Comment dépasser les limites du dépistage organisé (DO) du cancer du sein et gagner en performance ? La question taraude depuis plusieurs années le Dr Suzette Delaloge, oncologue à l’hôpital Gustave Roussy (IGR) de Villejuif, qui vient de lancer l’étude MyPeBS pour évaluer l’intérêt d’un dépistage adapté au risque individuel chez 85 000 femmes âgées de 40 à 70 ans.
Cette vaste étude randomisée, coordonnée par UNICANCER et soutenue par l’Union européenne, va comparer l’efficacité d’un dépistage personnalisé basé sur le score de risque MyPeBS par rapport au DO standard tel qu’il est réalisé dans le pays. Ce score intègre un test génétique, et c’est une première à grande échelle.
Urgence à améliorer le dépistage
« Il faut transformer le DO du cancer du sein, explique le Dr Delaloge. Cancers de l’intervalle, faux positifs, surdiagnostics, les limites du DO actuel font que certaines femmes se détournent du DO. C’est dramatique, l’incidence du cancer du sein est en augmentation, et il y a encore 12 000 décès/an en France. »
L’idée de MyPeBS est de personnaliser le dépistage afin de l’intensifier chez les femmes à risque élevé pour réduire l’incidence des cancers graves et d’aller vers une désescalade chez les femmes à bas risque pour diminuer le surdiagnostic et les faux positifs. « Pour que ce soit recevable, il faut que ça plaise aux femmes », souligne le Dr Delaloge indiquant qu’un volet de l’étude sera consacré à l’acceptabilité psychosociale.
Quatre pays participent : France, Royaume-Uni, Italie, Belgique et Israël. L’étude est adossée sur les centres coordonnateurs du dépistage des cancers (CDC). En France, 30 départements se sont portés volontaires.
Un génotypage pour le dépistage
Le score MyPeBS est calculé sur des variables personnelles (âge, poids, taille, âge aux premiers enfants, antécédent de biopsie, antécédent familial), la densité mammaire radiologique et le génotypage sur un test salivaire. « Il s’agit d’une étude de polymorphismes, indique Suzette Delaloge. Ce score sur plus de 300 polymorphismes n’intègre pas la recherche de mutations BRCA1 et BRCA2, sauf en Israël où la prévalence est particulièrement élevée dans la population ashkénaze. Dans les autres pays en Europe, la recherche BRCA1 et BRCA2 n’est réalisée que chez les femmes identifiées comme ayant une histoire familiale ».
Quatre niveaux de risque, quatre stratégies
Dans l’étude, quatre niveaux de risque sont définis : risque bas qui correspond au risque moyen d’une femme de 44 ans, « ce n’est pas aucun risque », précise l’oncologue, puisque cela correspond à un risque de cancer chez 1 femme/120 à 5 ans, les cancers étant en général peu agressifs ; risque moyen, c’est le risque moyen d’une femme de 65 ans ; risque haut qui correspond à un risque de cancer chez 1 femme/30-40 à 5 ans ; risque très haut, rare et équivalent à celui d’une femme porteuse de mutation BRCA.
Pour les femmes à bas risque, l’étude prévoit de passer à une mammo tous les 4 ans, pour celles à risque moyen de rester à 1 mammo/2 ans, pour celles à risque élevé à 1 mammo/an et pour celles à risque très élevé de réaliser une IRM en plus de la mammo tous les ans.
La cible des 40-70 ans
La tranche d’âge étudiée dans MyPeBS s’étale de 40 à 70 ans, quand le DO actuel commence en général à l’âge de 50 ans. « Avant l’âge de 40 ans, l’intérêt d’un dépistage est faible et l’irradiation possiblement toxique, explique le Dr Suzette Delaloge. À partir de 40 ans, on dispose de données suffisantes pour prédire le risque. Aux États-Unis, un tiers des États proposent une mammographie/an aux femmes ayant une complémentaire santé. Dans le même temps, le Royaume-Uni propose une mammographie tous les 3 ans à partir de 50 ans. C’est important de rationaliser les pratiques. »
Verrouiller la faisabilité
Selon le pays, la stratégie ne sera pas la même dans le bras contrôle : mammo avant 40 ans ou pas, mammo tous les 2 ou 3 ans. « Le DO standard n’est pas exactement le même selon le pays, admet le Dr Suzette Delaloge. L’analyse sera stratifiée par pays. La question reste la même : est-ce mieux de dépister selon le risque individuel ? »
Outre l’efficacité, l’étude MyPeBS prévoit plusieurs autres volets pour vérifier la faisabilité d’un tel DO : la toxicité (faux positifs), l’impact psychosocial, la capacité à toucher les populations les plus défavorisées, l’analyse médico-économique. L’étude, prévue pour une durée de 8 ans, avec de premiers résultats à 6 ans, débute avec les premières inclusions en décembre 2018.
Informations sur le site : www.mypebs.eu
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