Bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO)

Des médicaments qui demandent un accompagnement

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Publié le 23/06/2022
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Les traitements de la BPCO sont trop souvent mal ou pas pris, en raison d’un manque de connaissance par les patients des traitements et de leurs modes d'administration. C’est pourquoi l’accompagnement pharmaceutique est essentiel pour améliorer la prise en charge. L'Académie de pharmacie a fait le point lors d'une séance dédiée à cette pathologie le 1er juin.
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Crédit photo : Phanie

Embout buccal mal mis, levier pas abaissé, … Bien souvent, les patients atteints de BPCO utilisent mal leur dispositif d’inhalation, même s’ils pensent bien le faire. Cette mauvaise utilisation mène à des défauts d’observance qui peuvent être graves dans ce type de pathologie. Et le pharmacien a un rôle à tenir afin d'améliorer l’observance.

« Parmi les messages à faire passer au patient, cinq grands points seront à aborder », précise Christophe Wilcke, président URPS pharmaciens Grand Est, lors d’une présentation à l’Académie de pharmacie, le 1er juin. « Le pharmacien doit s’assurer que le patient comprenne l’intérêt de son traitement, le principe de base de l’inhalation, le fonctionnement de son dispositif d’inhalation et il doit apporter des conseils autour de l’utilisation du produit pour que l’observance soir bonne, ainsi que des conseils autour de la pathologie. »

Comprendre son traitement

Avant toute chose, il importe effectivement que le patient comprenne l’intérêt et l’importance de son traitement. L’officinal expliquera, avec des mots simples, les 3 grandes classes thérapeutiques utilisées, à savoir les bêta-2 stimulants et les anticholinergiques, qui ont pour objectif de dilater les bronches, avec un effet de courte ou longue durée selon les molécules, et enfin les corticoïdes dont le but est de réduire l’inflammation au niveau des bronches.

Trois grands types de dispositifs

Deuxième point de vigilance : il faudra s’assurer que le patient connaisse le mode de fonctionnement de son dispositif. Pour cela, il sera judicieux d’avoir à disposition un échantillonnage des différents modèles… Sachant qu’en France, « 60 produits différents sont commercialisés, classés en 15 familles de dispositifs ! », annonce Pascale Gerbeau-Anglade, pharmacien responsable chez GSK.

En bref, on peut regrouper les inhalateurs en 3 grands types : les inhalateurs à aérosol - ou aérosols doseurs pressurisés - (plusieurs références de type Ventoline ou Respimat), les inhalateurs à poudre sèche (Breezhaler, Diskus, Elliptan Gennuair, Handihaler, Turbuhaler) et les nébulisateurs de petit volume.

Comment ça marche ?

Dans un aérosol doseur, le médicament est en suspension dans un liquide vaporisé. La plupart d’entre eux doivent être secoués avant l'utilisation pour que le médicament et le propulseur se mélangent bien. Pour prendre la dose, 3 étapes sont nécessaires : inhaler lorsque l’on appuie sur le bouton, ce qui demande une bonne coordination main bouche. Ensuite, lorsque l’on commence à inhaler, inspirer lentement et régulièrement jusqu'à ce que les poumons soient pleins et, enfin, retenir son souffle pendant quelques secondes.

Un inhalateur à poudre sèche administre le médicament aux poumons sous la forme d'une poudre fine et sèche. Pour ce dispositif il y a également trois étapes successives, qu’il faudra absolument respecter : expirer à fond, puis inspirer profondément afin que le produit puisse atteindre les bronches, et enfin retenir sa respiration pendant 10 secondes. L’efficacité de l’administration dépend de la force d’inhalation.

Enfin, le nébulisateur libère le médicament lors de l'actionnement. Pour l'utiliser, on commence à inspirer lentement et profondément, et seulement ensuite, on appuie sur le bouton de libération de la dose.

« Ces modes d’utilisation paraissent simples, mais pour le patient ils sont compliqués », réalise le président de l'URPS pharmaciens Grand Est. Cela a d’ailleurs été démontré cliniquement. En effet, une étude menée par Molimard en 2017 s’est intéressée à 2 935 patients de 40 à 99 ans, atteints de BPCO et utilisant divers dispositifs d’inhalation. « Les résultats sont édifiants : 75 % d’entre eux utilisaient mal leur dispositif, dont 30 % faisaient des erreurs critiques, c’est-à-dire n’aboutissant pas à la prise de la dose », s'alarme Pascale Gerbeau-Anglade. Parfois parce que le patient expirait dans le dispositif avant d’inhaler, ou faisait des erreurs pour activer le dispositif (appui bouton, levier coulissant, embout buccal, etc.). Les erreurs étaient moins fréquentes avec certains dispositifs : Breezhaler, Diskus et Turbuhaler. Enfin, « si les patients ont bien conscience de l’importance de bien utiliser leur dispositif, ils surestiment leur compréhension de son bon usage. En effet, dans l’étude, 77 % estiment correctement l’utiliser », poursuit-elle.

Alors, pour éviter les erreurs, le pharmacien expliquera le fonctionnement de l’inhalateur et fera pratiquer le patient avec le dispositif factice.

Conseils pratiques

Ensuite, c’est avec quelques conseils pratiques autour de l’utilisation du produit que l’officinal pourra régler un problème qui vient entraver l’observance : « En rappelant de se rincer la bouche ou de manger derrière l’utilisation d’un dispositif avec corticoïde inhalé, afin d’éviter d'éventuels effets indésirables au niveau buccal. Ou en conseillant une chambre d’inhalation en cas de difficulté de coordination », illustre Christophe Wilcke.

Enfin, le pharmacien n’omettra pas d’apporter des conseils autour de la pathologie qui permettront de mieux vivre son traitement et sa maladie : en arrêtant de fumer, en faisant attention à son alimentation, en ayant une activité physique…

Cet accompagnement peut sembler lourd au pharmacien, qui peut alors se poser la question de comment le mettre en place. « Il y a plusieurs façons : tout simplement, au moment de délivrer les médicaments au comptoir. En effet, chaque dispensation est une occasion de faire passer un message, comme : Savez-vous utiliser votre inhalateur ? Comment se passe votre sevrage tabagique ? », détaille Christophe Wilcke.

L’accompagnement peut également être plus structuré, et réalisé dans l’espace de confidentialité. « Il n’existe pas d’entretien BPCO, mais la législation nous permet d’aller plus loin dans l’accompagnement d’un patient BPCO en proposant un entretien pour un bilan partagé de médication - sachant que les patients BPCO ont souvent plus de 5 lignes de médicaments sur l’ordonnance - ou via l’intervention pharmaceutique », propose-t-il. En attendant un entretien pharmaceutique spécifique qui sera dédié à la BPCO, comme il en existe un pour l’asthme.

Charlotte Demarti

Source : Le Quotidien du Pharmacien