peuvent varier d’une simple iatrogénie sans conséquence pour le patient à une mise en danger de sa vie. « Celles-ci sont évidemment très rares car il y a au préalable un contrôle médical rigoureux » souligne David Derisbourg, responsable marketing Leo chez Isipharm. « Mais on ne peut les exclure, quand par exemple il y a un changement de prescripteurs. » C’est justement parce qu’elles sont très rares que la vigilance est de mise, quand l’interaction en question passe à travers toutes les mailles du filet. Bien sûr, les pharmaciens sont libres de mettre en œuvre les paramétrages qui leur conviennent. De ce point de vue, les éditeurs proposent différents niveaux qui permettent d’ajuster le système en fonction du profil : « Le niveau sera souvent moins élevé quand la personne connaît les interactions : une préparatrice aura beaucoup plus d’alertes qu’un pharmacien assistant » déclare ainsi David Derisbourg. Mais aussi bien sûr en fonction des interactions elles-mêmes. Certains éditeurs se fondent sur le classement fourni par la base de données auxquels ils s’adossent. C’est le cas d’ASP Line qui travaille à partir de Vidal et propose ainsi quatre niveaux d’alerte, du simple risque pour lequel aucune recommandation pratique n’est proposée jusqu’à la contre-indication formelle et absolue. « En fin de facture, les recherches d’interactions sont effectuées pour chaque produit de l’ordonnance et les résultats sont présentés sous forme de tableau, par niveau de gravité avec le motif de l’interaction. Charge au pharmacien de prendre en compte ce résultat pour motiver son action éventuelle, refus de délivrance, modification de la délivrance ou appel au médecin » explique Virginie Boissier, responsable marketing d’ASP Line. Winpharma dispose quant à lui de six niveaux d’interaction.
Remonter dans le temps.
Mais l’interrogation ne se fait pas uniquement sur la délivrance elle-même. « C’est bien trop restreint » souligne Jérôme Lapray, responsable marketing de Pharmagest. C’est interroger la délivrance sur le passé qui va donner de la valeur à la recherche d’interactions, ou de contre-indications, explique-t-il en substance. C’est en cela que l’aspect historique des données du patient est le point-clé de la gestion de l’iatrogénie. « Le pharmacien peut modifier la durée de la période sur laquelle va porter cette recherche historique » ajoute Jérôme Lapray. Il n’y a pas de limite à cette recherche, mais remonter trop loin dans le temps n’est pas non plus pertinent. C’est aussi là que le DP tient pleinement sa place. Le contrôle peut donc aussi avoir lieu sur des médicaments acquis dans une autre officine. L’extension quasi générale du DP (les logiciels de gestion doivent être certifiés compatibles avec le DP) a grandement facilité la gestion des interactions médicamenteuses et des contre-indications.
Mais certains éditeurs considèrent qu’il faut aller plus loin et donner la possibilité au pharmacien de constituer un dossier thérapeutique ou une opinion pharmaceutique selon les dénominations des uns et des autres. C’est pour Sophie Roussel, directrice marketing et communication d’Alliadis, le niveau le plus élevé d’une sorte de pyramide qui d’abord gère les interactions à partir de la base de données, puis du DP et enfin du dossier thérapeutique. « Le logiciel fait le lien entre les trois et tout est transparent pour le pharmacien » précise-t-elle. Mais le DP est régi par un cahier des charges contraignant, pour lequel les éditeurs reçoivent d’ailleurs un agrément, tandis qu’ils sont libres de façonner le dossier thérapeutique à leur guise. Ce dernier tient compte des spécificités du patient, âge, poids, pathologies, allergies particulières, facteurs à risque comme le tabac etc… Winpharma associe la création d’une opinion pharmaceutique au moment de la délivrance. Une façon pour le pharmacien de « gagner du temps et de ne pas oublier de créer son opinion pharmaceutique » selon Bénédicte Karpov, présidente du réseau Winpharma.
Jusqu’à la taille de la boîte.
Ces différentes applications suffisent-elles à assurer la sécurité de la délivrance ? Pour David Derisbourg, le système d’alerte « va très loin, jusqu’à l’identification de la molécule, la taille de la boîte, le poids du patient. » Même son de cloche chez les autres éditeurs pour qui les principales innovations ont eu lieu ces dernières années, et pour l’avenir des évolutions à la marge, ou qui ne dépendent pas des éditeurs. Jérôme Lapray évoque par exemple l’extension du DP de façon à sécuriser l’ensemble de la chaîne de soins. C’est le projet du dossier médical partagé, véritable serpent de mer.
Est-ce que pour autant tout est parfait dans le meilleur des mondes ? Sylvain Lemfre, directeur de la direction des technologies en santé du Conseil national de l’ordre des pharmaciens (CNOP), évoquait dans ces colonnes il y a deux ans, le risque lié à l’usage de données différentes selon les bases de données utilisées par les pharmaciens, ce qui entraîne des alertes différentes d’un logiciel à l’autre, et de ce fait peut être dangereux pour certaines pathologies lourdes. La possibilité de certifier les bases de données avait alors été évoquée, un travail jugé difficile.
Signalons que la Haute Autorité de Santé (HAS) propose un agrément pour les bases de données : quatre d’entre elles en disposent à l’heure actuelle, la Banque Claude Bernard, Vidal, Thériaque et Thésorimed. Cet agrément vise à permettre aux médecins de disposer de bases de données qui répondent à un certain nombre de critères de qualité, lesquels médecins peuvent recevoir des aides financières s’ils utilisent des logiciels d’Aide à la Prescription (LAP) certifiés par la HAS. Mais il n’a pas pour visée d’harmoniser certaines règles qui permettraient d’éviter le problème des alertes différentes concernant certaines pathologies lourdes. Le CNOP précise qu’une telle certification des éditeurs de logiciels pour officines verra le jour, suite au vote de la loi du 29 décembre 2011, relative au renforcement de la sécurité sanitaire du médicament et des produits de santé, une certification qui sera obligatoire le 1er janvier 2015. Cela devait permettre de mieux harmoniser les règles autour de la sécurisation de la délivrance.
En attendant, il peut être intéressant dans certains cas très spécifiques de s’orienter vers des bases de données spécialisées, comme celle proposée par la COREVIH (Coordination Régionale de Lutte contre l’infection à VIH) d’Aquitaine. « C’est le seul logiciel disponible relatif à la lutte contre le VIH, affirme une porte-parole de l’organisme, il dispose d’une base de données qui recense tous les anti rétroviraux et leurs interactions avec tous les autres médicaments. » Cette base de données gratuite est disponible à tous les professionnels de santé, aux médecins généralistes en premier lieu, mais aussi aux pharmaciens. Les éditeurs affirment pourtant être au point pour les traitements lourds. « La Banque Claude Bernard va permettre dans le cas de délivrances particulières d’alerter sur les protocoles de prises de médicaments pour ces pathologies lourdes » plaide Sophie Roussel.
Au total, si tous les éditeurs proposent une gestion de l’iatrogénie, cela n’empêche pas des applications de gestion d’apparaître sur Internet indépendamment de tout logiciel. Parfois signées par de grands noms tels Vidal qui propose une application spécialement dédiée aux pharmaciens et qui inclut bien évidemment la gestion de l’iatrogénie. D’autres sont moins connues. Ainsi en est-il de Free Diams, un logiciel médical libre, d’origine nord américaine, qui propose également une gestion des interactions médicamenteuses et des interactions médicaments/patients. Ses avantages, la gratuité et son ouverture puisqu’il vient du monde de l’informatique libre.
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