QUAND on crée ou rénove une officine, la façade représente une problématique à part. D’abord par les contraintes réglementaires auxquelles ces travaux sont soumis. À commencer par celle liée à la réglementation des services d’urbanisme quand les commerces, quels qu’ils soient, se situent dans des zones de patrimoine historique. Ce qui concerne près de la moitié des officines selon Georges Dupays, gérant de la société Créa Plus. « La quasi-totalité des officines dans une ville comme Paris est soumise à ces règles » précise-t-il. Règles ou avis ? Selon Jérôme Gaubert, directeur commercial France de Mobil M, l’avis des architectes des Bâtiments de France, un service départemental, n’est que consultatif, mais en réalité, les municipalités qui prennent la décision finale les suivent à la lettre. « Et il n’y a pas de possibilité de faire appel » souligne Jérôme Gaubert. Résultat, il faut présenter un projet susceptible d’emporter l’adhésion de l’architecte des Bâtiments de France. Ce qui n’est pas toujours facile.
Un rapport de forces complexe.
« Les agenceurs et les architectes des Bâtiments de France ont des objectifs diamétralement opposés, explique Georges Dupays, les premiers veulent rendre les officines les plus attirantes possible, les seconds qu’elles se fondent au contraire dans le paysage urbain. » Dans ce rapport de forces parfois complexe, il est nécessaire d’abord d’obtenir le maximum d’informations pour être à peu près sûr que le projet ne sera pas rejeté. D’abord auprès de l’architecte lui-même, mais aux dires de plusieurs agenceurs, il est difficile d’établir un contact direct avec lui. Encore que cela semble dépendre beaucoup de leur personnalité, Jérôme Gaubert constate en effet que les architectes auxquels il est confronté sont « plutôt contents qu’on les contacte pour avoir leur avis au préalable. » À défaut de rendez-vous, tout contact par mail par exemple peut être utile. Et si vraiment la relation directe est impossible, il faut passer par les services municipaux : « les mairies instruisent les dossiers, elles ont une expérience importante de ces questions » conseille Georges Dupays.
Dans les nombreux cas où les architectes des Bâtiments de France limitent en quelque sorte l’expression commerciale des officines, il faut trouver des substituts habiles afin de répondre à la fonction première des façades, la visibilité. « On peut par exemple jouer sur la visibilité des vitrines en y insérant des petites croix » évoque Franck Gaillot, gérant d’Enseignes et Lumières, un spécialiste de la signalétique.
Impact sur le budget.
La contrainte des Bâtiments de France est loin d’être la seule. La question de l’accessibilité est, elle aussi, une priorité : comme pour le patrimoine historique, cela n’est pas seulement une affaire administrative, car ces différentes autorisations à obtenir ont un impact direct sur la conception même du projet. Et sur son budget. Si les limites imposées par les architectes des bâtiments de France ont plutôt tendance à le réduire, celui de l’accessibilité peut au contraire le faire exploser. Par exemple, quand des travaux sont nécessaires pour niveler l’entrée avec le trottoir, impliquant de travailler sur la structure du toit de la cave. Là encore, il faut bien se renseigner auprès des services départementaux, les exigences variant d’un département à l’autre.
« Certains sont plus exigeants concernant les handicaps sonores et visuels, d’autres se contentent de l’accessibilité aux personnes à mobilité réduite » décrit Jérôme Gaubert. Les agenceurs s’occupent d’accompagner et défendre les titulaires face à ces différentes démarches administratives, lesquelles peuvent réserver bien des surprises. Ainsi faut-il savoir qu’il existe aussi une réglementation sur les enseignes lumineuses, susceptible d’évoluer prévient Franck Gaillot. Et différentes taxes, comme par exemple celle qui incombe à tout commerce posant des affiches collées sur l’extérieur des vitrines.
Ces différentes contraintes ne sont pas seules à renforcer la nécessité de travailler la façade de manière autonome par rapport à l’intérieur du magasin. « Il faut en effet tenir compte de différents éléments extérieurs à l’officine, l’environnement immédiat, explique Bernard Galy, gérant associé de la société C.A.R, une rue étroite et piétonne ne nécessitera pas par exemple une enseigne très grande. »
De la même manière, il faut intégrer les éléments graphiques propres aux groupements, leurs couleurs, le bleu de Giphar par exemple, comme l’évoque Bertrand Galy. Être visible, remarquée et distinguée dans un environnement commercial précis et aussi donner une première image de la pharmacie : autant d’éléments qui justifient une réflexion propre à la façade. Mais pas de façon déconnectée de l’intérieur. Jérôme Gaubert prévient : « il faut donner une image de la pharmacie dans sa globalité, la façade n’est qu’une déclinaison de cette image. »
L’avantage de la croix.
Les pharmacies ont un avantage décisif en matière de visibilité par rapport aux commerces ordinaires : leurs croix. Il suffit qu’elle soit bien placée, assez lumineuse pour capter l’attention des clients, à la limite sans autre élément de signalétique pour les attirer. C’est d’ailleurs l’une des rares choses sur lesquelles les titulaires ont des intentions très affirmées. Pour le reste, il est nécessaire de l’aider à « accoucher » du projet d’aménagement de façade tant leurs idées et leurs connaissances sont vagues, disent en substance les agenceurs. Cela étant, il y a des erreurs à ne pas commettre avec les croix. « Il faut les placer judicieusement » estime Georges Dupays. « Faire attention aux messages qui passent dans la croix, parfois, cela va un peu trop loin, comme des dessins en 3D, cela dénature un peu le métier » estime pour sa part Bertrand Galy. C’est aussi la partie où le titulaire peut se montrer plus autonome vis-à-vis des agenceurs et ceux-ci soulignent qu’il faut être prudent vis-à-vis des croix à bas prix. La led s’est imposée grâce à sa supériorité technique et économique sur le néon, mais cela n’empêche pas les croix à leds de mauvaise qualité de pulluler. « On ne compte plus les croix éteintes » souligne ainsi Franck Gaillot. La réflexion autour des croix peut se révéler complexe quand plusieurs officines se trouvent à proximité les unes des autres, chacune voudra sa croix plus lumineuse et plus grande que celle de la voisine. Dans ce cas, mieux vaut selon Bernard Galy, préférer une lumière plus douce, qui s’éclaire et s’éteint et se distingue mieux.
Attention au fatras.
D’une manière générale, les agenceurs conseillent la mesure pour les façades : il ne s’agit pas d’être clinquant et excessif, c’est vrai de la lumière, des croix comme des enseignes lumineuses. Pour ces dernières, ils préconisent souvent l’usage de la led en éclairage indirect. Mesure également concernant les vitrines : tous les agenceurs interrogés regrettent la tendance des pharmaciens à les surcharger par des affiches, des produits, des promotions… « Un vrai fatras », résume Armand Lepot, conseiller pharmaceutique chez Media 6 Pharmacie. « Or la vitrine doit donner envie d’entrer. »
Conseil prodigué par l’ensemble des agenceurs interrogés : la transparence. « La meilleure vitrine, c’est l’intérieur », estime Jérôme Gaubert. Ce qui n’empêche pas parfois de penser à la communication de messages liés aux choix et aux valeurs du pharmacien. « Les officines sont souvent à côté de commerces qui se refont à un rythme rapide, tous les 4 ou 5 ans, comme les enseignes textiles, ce qui rend vite obsolètes les façades des pharmacies, il faut donc pouvoir réagir sans avoir à tout refaire, et ce grâce à la modularité des procédés signalétiques » explique Armand Lepot. La modularité, c’est le « covering », affichage collé aux vitrines (attention aux taxes !), les totems etc. Des messages qui devront être dosés avec mesure, encore une fois. Pas question par exemple d’en afficher si on est dans un environnement commercial encombré, les clients ne prendront pas le temps de les lire.
Au niveau des matières utilisées pour aménager les façades, il n’y a pas de tendance à proprement parler, simplement des choix proposés par les agenceurs en fonction de leurs valeurs et préférences. Créa Plus, par exemple, privilégie un aspect contemporain avec des matériaux sobres. « Pour nous, la pharmacie doit avoir une image high-tech, c’est de médicament qu’il s’agit, donc de hautes technologies » explique Georges Dupays qui bannit les looks un peu « rustiques ». De même, Enseignes & Lumières propose volontiers un habillage de façade avec de l’imitation bois à base d’aluminium. « C’est solide, durable, maniable, adaptable, explique Franck Gaillot… Mais un peu cher. »
Les budgets consacrés aux façades sont extrêmement variables, selon les travaux à faire, et de ce fait, il est difficile de donner des fourchettes de prix. Les agenceurs préconisent cependant que la façade ne doit pas représenter plus de 20 % de l’ensemble des travaux d’aménagement ou de rénovation.
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