« Nous avons découvert que, en complément de l’érythropoïétine (EPO), il existe une autre hormone – la vasopressine (AVP) – exerçant un effet significatif sur la moelle osseuse pour produire et libérer les globules rouges. Le résultat surprenant est qu’elle est capable d’élever le nombre de globules rouges circulants bien plus rapidement que l’EPO », explique au « Quotidien » le Dr Éva Mezey, directrice de la Section des cellules souches adultes à l’Institut national américain de recherche dentaire et craniofaciale (NIDCR/NIH, Bethesda, États-Unis), qui a dirigé l’étude publiée dans la revue « Science Translational Medicine ».
En réponse à une hémorragie, la vasopressine (AVP), également appelée hormone antidiurétique (ADH), est libérée dans la circulation sanguine par le système hypothalamo-hypophysaire et cette hormone stimule alors la rétention d’eau par les reins afin de restaurer l’équilibre hydrique ; elle aide aussi à arrêter le saignement en libérant le facteur Willebrand à partir des cellules endothéliales.Par ailleurs, l’érythropoïétine (EPO), une hormone sécrétée par le rein, stimule la prolifération des progéniteurs érythroïdes et augmente ainsi la production des globules rouges dans le sang afin de compenser leur perte, avec toutefois un temps de latence de 3 à 5 jours.
Diabète insipide central
En étudiant des patients déficients en AVP et souffrant donc de diabète insipide central (DIC), ainsi que des modèles murins, l’équipe de Mayer, Mezey et coll. ont maintenant démontré que la vasopressine (AVP) agit de concert avec l’érythropoïétine (EPO), mais plus rapidement et de façon indépendante. Ainsi l’équipe a d’abord constaté qu’un grand nombre de patients affectés de DIC (déficients en AVP) sont anémiques (60 % de 92 patients DIC dans une base de données du NIH). Lorsque des rats sont soumis à une irradiation, ceux déficients en AVP (rats Brattleboro) montrent une reconstitution plus tardive des globules rouges comparés aux rats témoins.Chez les souris développant une anémie (induite par hémorragie, irradiation ou destruction accrue des globules rouges sanguins), la perfusion d’AVP provoque une hausse rapide des réticulocytes et du nombre de globules rouges dans le sang, indépendamment de l’EPO. « Nous avons constaté que l’hématocrite (le pourcentage de globules rouges dans le plasma) s’élève dans les 6 heures suivant la perfusion d’AVP et cette élévation devient significative à 12 heures - comparé à l’EPO qui prend 3 à 4 jours », précise le Dr Mezey.
Dépôt d'un brevet
Cet effet est médié par le récepteur AVPR1B (sur les cellules humaines et murines), alors que l’AVP stimule la rétention d’eau par le rein via le récepteur AVPR2.« Si l’on développait un médicament ciblant spécifiquement le récepteur AVPR1B, il pourrait être utile pour induire rapidement la production de globules rouges dans l’anémie sévère due à une chimiothérapie, une toxicité médicamenteuse, ou un saignement aigu, sans affecter l’équilibre de l’eau qui est médié par le récepteur AVPR2. Il pourrait être utile en attendant que l’érythropoïétine agisse », laisse entrevoir le Dr Mezey. L’équipe a déjà breveté la découverte.Lorsqu’un tel agoniste AVPR1B sera développé, au mieux dans un à deux ans, les essais cliniques pourront débuter afin d’évaluer l’innocuité, puis l’efficacité. « Les patients devenus anémiques à la suite d’une chirurgie hypophysaire pourraient offrir un bon groupe à cibler en premier », estime la chercheuse.Son prochain objectif, explorer les interactions entre l’AVP et l’EPO et évaluer l’utilité d’une combinaison médicamenteuse.Actuellement, les agents stimulant l’érythropoïétine sont les seuls médicaments disponibles pour stimuler l’érythropoïèse et donc traiter l’anémie, mais ils sont parfois inefficaces ou associés à des effets indésirables.
Science Translational Medicine, 29 novembre 2017, Balazs Mayer et coll.
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