Malgré des objectifs ambitieux fixés par les différents plans Cancer, seulement 3% des patients atteints de tumeur maligne participent à des essais cliniques, en France. Or, selon une communication publiée dans le New England Journal of Medecine*en juin 2018, les essais précoces (thérapies ciblées, immunothérapie, combinaisons diverses, etc.) apportent un réel bénéfice clinique aux patients en échec de traitement standard : 20 % de réponse et plus de 50 % de stabilisation prolongée. « Ce sont également des opportunités thérapeutiques majeures pour les patients, en 2e ou 3e ligne », indique le Dr Eric Angevin du département d’innovation thérapeutique et d’essais précoces de Gustave Roussy, à Villejuif, en région parisienne.
Davantage d'études cliniques
Si les efforts menés sous l’impulsion des différentes politiques de santé, notamment des plans Cancer, ont permis de structurer la capacité d’accès aux essais précoces, « la compétition internationale, avec des pays de plus en plus performants et meilleurs que nous, doit nous rendre plus compétitif », indique le Pr Jean-Yves Blay, directeur général du centre de lutte contre le cancer Léon Bérard, à Lyon.
À l’heure actuelle, plus de 900 nouvelles molécules sont en développement au niveau mondial. Mais seuls 244 essais sont actuellement ouverts en France, contre 2143 aux Etats-Unis.
« Trois types d’obstacles doivent être levés pour accélérer notre capacité à activer des études », estime le Pr Blay. « Il faut améliorer, sur le plan administratif, la vitesse de traitement des dossiers des nouveaux protocoles de recherche », indique le médecin ; « diminuer la charge de travail du Comité de Protection des Personnes (CPP), consécutive, notamment, aux modifications du tirage au sort introduite par la loi Jardé de 2018 », ajoute-t-il ; et revoir la mise en œuvre du contrat unique pour les recherches biomédicales, « une excellente idée, mais qui, in fine, a ralenti le processus entre les différents établissements », précise le Pr Blay.
Favoriser l’accès aux médicaments innovants
Une fois les essais mis en place se pose la question de l’égalité d’accès aux soins pour les patients : « ces essais précoces sont une petite fenêtre qui permet à des malades d’accéder à une stratégie dont l’efficacité reste à démontrer mais qui reste indisponible pour la majorité des patients », indique le Pr Fabrice Barlési, chef du service d’oncologie multidisciplinaire et d’innovations thérapeutiques à l’hôpital Nord de l’Assistance publique-Hôpitaux de Marseille. « L’essai précoce doit donc être considéré comme du soin innovant permettant de donner accès à des innovations thérapeutiques », ajoute le Pr Gilles Vassal, directeur de la recherche clinique de Gustave Roussy.
Rembourser puis réévaluer
Reste à combler le décalage entre le moment où les essais sont validés et celui où les médicaments sont remboursés. Pour le Pr Barlési, ce retard d’accès aux médicaments s’explique « par des arguments financiers d’évaluation du coût et de l’impact de ces nouvelles stratégies plutôt que pour des raisons d’évaluation scientifique lorsque ces médicaments ont déjà des agréments FDA [Food and drug administration] ou EMA [Agence européenne des médicaments], et sont commercialisés dans d’autres pays ».
Selon le chercheur, « il faut peut-être accepter d’avoir une mise à disposition très rapide de ces nouvelles molécules dès qu’elles ont obtenu un agrément EMA », comme c’est le cas en Allemagne. Cela implique de changer l’approche sur la façon dont les prix sont négociés avec les industriels, « notamment de payer les médicaments en fonction de leur efficacité », indique le Pr Vassal. Ce qui nécessite de réévaluer systématiquement les médicaments, par exemple au bout de 3 ans comme en Allemagne, pour comparer les données en vie réelle avec les données cliniques. « Il sera alors possible de déterminer quels patients tirent des bénéfices de ces nouvelles molécules, d’arrêter de les prescrire à ceux qui n’en bénéficient pas et, si un médicament n’est plus efficace, d’en arrêter la commercialisation rapidement », ajoute le professionnel. Qui conclut : « C’est un message fort, mais qui a son sens dans un contexte où l’on génère de plus en plus de données nouvelles chez les patients en analysant leurs tumeurs, et pour lesquels, à l’avenir, nous pourrons mieux identifier les bons répondeurs à ces nouveaux médicaments ».
* Chakiba C. et al. N Engl J Med 2018 ; DOI: 10.1056/NEJMc1803837.
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