C’est l’Ordre des pharmaciens qui a rallumé la mèche, le 30 octobre, lors de son audition devant la commission des affaires sociales du Sénat, en vue des débats sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2025. Pour combler les manques de mesures structurantes améliorant l’accès à la santé (lire page 8), l’instance a proposé d’autres dépistages à l’aide TROD qui peuvent se mettre en place à l’officine. « Il ne s’agit pas uniquement de TROD donnant des résultats biologiques, mais aussi de TROD permettant de dépister des anomalies. Là aussi, le but est de faire entrer un patient dans le système de soins », précise Alain Delgutte, représentant l’Ordre pour l’occasion.
Une idée qui trotte aussi dans la tête des sénateurs. Ils viennent d’adopter, le 13 novembre, le rapport de Jean-François Longeot (Doubs ; Union centriste) et de Bruno Rojouan (Allier ; Les Républicains) qui proposent carrément une « grande Loi pharmaciens » pour « aller vers une intensification des possibilités d'intervention » de ces professionnels de santé, dont le dépistage et l’orientation du patient. Leur « rôle charnière dans l'offre de soins mérite mieux que les ajustements paramétriques effectués par la loi Rist 2 et les dernières lois de financement de la sécurité sociale - une liste rachitique d'antibiotiques qu'ils peuvent prescrire directement après avoir effectué un TROD en cas d'angine ou de cystite, et la possibilité de renouveler trois fois de suite certaines ordonnances », ajoute le rapporteur Bruno Rojouan.
De là à réaliser des TROD pour aboutir à une prescription de médicament ? « Pourquoi pas, répond Alain Delgutte. Mais pour un TROD permettant de détecter une anomalie dans le taux de cholestérol, par exemple, il n’y a pas d’urgence. Ce sera alors une orientation du patient vers son médecin. C’est l’occasion pour lui de faire un bilan plus complet. »
Des TROD VIH déjà à l’officine
Pour Pierre-Olivier Variot, président de l’Union des syndicats de pharmaciens d’officine (USPO), étendre les compétences des pharmaciens en matière de dépistage est une évidence. « Les TROD VIH et hépatites B et C doivent sortir. Il y a des expérimentations en cours : dans le Sud par exemple. »
Depuis fin octobre, six pharmacies à Menton, Cap d'Ail et Roquebrune-Cap-Martin proposent un dépistage du VIH sans ordonnance, sans avance de frais et avec un résultat immédiat. C’est la Communauté professionnelle territoriale de santé (CPTS) de la Riviera française, conjointement avec l’Agence régionale de santé (ARS) Alpes-Maritimes, qui déploie cette initiative en officine visant à faciliter l’accès au dépistage du VIH. Trois infectiologues du Centre hospitalier universitaire de Nice ont participé au développement du protocole de l’expérimentation, qui a été validé fin octobre par l’ARS Alpes-Maritimes.
Ce dépistage, qui peut être effectué à l’initiative du patient ou proposé par le pharmacien, sera réalisé via un test sanguin par prélèvement capillaire. Un entretien avec le patient est mis en place à l’occasion de ce test. Si le test s’avère positif, le patient est accompagné vers une prise en charge par une structure adaptée. L’expérimentation est financée par la CPTS. Le pharmacien a été formé au préalable à la conduite de cet entretien. Il est rémunéré à hauteur de 12,50 euros par test réalisé. Cyril Colombani, vice-président de la CPTS de la Riviera française et président de l’USPO Alpes-Maritimes insiste sur le fait que cette expérimentation n’a pas vocation à remplacer les solutions qui existent déjà, mais bien à y « ajouter une possibilité, un nouvel accès ». Pour le pharmacien, « il s’agit autant d’un espace de parole que de dépistage ».
Et ce n’est sûrement pas fini. « Je me bats pour les TROD CRP (tests rapides d'orientation diagnostique de la protéine C-réactive) », explique encore Pierre-Olivier Variot. Ces tests permettent de différencier, après un prélèvement capillaire, une infection virale probable d’une infection bactérienne probable en fonction de niveau la concentration du biomarqueur de l’inflammation. « Ce ne serait pas comme le TROD angine avec prescription de médicaments par le pharmacien. Ce test serait lié à une ordonnance conditionnelle. Au Pays Bas, cette mesure a réduit de 40 % la consommation d’antibiotiques. Au Royaume-Uni : c’est -30 % », s’enthousiasme le président de l’USPO, qui aimerait aussi d’autres TROD en pharmacie : « la généralisation des tests capillaires d'évaluation de la glycémie, aujourd’hui réservé aux campagnes de prévention du diabète, la prise de tension artérielle et tout ce qui est biologie délocalisée. »
Un pas de plus a été franchi cette semaine lorsque les sénateurs ont adopté un amendement au PLFSS qui étend l’obligation de recours à l'ordonnance conditionnelle, liée notamment à la dispensation d’un médicament après réalisation d’un TROD, aux situations de risque de rupture de stock ou de variation saisonnière.
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