Alors que l’incidence du cancer colorectal a tendance à se stabiliser, voire à diminuer chez les plus de 50 ans, notamment en raison des programmes de dépistage, le nombre de cancers augmente chez les moins de 50 ans, et en particulier chez les 20-29 ans. Deux études publiées récemment dans « Gut » et « The Lancet » en attestent. Ce phénomène avait déjà été mis en évidence aux États-Unis, au Canada et en Australie notamment.
La première étude, publiée dans « Gut », porte sur des registres de 20 pays européens (Allemagne, Belgique, Danemark, Espagne, Finlande, France, Groenland, Irlande, Islande, Italie, Lettonie, Norvège, Pays-Bas, Pologne, Portugal, République Tchèque, Royaume-Uni, Slovénie, Suède et Suisse). « Cette étude est la première à donner un aperçu des taux d’incidence et de mortalité par cancer colorectal chez les jeunes adultes en Europe », indiquent les auteurs. Sur un ensemble de 143,7 millions de personnes âgées de 20 à 49 ans, le pourcentage ayant eu un diagnostic de cancer colorectal est de 0,13 %.
Une hétérogénéité entre pays
L’incidence du cancer colorectal a augmenté de 7,9 % par an chez les 20-29 ans entre 2004 et 2016, de 4,9 % chez les 30-39 ans entre 2005 et 2016 et de 1,6 % chez les 40-49 ans entre 2004 et 2016.
Néanmoins, cette étude témoigne de l’hétérogénéité entre les pays. L’incidence a augmenté chez les 20-29 ans dans 12 pays (Allemagne, Belgique, Danemark, Finlande, France, Irlande, Norvège, Pays-Bas, Pologne, République Tchèque, Royaume-Uni et Suède). L’Italie est le seul pays pour lequel une baisse de l’incidence a été constatée. Pour les 7 autres, elle est restée stable.
Des différences ont par ailleurs été observées entre cancers du côlon et du rectum : l’augmentation de l’incidence est plus importante pour le cancer du côlon. Par exemple, pour les 20-29 ans, l’incidence du cancer du côlon a augmenté de 9,3 % par an entre 2005 et 2016 quand l’incidence du cancer du rectum a augmenté de 3,5 %.
La mortalité a également été étudiée pour 13 pays : si elle a diminué de 1,1 % par an entre 1990 et 2016 chez les 30-39 ans et de 2,4 % par an entre 1990 et 2009 chez les
40-49 ans, elle n’a pas changé chez les plus jeunes.
Baisse chez les plus de 50 ans
La seconde étude, publiée dans « The Lancet », s’est intéressée à l’incidence du cancer colorectal de sept pays à haut revenu : Australie, Canada, Danemark, Norvège, Nouvelle-Zélande, Irlande et Royaume-Uni. Les données issues de 21 registres ont été étudiées. Au cours des 5 dernières années de suivi pour lesquelles des données étaient disponibles, 402 376 patients avaient reçu un diagnostic de cancer colorectal.
L’incidence globale du cancer colorectal est à la baisse ou à la stabilisation dans tous les pays. Toutefois, chez les moins de 50 ans, la tendance est à la hausse entre 2004 et 2014. L’incidence du cancer du côlon a augmenté de 3,1 % par an au Danemark, de 2,9 % en Nouvelle-Zélande et en Australie, et de 1,8 % au Royaume-Uni. Une augmentation de l’incidence a également été observée pour le cancer du rectum : 3,4 % pour le Canada, 2,6 % pour l’Australie et 1,4 % au Royaume-Uni. Sur la même période, l’incidence du cancer colorectal a diminué dans plusieurs pays chez les 50-74 ans.
Plusieurs facteurs possibles
S’il s’agit d’études observationnelles ne permettant pas d’identifier les causes de ce phénomène, les auteurs des deux études évoquent plusieurs facteurs de risque pouvant l’expliquer : surpoids et obésité, manque d’activité, consommation d’alcool et de viandes rouges et transformées, tabagisme, alimentation trop riche en graisses, pollution…
« Il est nécessaire de mener des études pour déterminer les causes sous-jacentes et identifier les stratégies potentielles de prévention et de détection précoce », estiment les auteurs de la seconde étude.
Cette tendance chez les plus jeunes amène à réfléchir à la pertinence de la tranche d’âge pour laquelle le dépistage est recommandé (50-74 ans dans plusieurs pays dont la France). Aux États-Unis, l’American Cancer Society préconise d’ores et déjà de recommander de dépister le cancer colorectal dès 45 ans au lieu de 50 ans.
Pour les auteurs de « Gut », « une augmentation continue de l’incidence nécessitera de baisser l’âge pour commencer le dépistage », mais à l’heure actuelle, « les résultats de notre étude ne fournissent aucun argument pour commencer le dépistage à l’âge de 45 ans en Europe », estiment-ils. Parmi les raisons évoquées : la forte augmentation de l’incidence concerne les plus jeunes et le nombre de patients concernés reste encore faible.
Avant d’envisager son extension, le dépistage gagnerait déjà à être mieux pratiqué. En France, le taux de participation était de 33,5 % sur la période 2016-2017 selon Santé publique France.
(1) F. E. Vuik et al., Gut, doi: 10.1136/gutjnl-2018-317592, 2019.
(2) M. Araghi M et al., Lancet Gastroenterol Hepatol, doi: 10.1016/S2468-1253(19)30147-5, 2019.
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