On ne l’avait pas suspecté jusque-là, pourtant comme le cerveau, la muqueuse intestinale ou les organes génitaux, le tissu adipeux est un réservoir du VIH. C’est le seul ubiquitaire et l’un des plus importants, représentant 15 à 20 % du poids corporel total. « Le tissu adipeux n’est pas qu’un simple organe métabolique et endocrine de stockage des lipides », indique l’équipe Université Paris Sud/CEA/INSERM/APHP dirigée par Christine Bourgeois et Olivier Lambotte dans une étude publiée dans « Plos Pathogens ».
Les chercheurs apportent la preuve que ce tissu à forte activité immunitaire abrite en son sein le VIH et qu’il est capable de le reproduire lors de réactivation. Mais aussi, et c’est unique par rapport aux autres réservoirs connus, il participe à l’état de grande inflammation générale liée au VIH.
L’équipe pluridisciplinaire, qui est le fruit d’une collaboration entre virologues, immunologistes et spécialistes du métabolisme, apporte ici une démonstration formelle, le rôle de réservoir est confirmé. « Dans un premier temps, nous avons prouvé que les cellules immunitaires présentes dans le tissu adipeux, - des macrophages et des cellules CD4 -, étaient infectées par le VIH dans du tissu adipeux de sujets séropositifs, explique Christine Bourgeois. Et le "petit plus", c’est d’avoir dans un deuxième temps fait une expérience de réactivation in vitro, la présence du virus n’est pas que passive. Les cellules poussées à l’activation ont relargué du virus, elles sont donc capables de reproduire du virus, le virus est bien au bon endroit dans la machinerie cellulaire. »
Graisse et inflammation, une relation dangereuse
Les liens entre tissu graisseux et infection VIH n’étaient pas très clairs. Les lipodystrophies des premiers antirétroviraux ont brouillé les pistes, en compliquant la mise en évidence d’un effet lié au tissu graisseux lui-même. Les chercheurs sont partis du fait qu’il existe un fort degré d’inflammation chez les sujets obèses et qu’une activité immunitaire a été décrite dans la graisse. « Quelques données suggéraient que les macaques obèses infectés par le SIV, l’équivalent simien du VIH, étaient plus susceptibles de développer un SIDA, explique-t-elle. Mais l’hypothèse avancée était que la grande inflammation liée à l’obésité est délétère et accélère la progression de l’infection ».
Tous les tissus graisseux ne sont pas identiques, « selon les localisations en particulier », indique Christine Bourgeois. « Nous avons travaillé sur 2 types de tissus adipeux, du sous-cutané et du viscéral. Alors que seul le viscéral aurait pu être infecté par proximité et par diffusion, les observations sont sensiblement les mêmes dans les deux tissus. C’est très intéressant, cela va dans le sans que c’est bien l’ensemble du tissu adipeux qui est concerné », poursuit la chercheuse.
Ces résultats ont des implications thérapeutiques importantes. En ciblant la graisse, il serait possible de baisser la charge virale et de diminuer l’inflammation générale. « Contrairement au cerveau par exemple, le tissu graisseux est potentiellement facile à moduler et accessible aux traitements », indique-t-elle. Prochaine étape, « il faut s’assurer de la bonne disponibilité des antirétroviraux (ARV). On a actuellement aucune donnée sur la diffusion dans le tissu adipeux. Ce n’est pas parce que les molécules sont lipophiles qu’a priori c’est tout bon. Ces molécules pourraient très bien aller dans les adipocytes en priorité et non dans les CD4. C’est à vérifier. Pour bien faire, il faudrait dans la combinaison au moins un ARV adapté à la graisse sur les 3 ». Ces résultats remettent aussi au goût du jour l’intérêt pour les statines. « Leur action n’était pas bien comprise. Ce pourrait en régulant l’activité métabolique, qu’elles exercent indirectement un rôle immunitaire. Cela ouvre une piste nouvelle ».
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