Comment la nicotine altère-t-elle le métabolisme du glucose et augmente-t-elle, à terme, le risque de diabète de type 2 chez les fumeurs ? L’effet délétère de cette substance passe par une régulation centrale, avec boucle de rétrocontrôle liant dépendance et hyperglycémie, selon une étude de la faculté de médecine Mount Sinaï à New-York soutenue par les Instituts nationaux de la santé américains (NIH).
Dans « Nature », l’équipe coordonnée par Alexander Duncan et Paul Kenny décrit chez le rongeur (rat et souris), pour la première fois, un axe de signalisation neuronale, via le système nerveux autonome, allant du cerveau vers le pancréas (1). Tout commence dans la région habénulaire, située au-dessus du thalamus. On savait que les neurones qu’elle contient présentent des récepteurs à la nicotine et à l’actéylcholine qui, stimulés par la nicotine, entraînent une réponse aversive à cette dernière. Les chercheurs ont découvert que ces récepteurs jouent un rôle non seulement dans la dépendance, mais aussi dans l’effet pro-diabétogène de la nicotine. L’ensemble du circuit est modulé par une protéine, la TCF7L2.
Dans ce travail inédit qui a fait la une de la célèbre revue, les chercheurs sont partis d’une première découverte étonnante : un gène associé au diabète, le TCFL7L2, est également fortement exprimé dans la région habénulaire. C’était trop curieux pour n’être qu’une simple coïncidence.
Du glucagon et de l'insuline en réponse
De là, l’équipe a déroulé la pelote. Elle a injecté, dans le pancréas, un virus fluorescent rétrograde capable de remonter le long de n’importe quel neurone. Les chercheurs ont alors retrouvé le virus… dans le cerveau, y compris dans la région habénulaire.
Dès lors, une machinerie complexe a été mise au jour chez le rongeur. Lorsqu’ils sont activés par la nicotine, les récepteurs à la nicotine et à l’actéylcholine situés dans le cerveau stimulent une signalisation nerveuse allant vers le pancréas, sous la houlette de la protéine pro-diabétogène TCF7L2. Le pancréas sécrète alors du glucagon et de l’insuline, ce qui se traduit par une augmentation de la glycémie. Cette augmentation diminue alors les taux de TCF7L2 ainsi que, dans le cerveau, l’expression des récepteurs à la nicotine et à l’acétylcholine. L’effet aversif à la nicotine disparaît alors favorisant… la dépendance à la nicotine. C’est ainsi que les scientifiques donnent une explication au fait que les patients diabétiques tabagiques ont davantage de mal à arrêter de fumer que les patients non diabétiques.
Mais le rôle de TCF7L2 est à double tranchant. Comme les chercheurs l’ont démontré chez des souris mutées pour le gène TCF7L2 qui étaient fortement « accros » à la nicotine, l’activité normale de TCF7L2 diminue la dépendance à la nicotine mais à l’inverse freine la capacité de l’organisme à contrebalancer les effets néfastes de la nicotine sur le métabolisme du glucose. Autrement dit, la perte de fonction du gène TCF7L2 rend dépendant à la nicotine mais protège de l’émergence d’un diabète !
Ces résultats restent à confirmer chez l’homme. Si tel est le cas, cela suggèrera que les variants du gène TCF7L2 peuvent influencer à la fois le risque d’addiction à la cigarette et le développement d’un diabète de type 2 associé au tabac. Pour Paul Kenny, auteur senior : « Nos résultats pourront aider à guider la recherche vers de nouveaux médicaments antitabac et aussi suggèrent qu’un circuit particulier dans le cerveau pourrait être ciblé pour traiter le diabète chez les fumeurs, voire chez les non-fumeurs ».
(1) A. Duncan et al., Nature, https://doi.org/10.1038/s41586-019-1653-x, 2019.
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