La génétique n’a pas dit son dernier mot dans l’obésité. Pour preuve, dans le même numéro de « Nature Genetics », trois études indépendantes révèlent de façon inédite le rôle du gène ADCY3 dans la prise de poids et le mécanisme de la faim, suggérant de nouvelles cibles thérapeutiques.
En France, environ 4 à 5 % des sujets obèses sont porteurs de mutations dites rares, à savoir celles des gènes de la pro-opiomélanocortine (POMC), de la leptine et de son récepteur et, les plus fréquentes, celles du gène MC4R, le MC4R étant l’une de principales cibles de la leptine au niveau de l’hypothalamus. « Ces 15 dernières années, on était très embêté car le séquençage du génome n’a rien donné vraiment de plus », explique le Pr Philippe Froguel, endocrinologue et chercheur à l’unité mixte 8199 (université de Lille, CNRS, INSERM, CHU de Lille, Institut Pasteur de Lille) et à l’Imperial College London, et principal auteur de l’une des études.
Des travaux de longue haleine
Pour relancer une recherche sur le génome au point mort dans l’obésité, les différentes équipes se sont retroussé les manches et ont entrepris des travaux longs et difficiles. L’équipe franco-britannique dirigée par le Pr Froguel a monté il y a 5 ans une cohorte dans une population consanguine pakistanaise dans la province de Lahoré, l’équipe danoise de Torben Hansen a travaillé dans un modèle un peu différent, une population isolée du Groenland.
« Dans les populations à forte consanguinité, 30 % des enfants très obèses ont des mutations récessives des gènes de la leptine et de MC4R, explique le Pr Froguel. On s’est dit qu’il pouvait y en avoir d’autres ». Et là, bonne pioche, le séquençage de l’ensemble des gènes de 138 enfants et parents issus de ces familles s’est révélé fructueux, notamment pour le gène ADCY3. « Et les avancées technologiques à venir vont encore nous aider à faire progresser les connaissances », annonce avec enthousiasme Philippe Froguel.
Un gène qui révèle sa véritable identité
Jusqu’alors le gène ADCY3 était connu dans l’obésité comme l’un des 150 gènes jouant un rôle faible dans le poids. Aujourd’hui, les trois études poussent les choses beaucoup plus loin. L’équipe franco-britannique montre que certaines familles présentent une mutation inactivant l’activité enzymatique ADCY3 et que cette enzyme ADCY3 non fonctionnelle se traduit par une forte obésité dès l’enfance. Quant à l’étude danoise, elle révèle de façon assez proche qu’une mutation rare en Europe mais fréquente au Groenland entraîne une obésité et un diabète.
La troisième étude dirigée par le français Christian Vaisse, qui travaille depuis des années à l’université de Californie à San Francisco, est un peu différente, car fonctionnelle, en décrivant le rôle d’ADCY3 avec MCR4 au niveau des cils primaires des neurones de l’hypothalamus. « La boucle est bouclée, se réjouit le Pr Froguel. L’hypothèse de Vaisse, que je connais bien et avec lequel j’ai travaillé sur MC4R plusieurs années, est que l’obésité est une maladie ciliaire. Des ciliopathies graves, comme le syndrome Bardet-Biedl, comportent une obésité. Selon ses derniers travaux, la protéine ADCY3 agirait directement ou indirectement au niveau du cerveau. Cela expliquerait pourquoi nos enfants obèses ont à la fois faim et une anosmie, en agissant au niveau des récepteurs olfactifs ».
Une maladie ciliaire du cerveau, mais sans doute pas que
L’équipe de Vaisse montre pour la première fois que MC4R présente un fonctionnement lié à ADCY3 au niveau des cils primaires des neurones hypothalamiques. Les chercheurs américains ajoutent que l’inhibition de la signalisation de cette adénylyl cyclase à ce niveau, se traduit par une augmentation pondérale.
« C’est passionnant de voir les progrès faits dans ce domaine, explique Vaisse. Dans les années 1990, nous nous demandions si l’obésité était génétique ou non ; une décennie plus tard, nous découvrions que la plupart des facteurs de risque de l’obésité impactent principalement le circuit de la leptine dans le cerveau ; et maintenant nous sommes sur le point de comprendre comment les défauts de cette structure sous-cellulaire spécifique d’un sous-groupe particulier de neurones hypothalamiques mène à la prise de poids et à l’obésité ».
Pour autant, ce n’est pas le seul rôle d’ADCY3. « Contrairement à MC4R, cette enzyme n’agit pas qu’au niveau du cerveau, poursuit le Pr Froguel, mais aussi sans doute au niveau de l’intestin via l’hormone GLP1, cette hormone importante dans le diabète et l’appétit. Il est possible aussi que ADCY3 agisse dans la thermogenèse au niveau du tissu adipeux brun ».
Les industriels du médicament s’intéressent déjà à ADCY3, notamment Novonordisk dans le diabète. Ces récents résultats dans des populations particulières ont permis de mettre à jour des mécanismes dans l’obésité jusque-là inconnus, et il y a fort à parier que les choses ne vont pas en rester là. L’équipe de Philippe Froguel présente « ADCY3 comme un médiateur important de l’homéostasie de l’énergie et une cible pharmacologique importante dans le traitement de l’obésité ».
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