DEPUIS au moins une dizaine d’années, le back-office des officines est régulièrement grignoté au profit de leur espace de vente. Une tendance qui, semble-t-il, est toujours d’actualité, même si tous les agenceurs ne sont pas tout à fait d’accord sur le sujet. « La pression est moins forte aujourd’hui, constate Jérôme Gaubert, directeur commercial de Mobil M. D’une certaine manière, on ne peut plus continuer à réduire le back-office après tant d’années », mais pour Alain Billiet, directeur de clientèle chez Boisson Partners, la tendance se poursuit encore aujourd’hui. Le résultat est le même, il faut continuer à penser optimisation de l’espace de travail des équipes officinales à l’arrière de la zone de vente, puisqu’il est de plus en plus contraint en surface.
Si l’espace dédié à la clientèle est à la fois pour le titulaire et l’agenceur une aventure architecturale plutôt créative, avec de forts enjeux merchandising, le back-office, lui, serait presque perçu comme un aménagement, non pas de seconde zone, mais plus technique, sans envergure au plan architectural. Pas plus simple cependant, bien au contraire, car il représente souvent un casse-tête : comment concilier le gain de place avec un cahier des charges assez lourd puisque l’officine doit avoir un certain nombre d’espaces obligatoires comme le préparatoire, le sas de livraison, etc…, tout en veillant à conserver un niveau de confort suffisant pour les équipes officinales ? « Il faut faire en sorte d’avoir de bonnes conditions de travail car sinon, le stress des salariés est vite ressenti par la clientèle » avertit François Guillot directeur France de TH Kohl. Si on ajoute à cela les demandes croissantes liées à la présence de salle de formation par exemple, cela fait beaucoup d’éléments à intégrer.
Ne pas penser l’un sans l’autre.
Il n’y a pas une seule solution à ce problème, il y en a presque autant qu’il existe de pharmacies, mais au moins dans l’esprit, les agenceurs que nous avons interrogé insistent tous sur l’articulation nécessaire qu’il doit y avoir entre le back-office et l’espace de vente, ne pas penser l’un sans l’autre. « Il est indispensable de travailler sur les flux dans la globalité de l’officine » soutient Jérôme Gaubert. Et faire en sorte que la circulation des personnes soit la plus rationnelle possible. C’est vrai pour tout l’espace et plus particulièrement pour les points d’articulation les plus sensibles. Pour Jérôme Gaubert, ce sera par exemple les colonnes tiroirs (en l’absence d’automate ou de robot), « point d’arrivée du back-office et en même temps point de départ de l’espace client ». Pour Alain Billiet, un autre point stratégique entre le back office et l’espace de vente est le bureau du titulaire. « À moins qu’il n’ait délégué la gestion du quotidien dans les comptoirs à ses adjoints, et c’est le cas dans les très grandes officines seulement, le titulaire doit être au plus proche de l’espace client » explique-t-il, « cela ne signifie pas un espace ouvert sur le reste, mais tout au moins que le titulaire puisse voir et entendre, et sache déjà quel est le problème quand son intervention est requise au comptoir. »
Une circulation fluide.
Plus à l’arrière, la circulation doit être fluide également entre le sas de livraison et le stock, qu’il soit dans des colonnes tiroirs ou un automate ou un robot ou encore un stock déporté. « Faire en sorte que le trajet de livraison soit le plus court possible » résume Rudy Rolland, gérant de Jean Rolland Agencement. Ce qui suppose que le titulaire sache exactement quelle est la tâche de chacun. Et quelle place chacun occupe dans l’organisation globale de l’officine. « Nous conseillons au pharmacien d’analyser toutes les opérations, leur fréquence, de façon à orienter ensuite leur emplacement dans la pharmacie » explique François Guillot. Réaménager le back-office, ce n’est donc pas seulement gagner de la place, c’est pousser la rationalisation jusqu’à l’organisation du travail de façon à ce que l’espace aménagé corresponde au plus près aux tâches de chacun. Ce qui pour Alain Billiet a partiellement été facilité par la spécialisation du personnel dans les back-office. « Autrefois, on y trouvait un peu tout le monde et beaucoup de personnes qualifiées qui sont à présent plus dans l’espace de vente tandis que des personnes aux tâches très spécifiques travaillent à présent dans la zone de livraison et du stock, des magasiniers, des secrétaires… etc… »
Éviter les stocks déportés.
La question des stocks peut, elle aussi, constituer un casse-tête pour titulaires et agenceurs. Certes, la tendance vers une gestion « au fil de l’eau » se confirme ainsi que le souligne François Guillot, « notamment du fait des nouvelles conditions légales de paiement ». Donc moins de stock, mais « attention à ne pas se trouver avec l’obligation d’aménager des stocks déportés par manque de prévision, cela complique l’activité du back-office » avertit Alain Billiet.
Tout dépend également si la pharmacie a choisi d’automatiser ou non son officine, ce qui constitue du reste une « véritable révolution dans l’aménagement du back-office » selon Rudy Rolland. Avec une question importante : l’automatisation fait-elle gagner de l’espace ? Pour Jérôme Gaubert, non si le robot ou automate prend la place des colonnes tiroirs, oui, s’il est déporté à un autre niveau, à l’étage par exemple. Mais la présence d’un tel outil modifie sensiblement les flux de circulation. Ainsi Georges Dupays, gérant de Créaplus, souligne-t-il les « nombreux cas où des revendeurs de robots ou automates ayant juste constaté qu’il y avait la place pour installer leurs machines sans faire en sorte de proposer une implantation adaptée aux fonctions de la pharmacie, la circulation des flux en est parfois modifiée de façon catastrophique. Attention à ne pas devoir ajouter de ce fait des dispositifs qui feraient perdre du temps car in fine, c’est quand même le gain de temps sur la délivrance qui est en jeu. »
Pas de règles immuables.
Au-delà de ces aspects fédérateurs, la circulation des flux, l’automatisation, il n’existe pas de règles immuables qu’il faudrait respecter comme peut l’être par exemple le merchandising dans l’espace de la zone de vente affirme en substance Georges Dupays. « Ce n’est absolument pas standardisé. » Mieux, le back-office reflète de manière plus profonde ce que souhaite le titulaire et ce dernier peut façonner à sa guise ses locaux, en respectant toutefois ce qui a été dit précédemment. Mais s’il désire avoir par exemple un back-office des plus restreints, l’agenceur doit se plier à sa volonté.
« J’ai déjà travaillé pour un groupement qui souhaitait ainsi réduire le back-office à son minimum, soit un ratio de 80 % pour l’espace de vente » raconte Georges Dupays. Ce qui fait bouger allègrement le curseur du ratio entre back-office et zone de vente, dont on dit souvent que l’idéal serait de 35 à 40 % pour le premier contre 65 à 60 % pour la seconde. Ratio qui dépend bien sûr de la taille de l’officine. Les petites ont moins de marge de manœuvre et se retrouvent souvent avec un back-office qui occupe la moitié de l’espace. Pour Jérôme Gaubert, 25 m2 sont un strict minimum. La volonté des pharmaciens peut aussi orienter le travail des agenceurs vers d’autres thèmes, comme par exemple l’ouverture du back-office de façon à ce que les clients voient l’équipe au travail. C’est une tendance que constate François Guillot. D’autres encore, plus rares peut-être, privilégient un espace grand et confortable pour le travail de l’équipe officinale sans chercher à rogner sur les mètres carrés.
Réputé moins cher.
Si la gestion de l’espace et des flux, la configuration des lieux suscitent beaucoup de travail et de réflexion, aussi bien de la part des titulaires que des agenceurs, il n’en est pas de même pour l’aspect visuel, les matières utilisées notamment, dont on réserve les plus belles et coûteuses à l’espace de vente. L’aménagement du back-office est réputé nettement moins cher que celui de la zone commerciale, et notamment parce qu’on y utilise des matériaux relativement bon marché. Ce n’est pas là qu’on va faire assaut d’innovations esthétiques, le plus souvent on se contentera d’un blanc apaisant et d’un éclairage confortable. Cela étant, il se pourrait bien que cela évolue, à l’image de ce qui se passe en Italie.
Selon François Guillot, les pharmaciens transalpins souhaitent avoir la même qualité d’aménagement dans le back-office que dans l’espace clients. Et cela peut ne pas coûter beaucoup plus cher. « Nous avons eu récemment à réaménager complètement une pharmacie qui souhaitait donner la part belle à des espaces conseil dans sa zone de vente, mais le titulaire a demandé également à ce que l’on travaille la partie arrière avec les mêmes qualités esthétiques que la zone commerciale » raconte Alain Billiet. « Sans pour autant surenchérir le coût, nous avons travaillé sur la transparence et la couleur, il y a toujours des astuces qui permettent de répondre à la demande exigeante des clients. »
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