La Commission européenne est formelle. Aucun État membre n’a atteint fin mars l'objectif de vacciner 80 % des personnes de plus de 80 ans. Selon les données du Centre européen de prévention et de contrôle des maladies (ECDC) sur lesquels elle s’appuie, 59,8 % des Français de plus de 80 ans ont reçu au moins une dose de vaccin au 6 avril. Mais l’optimisme reste de rigueur grâce à l’accélération des livraisons de vaccins. La Commission européenne estime ainsi que les 27 ont la capacité d’atteindre le seuil d’immunité collective, qu’elle a fixé à 70 %, cet été.
Mais l’accélération des livraisons se fait de manière progressive. En France, c’est le calme après la tempête… et avant l’ouragan ? Après avoir bénéficié de l’arrivage d’1,4 million de doses la semaine dernière, les professionnels de santé de ville – pharmaciens y compris – devront se satisfaire cette semaine, ainsi que la semaine prochaine, de 300 000 doses, en tout et pour tout. Ils devront mettre cette accalmie à profit pour reconstituer leurs forces car le gouvernement leur promet des mois sans répit. En tout cas dans les calendriers prévisionnels établis avec les laboratoires. Et par conséquent avec toutes les réserves d’usage.
Le gouvernement ne se dépare pas de ses certitudes : la jauge des 10 millions de Français vaccinés a été atteinte la semaine dernière et la cadence devrait être tenue à 20 millions un mois plus tard pour atteindre les 30 millions de primo-injectés à la mi-juin. Un tempo accéléré par le président de la République qui a annoncé, lors de son allocution du 31 mars, le calendrier de vaccination par classes d’âge : à partir du 16 avril pour les 60-70 ans, du 15 mai pour les 50-60 ans et du 15 juin pour les moins de 50 ans. « Nous tiendrons l’objectif que je nous ai fixé […] à savoir que d’ici à la fin de l’été, tous les Français de plus de 18 ans qui le souhaitent pourront être vaccinés », a ajouté Emmanuel Macron.
Priorité aux professionnels de ville
Comment va s’organiser cette vaccination de masse ? Sur le terrain, les lieux et les effectueurs de la vaccination Covid sont prêts. Le gouvernement a ajouté l’option des vaccinodromes en sus des centres de vaccination, maisons et pôles de santé pluridisciplinaires, centres de santé, cabinets médicaux, pharmacies d’officine et élargi les compétences vaccinales : médecins, pharmaciens, infirmiers, sages-femmes, étudiants en santé, sapeurs-pompiers, vétérinaires… peuvent désormais manier l’aiguille. Mais le mot d’ordre reste que la campagne vaccinale passe en priorité « dans la proximité par les professionnels de santé de ville », selon le ministère de la santé. Les super centres de vaccination ou « centres à grande capacité », susceptibles d’assurer « jusqu’à 2000 injections par jour » ne viendront qu’en renfort, « en subsidiarité », affirme le ministère de la Santé pour lequel « il n’est pas question de déshabiller l’un ou l’autre ». Les contingents vont donc être répartis entre les différents canaux, les vaccins à ARN messager, Pfizer/BioNTech et Moderna restant – pour l’heure – l’apanage des vaccinations collectives.
Par ailleurs, le pharmacien retrouve, tout comme le grossiste-répartiteur, son rôle pivot dans la logistique de l’approvisionnement, qui se recentre maintenant sur le circuit traditionnel et éprouvé des produits de santé. Ainsi, un décret du 2 avril paru au « Journal officiel » le lendemain autorise désormais les pharmaciens à « approvisionner en vaccins tous établissements de santé, groupements, établissements sociaux et médico-sociaux, les services départementaux d'incendie et de secours, le bataillon de marins-pompiers de Marseille et la brigade de sapeurs-pompiers de Paris, ainsi que les centres et équipes mobiles ». Pour le président de l’Union des syndicats de pharmaciens d’officine (USPO), Gilles Bonnefond, il ne fait aucun doute que cette autorisation intervient « en prévision d’une augmentation importante du nombre de vaccins livrés ».
Dans ce cadre, le pharmacien est autorisé à prélever dans le conditionnement secondaire reçu le nombre de flacons de vaccins nécessaires et à les reconditionner dans un autre conditionnement secondaire. Il doit également fournir la notice en français, le soluté de dissolution, les seringues et aiguilles et un conditionnement permettant d’assurer le transport et la conservation. En toute logique, le même décret autorise la répartition pharmaceutique à livrer l’ensemble des vaccins à la pharmacie d’officine. « Cette autorisation concerne l’ensemble des vaccins et pourrait permettre à terme d’obtenir l’injection en officine des vaccins à ARN messager et notamment Pfizer, que l’USPO demande depuis plusieurs semaines », estime Gilles Bonnefond.
Un rattrapage « lissé »
Le gouvernement l’avait annoncé, le même décret du 2 avril l’entérine : les pharmaciens sont bien autorisés à prescrire et administrer le vaccin Janssen. Celui-ci, qui ne nécessite qu’une seule injection, devrait arriver dans les officines à la fin du mois d’avril. Le ministère prévoit 206 000 doses la semaine du 29 avril et 358 000 doses celle du 5 mai. Pour un total de doses Janssen espérées à fin juin de plus de 8 millions. « Elles seront destinées en priorité aux territoires d’outre-mer et notamment aux habitants de Saint-Martin ainsi qu’aux publics en grande précarité », confirme le ministère de la Santé, se conformant pour cette seconde cible aux recommandations de la Haute autorité de Santé (HAS). Quant au vaccin Pfizer, la montée en puissance des livraisons « sera plus lissée que prévue entre avril et mai », admet le ministère de l’Économie. En clair, les pics devraient être moins saillants mais les 2 millions de doses prévues seront livrées le 1er juin et trois jours plus tard, 3 autres millions de doses seront au rendez-vous ! Un rattrapage donc qui précédera une nouvelle accélération pour atteindre plus de 40 millions de doses (en cumul) à la fin du premier semestre.
Le tableau prévisionnel des livraisons du gouvernement, réactualisé chaque semaine, n’intègre pas les vaccins qui n’ont pas encore été autorisés en Europe, les négociations des contrats étant en cours avec les laboratoires. Mercredi, la directrice de l’Agence européenne du médicament (EMA), Emer Cooke, a rappelé que trois vaccins faisaient actuellement l’objet d’une évaluation continue : Sputnik V, Curevax et Novavax. « Je n’ai pas de boule de cristal et ne peux dire lequel des trois sera le premier à franchir la ligne d’arrivée. »
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