Le suivi à dix ans de l’étude CheckMate 067 montre que près de la moitié des patients atteints d’un mélanome métastatique traités avec l’association nivolumab-ipilimumab ne connaissent pas de rechute. La double immunothérapie améliore ainsi considérablement la survie à long terme des patients répondeurs au traitement, par rapport au nivolumab seul ou à l’ipilimumab seul. L’étude, présentée au congrès de la Société européenne d’oncologie médicale (Esmo) le 15 septembre, a été publiée dans The New England Journal of Medicine. Dans la lignée des précédentes conclusions positives à 3, 5 et 6,5 ans, ces derniers résultats clôturent l’essai international CheckMate 067 qui a suivi 945 patients traités dans 137 sites de 21 pays. Ces travaux menés par une équipe de l’université Cornell, et financés notamment par le laboratoire Bristol Myers Squibb, représentent une avancée significative pour les patients atteints de ce cancer, dont le taux de survie s’élevait, en 2011, à 6,5 mois. « La survie médiane de cette population est maintenant d'un peu plus de six ans, et les personnes qui n'ont pas connu de progression du cancer à trois ans ont de fortes chances de rester en vie et de ne pas être atteintes de la maladie à dix ans », avance le Dr Jedd Wolchok, du Weill Cornell Medicine (New York) et coauteur de l’étude. Les chercheurs considèrent le traitement comme un moyen « de transformer le mélanome métastatique en une maladie gérable à long terme ».
Les personnes sans progression du cancer à trois ans ont de fortes chances de ne pas être atteintes de la maladie à dix ans
Dr Jedd Wolchok, Weill Corner Medicine
Une survie médiane de 71,9 mois
Pour rappel, les 945 patients de l’étude ont été randomisés en 1:1:1, soit pour recevoir du nivolumab associé à de l’ipilimumab suivi de nivolumab seul (n = 314), soit du nivolumab associé à un placebo (n = 316), soit de l’ipilimumab associé à un placebo (n = 315), avec une durée médiane de traitement entre 2,8 et 6,6 mois selon les groupes. Après un suivi minimum de dix ans (maximal de 128 mois), les auteurs relèvent une survie médiane de 71,9 mois pour la bithérapie, contre 36,9 mois pour le nivolumab seul et 19,9 mois pour l’ipilimumab seul. Ils retrouvent, à dix ans, 43 % de survie dans le groupe association, 37 % dans le groupe nivolumab seul et 19 % dans le groupe ipilimumab. Concernant les décès, le risque était diminué de 47 % dans le groupe bithérapie comparé à celui de l’ipilimumab seul, et de 37 % pour le groupe nivolumab seul comparé à l’ipilimumab seul. La survie médiane spécifique au mélanome était supérieure à 120 mois (non atteinte) pour l’immunothérapie en association (avec 37 % des patients en vie à la fin de l'essai), quand elle n’était que de 49,4 mois avec le nivolumab seul, et de 21,9 mois avec l’ipilimumab seul. Parmi les 61 décès survenus durant les cinq ans de suivi, 39 étaient dus au mélanome. Le suivi a confirmé l’absence de toxicité à long terme, témoignant de la sécurité du traitement, et ce, même pour les patients ayant déjà présenté un épisode toxique aigu durant le traitement.
La survie médiane est maintenant de près de six ans
Changer les protocoles de suivi de la rechute
Les données de survie montrent également que, parmi les patients en vie et sans progression à trois ans, la survie à dix ans spécifique au mélanome était de 96 % avec l’association, 97 % avec le nivolumab et 88 % avec ipilimumab. « Ces résultats suggèrent que la survie sans progression à trois ans est un marqueur supplémentaire de la survie spécifique à long terme chez les patients atteints de mélanome avancé et traités par des inhibiteurs de check-point », commentent les auteurs. Une réduction de la taille de la tumeur d’au moins 80 % semble être un autre marqueur de la survie à long terme. Aussi les auteurs pensent-ils que ces informations pourraient « aider à déterminer la fréquence appropriée de l'imagerie de surveillance chez ces patients ». À la lumière de ces résultats, les chercheurs espèrent désormais un changement dans les protocoles de soins pour les survivants du mélanome métastatique, par exemple en réduisant la fréquence des visites de suivi ou des tests.
En dépit de ces résultats engageants, l’équipe souhaite rappeler qu’environ 40 % des patients atteints d’un mélanome métastatique ne répondent pas au traitement et que la moitié d’entre eux décèdent. Des traitements émergents – associations, thérapies ciblées améliorées, vaccins personnalisés ou encore thérapie cellulaire par transfert adoptif – soulèvent de nouveaux espoirs. La trithérapie combinant anti-CTLA-4, anti-PD-1 et antigène 3 d'activation des lymphocytes (LAG3) a par exemple entraîné une survie globale à 48 mois de 72 % dans l’essai Relativity.
J. Wolchok et al., NEJM, 15 septembre 2024. DOI : 10.1056/NEJMoa2407417
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