L’espoir de vaccins thérapeutiques anticancer personnalisés se précise avec la communication des premiers résultats extrêmement prometteurs d’un essai clinique de phase 1 (preuve de concept) du vaccin TG4050 développé par Transgène, une biotech française dédiée à la lutte contre le cancer, installée près de Strasbourg. Cet essai est mené depuis septembre 2020 en partenariat pour la France avec l’IUCT-Oncopole (1) (Institut universitaire du cancer de Toulouse) et l’Institut Curie à Paris.
L’essai dont il s’agit concerne des cancers ORL non viro-induits (par des HPV), dits de la tête et du cou. Un autre essai de phase 1 est mené en parallèle sur un petit nombre de cancers de l’ovaire. Les cancers de la tête et du cou ainsi que ceux de l’ovaire sont l’objet d’un taux important de mutations et d’un risque élevé de rechutes.
Mobiliser et activer des lymphocytes T spécifiques
Il s’agit d’une nouvelle approche d’immunothérapie très originale basée sur la capacité des lymphocytes T, sous certaines conditions, à détruire les cellules cancéreuses.
Ainsi que le précise le Pr Maha Ayyoub, immunologiste à l’IUCT, « nous avons découvert en 1991 que, sous l’influence de mutations dont elles sont le siège, des tumeurs peuvent exprimer à leur surface des protéines mutantes antigéniques qui leur sont propres, dénommés néo-antigènes, et, plus tard, que les lymphocytes T représentent la pierre angulaire de la réponse immunitaire antitumorale, car ils sont capables de les reconnaître comme étrangères et de les distinguer des antigènes produits par les cellules normales ». Point très important, poursuit le Pr Ayyoub, « nous savons maintenant que les patients ayant une tumeur fortement infiltrée par des lymphocytes T bénéficient globalement d’une meilleure chance de survie ». Mais les lymphocytes T, et donc le système immunitaire, ne s’activent pas automatiquement car encore faut-il qu’ils perçoivent un signal de danger. C’est ce double processus – reconnaissance d’une sélection de néoantigènes spécifiques de chaque patient et signal d’alerte - que vise le vaccin thérapeutique TG4050.
Des premiers résultats très positifs
En pratique, cet essai, dont l’objectif est de démontrer que ce vaccin permet de provoquer la réponse immunitaire attendue chez le patient, a inclus en France 21 malades (cet essai qui comporte une cinquantaine de malades au total, est également réalisé à la Mayo Clinic aux États-Unis et au centre hospitalier de Liverpool en Grande-Bretagne), dont 15 à Toulouse. Les premiers patients ont été vaccinés en 2021. Il s’agissait de cancers localement avancés, T3/T4, dont on sait que les 3 premières années sont les plus à risque de rechutes. Les patients ont reçu le vaccin ou un placebo 3 à 4 mois après avoir bénéficié d’une résection complète, souvent suivie d’une radiothérapie, précise le Pr Jean-Pierre Delord (IUCT-Oncopole), coordonnateur de l’essai.
« Le vaccin utilise un vecteur viral et incorpore une trentaine de mutations de la tumeur de chaque patient sélectionnée parmi des milliers (2) grâce à un processus d’intelligence artificielle développé en partenariat avec la société NEC, géant japonais de l’informatique », détaille Hedi Ben Brahim, directeur général de Transgène.
« Les premiers résultats sont très encourageants, assure le Pr Delord. Sur la trentaine de mutations visées par patient, une dizaine en moyenne a touché au but, et parmi les 10 patients ayant reçu le vaccin, 6 bénéficiant d’un recul de suivi suffisant n’ont pas rechuté pour l’instant, tandis que les 10 du groupe contrôle ont tous rechuté. Cela avec une tolérance similaire à celle des vaccins préventifs classiques. »
Un essai clinique de phase 2 devrait être lancé cette année.
(1) L’IUCT associe l’Institut Claudius Regaud et plusieurs services du CHU de Toulouse, réunissant 1 600 professionnels de santé spécialisés en cancérologie.
(2) Les tumeurs ORL présentent parfois plus de 3 000 mutations.
D’après une conférence de presse organisée par l’UICT-Oncopole et Transgène.
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