La pandémie a entraîné la mise en œuvre rapide de nombreux projets de recherche thérapeutique reposant soit sur le repositionnement de molécules anciennes soit sur des molécules innovantes.
Dans ce contexte, une centaine d’essais cliniques ont été autorisés en France depuis mars 2020, certains distingués par le label « Priorité nationale de recherche » (PNR). Petit panorama de quelques molécules qui font ou ont fait parler d’elles…
Anti-inflammatoires et anticytokines
Le tocilizumab (Roactemra) est un anticorps (Ac) monoclonal humanisé recombinant dirigé contre les récepteurs de l'interleukine-6 (IL-6), une cytokine pro-inflammatoire. Indiqué pour traiter diverses maladies inflammatoires auto-immunes (arthrite, etc.), il donne des résultats contrastés sur l’« orage cytokinique » caractérisant les formes sévères de Covid. En France, le Haut Conseil de la santé publique (HCSP) limite son éventuel usage à des situations ciblées.
L’essai sur le sarilumab (Kevzara, indiqué dans le traitement de la polyarthrite rhumatoïde), analogue du tocilizumab, a été arrêté faute de résultats probants. De même, les espoirs fondés sur l’anakinra (Kineret), un antagoniste des récepteurs des IL 1α et 1β, ont été déçus : une surmortalité a fait suspendre les inclusions.
Deux essais labellisés PNR attirent l’attention : ils portent sur le nangibotide et l’ABX464. Une étude de phase IIa est en cours pour le nangibotide (Laboratoire Inotrem) administré à des patients atteints de formes sévères du Covid. Cette molécule, initialement testée contre le choc septique, inhibe la voie de signalisation TREM-1 pro- inflammatoire et surexprimée dans les formes sévères de Covid-19. La société Abivax mène un essai (MiR-AGE) sur l’ABX464, une molécule prometteuse dans divers domaines thérapeutiques. Administré par voie orale durant un mois, cet anti-inflammatoire prévient et traite l'« orage cytokinique » et l'hyper-inflammation conduisant au syndrome de détresse respiratoire aiguë et a aussi une action de régénération tissulaire. Les résultats sont attendus d’ici à deux mois.
Soulignons ici bien sûr l’intérêt de l’essai CoViTrial (Angers) : labellisé PNR, il repose sur l'administration d'une forte dose de vitamine D, une hormone stéroïdienne régulant la production de différentes protéines anti-inflammatoires et antimicrobiennes et jouant un rôle inhibiteur sur le système rénine-angiotensine (le récepteur ACE2 est la porte d'entrée du virus dans l’organisme)*.
Enfin, des perfusions de cellules souches mésenchymateuses dérivées du cordon ombilical, puis cultivées, réduisent le nombre de décès ainsi que le temps de récupération des patients atteints des formes graves, avec environ 90 % de guérison des formes sévères de l’infection. Ces cellules régularisent les réactions immunologiques et inflammatoires. Leur administration par perfusion IV n’entraîne aucun effet iatrogène significatif.
Antiviraux
Le remdésivir (Veklury) est un antiviral de repositionnement utilisé par voie IV a obtenu en juillet 2020 une AMM européenne conditionnelle pour le traitement du Covid chez le patient ayant une pneumonie et sous oxygénothérapie. En France, l’usage de cette spécialité au titre du post-ATU a été arrêté en octobre, après que l’OMS eût publié les résultats d’une analyse intermédiaire de l’essai international SOLIDARITY portant sur quatre antiviraux repositionnés : hydroxychloroquine, lopinavir/ritonavir, remdésivir, interféron-bêta1a (éventuellement associé au lopinavir/ritonavir) vs soins courants. Aucun de ces médicaments n'a réduit significativement la mortalité des formes sévères de Covid-19, l'instauration de la ventilation ou la durée d'hospitalisation par rapport aux soins standards.
Prescrite comme antiparasitaire depuis plus de trente ans, l’ivermectine a un temps fait figure d’excellent candidat au titre d’anti-coronavirus puisqu’une étude australienne publiée en avril dernier rapportait qu’in vitro la charge virale de cellules infectées par le SARS-CoV-2 et traitées par cette molécule était réduite d’un facteur 5 000 fois en 48 heures ! L’enthousiasme fut bref car ces résultats étaient obtenus avec des taux d’ivermectine 35 fois supérieurs à la limite admissible chez l’homme. Les études cliniques réalisées ensuite, avec des concentrations usuelles, se sont révélées peu concluantes - mais d’autres essais sont en cours.
Le molnupiravir (Laboratoire Merck), un dérivé nucléosidique actif contre les virus à ARN et initialement conçu pour soigner la grippe, réduit le risque de développer une forme grave de Covid, empêche la transmission du virus et diminue la durée de la phase infectieuse. Des essais cliniques de phase II/III sont en cours sur des sujets hospitalisés, leurs résultats étant attendus en mai. Toutefois, l’emploi de cette molécule pourrait trouver ses limites, car elle est connue comme mutagène.
L'Institut Pasteur de Lille travaille sur le clofoctol, un antibiotique oral commercialisé en France jusqu’en 2005 (Octofène) pour traiter les infections respiratoires bénignes. Si l’efficacité clinique de ce virucide qui cible les deux portes d’entrée du virus dans les cellules est confirmée, il pourrait être commercialisé rapidement avec un double effet : pris dès les premiers signes de l’infection, il réduit la charge virale et limite la contagion et, pris plus tard, il réduit le risque de développer une forme sévère de Covid-19.
Anticorps poly- et monoclonaux
L’immunothérapie passive apporte rapidement au patient infecté des anticorps (Ac) qui persistent quelques semaines environ dans son organisme et limitent la sévérité de l’infection. En France, le recours au plasma de patients convalescents est autorisé par l’ANSM dans le cadre d’une ATU pour les patients ne pouvant être inclus dans des essais : cette stratégie semble avoir sa pertinence chez les sujets présentant un déficit inné ou acquis en lymphocytes B mais ses bénéfices sont surtout significatifs si la maladie est peu sévère et elle n’a qu’une efficacité limitée en regard d’une mise en œuvre complexe. L’Argentine a autorisé un sérum à base d’Ac polyclonaux équins produits en injectant à des chevaux une protéine du SARS-CoV-2, inoffensive pour eux mais qui suscite la production massive d'Ac neutralisants. En France, le Laboratoire Xenothera a conçu un traitement par un cocktail d’Ac polyclonaux protecteurs mimant la réponse humaine contre les infections à SARS-CoV-2 : labellisé PNR, le Xav-19 est en phase de test (essai Polycor).
Les traitements à base d'Ac monoclonaux sont constitués d’Ac anti-SARS-CoV-2 de patients ayant eu le Covid, synthétisés en quantité par génie génétique puis injectés à des sujets nouvellement infectés pour limiter la réplication virale. Conçu par la biotech américaine éponyme en association avec le Laboratoire Roche, le Regeneron associe deux Ac (casirivimab, imdévimab), des IgG1 recombinantes ciblant la protéine S du virus. Analogue aux précédents AC, le bamlanivimab (LY-CoV555) de Lilly s’administre en perfusion IV unique de 700 mg administrée dès que possible après un test viral positif et dans les 10 jours suivant l'apparition des symptômes. La FDA a octroyé à ces deux médicaments une AMM conditionnelle dans le traitement des formes légères à modérées du Covid avec risque élevé de forme sévère et/ou d’hospitalisation. Leur efficacité continue d’être évaluée (ex : essai Recovery) avant éventuelle autorisation définitive.
Ce parcours livre un aperçu des nombreux médicaments anti-Covid en voie de repositionnement ou en développement. Les espoirs déçus sont eux aussi nombreux. De plus, quotidiennement ou presque, des éléments nouveaux laissent espérer des réponses innovantes face à la pandémie. Pour s’en tenir à deux exemples, la découverte du rôle du cholestérol dans l’invasion virale et l’effet peut-être protecteur des hypolipémiants pourraient conduire à concevoir des anti-coronavirus reposant sur ce rationnel pharmacologique simple, et la colchicine, selon une étude canadienne, réduirait significativement le risque d’évolution vers une forme sévère de Covid.
* Sur la vitamine D, voir également notre édition du 1er décembre 2020.
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