TDAH de l'enfant

Déconstruire l'image de la Ritaline, pour mieux l'utiliser

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Publié le 28/04/2022
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En France, la prévalence du Trouble déficit de l’attention/hyperactivité (TDAH) est de 3 à 5 % de la population des enfants d’âge scolaire. Aux États-Unis, elle est estimée de 5 à 10 % en fonction des études. Surprescrit voire surconsommé outre-Atlantique, le méthylphénidate (Ritaline et apparentés) reste méconnu des professionnels de santé en France. De ce fait, de nombreux patients qui en auraient besoin n'y ont pas accès.
Le TDAH associe un manque d'attention, des difficultés à se concentrer, une instabilité cognitive, une impulsivité et une hyperactivité motrice

Le TDAH associe un manque d'attention, des difficultés à se concentrer, une instabilité cognitive, une impulsivité et une hyperactivité motrice
Crédit photo : BURGER/PHANIE

Traitement du Trouble déficit de l’attention avec hyperactivité (TDAH), la Ritaline (méthylphénidate) est autorisée en France chez l'enfant de plus de 6 ans et chez l'adulte. Le TDAH associe, le plus souvent, un manque d'attention, des difficultés à se concentrer, une instabilité cognitive, une impulsivité et une hyperactivité motrice (incapacité à tenir en place). L'enfant présentant un TDAH peut être perçu, à tort, comme étant turbulent, trop tonique ou encore, mal élevé. « Or dans le TDAH, il s'agit d'un trouble du neurodéveloppement dont la personne souffrira tout au long de sa vie. On n'élève pas un enfant présentant un TDAH comme un enfant n’ayant pas ce type de difficulté. Le diagnostic doit être établi par un neuropédiatre, un pédopsychiatre ou un médecin entraîné au repérage et à la prise en charge du TDAH », souligne le Dr Michel Lecendreux, psychiatre et pédopsychiatre au Centre pédiatrique des pathologies du sommeil (CPPS) de l'hôpital Robert-Debré à Paris.

Des critères diagnostiques bien établis

Il n'existe aucun test biologique permettant de dépister ce trouble, actuellement. Le diagnostic repose uniquement sur la clinique. Les patients doivent répondre à certains critères bien définis dans le DSM-5 tels qu'un mode persistant d’inattention et/ou d’hyperactivité-impulsivité qui interfère avec le fonctionnement du patient. Certains symptômes doivent être présents avant l'âge de 12 ans dans différents environnements de vie. Par ailleurs, une altération cliniquement significative du fonctionnement social, scolaire ou professionnel et de la qualité de vie doit être mise en évidence. Ces symptômes ne doivent pas survenir dans le cadre d’une affection mieux expliquée comme une affection psychiatrique. « Ces critères doivent être présents depuis au moins six mois dans, au moins deux situations : à l'école, à la maison, durant les activités extra-scolaires avec les amis… Le TDAH est fortement héréditaire : il faut toujours rechercher d'éventuels antécédents familiaux », précise le Dr Lecendreux.

Une prise en charge multidisciplinaire

Le diagnostic de TDAH en France concerne surtout les enfants et les adolescents. Le trouble ne disparaît pas avec le temps mais peut s'atténuer à l'âge adulte. Le traitement médicamenteux par psychostimulants comme la Ritaline, le Quasym, le Medikinet ou le Concerta, n’est pas nécessairement le traitement de première intention.

Avant d'envisager ce traitement, d'autres thérapies non pharmacologiques doivent avoir été proposées : thérapies cognitives et comportementales individuelles, techniques de remédiation cognitive (rééducation de l'attention). Un travail sur la motricité, la posture et le langage peut être entrepris. De fait, les troubles « dys » (dyscalculie, dysorthographie, dyslexie…) sont souvent associés. La prise en charge est multidisciplinaire : elle s'effectue avec l'aide d'un psychomotricien, d'un orthophoniste, d'un psychologue et/ou d'un pédopsychiatre.

Certains logiciels de rééducation permettent d'améliorer les troubles attentionnels. L'effet des thérapies non médicamenteuses n’est pas négligeable. Ces dernières peuvent suffire chez des personnes présentant un TDAH modéré. Mais lorsque le retentissement fonctionnel est sévère (enfants très agités, exclus à de multiples reprises de leur école, déscolarisés, se mettant en danger…), un traitement par méthylphénidate est nécessaire. Ne pas traiter ces enfants pourrait entraîner une perte de chance pour ces derniers. « Car cela pourrait les mener à l'échec », confie le Dr Lecendreux.

Le TDAH, sous-diagnostiqué en France

Néanmoins, le médicament ne résout pas tout. Il permet de remettre le patient sur une trajectoire (vie scolaire, universitaire, professionnelle, relations sociales…) proche de celle où il devrait se situer. « L'efficacité du méthylphénidate peut être démontrée par des tests psychométriques standardisés mesurant l’attention avant et après traitement, pour mesurer l'amélioration attentionnelle », note le Dr Lecendreux.

Aujourd'hui, différentes formulations du méthylphénidate sont disponibles pour les patients. Si ceux-ci ne répondent pas au premier traitement prescrit, d'autres formulations peuvent être efficaces. « Aux États-Unis, le TDAH est parfois surdiagnostiqué et le méthylphénidate, largement prescrit. En France, c'est tout le contraire : la pathologie est sous-diagnostiquée et de nombreux enfants qui auraient besoin de ce traitement n'y ont pas accès », assure le Dr Lecendreux. « Alors que les neuroleptiques sont prescrits sans aucun problème avec tout leur cortège d’effets indésirables, y compris au plan métabolique, les psychostimulants sont  considérés comme tabou. »

Mieux former les pharmaciens

Contrairement aux idées reçues, les psychostimulants ne sont pas des amphétamines. « Ils n'engendrent pas la production de dopamine mais inhibent la recapture de la dopamine », poursuit le Dr Lecendreux. Par ailleurs, la prise de méthylphénidate per os ne provoque pas d'addiction. Certes, le mésusage est possible : ce traitement peut être injecté comme drogue par les toxicomanes. « L'injection du méthylphénidate accélère son accès au cerveau et peut le rend addictif comme l’ont très bien montré les travaux de Nora Volkov. Toutefois, il est très peu utilisé à usage récréatif car il n'est pas euphorisant, il a plutôt tendance à déprimer l'humeur », explique le Dr Lecendreux.

Les facultés de pharmacie devraient davantage enseigner les psychostimulants. « Les officinaux ne sont pas à l'aise avec la délivrance de tels produits. De fait, le méthylphénidate est aujourd'hui classé comme stupéfiant alors qu’il n’en exerce pas les effets. Sa cinétique et son effet pharmacologique sont éloignés des stupéfiants. La prescription du méthylphénidate est limitée à 28 jours. Il faut éviter la désinformation sur ce médicament et former davantage les pharmaciens à sa délivrance. Le méthylphénidate, utilisé à bon escient, permet aux patients de résoudre une grande partie des difficultés liées au TDAH et d’entrevoir une évolution satisfaisante dans la majorité des cas », conclut le Dr Lecendreux.

 

 

Hélia Hakimi-Prévot

Source : Le Quotidien du Pharmacien