Dans une tribune parue hier dans le « Journal du dimanche », Serge Orru, président de l'Académie du climat, et Pascal Perez, économiste, P + Partners, incriminent le transport des médicaments pour son impact sur le climat. Mais pas seulement. Selon eux, il serait également responsable des pénuries de médicaments et de personnel.
Revenant sur l’organisation de l’approvisionnement en médicament du réseau officinal Serge Orru, président de l'Académie du climat et Pascal Perez, économiste chez P + Partners, remarquent qu’à rebours des autres secteurs d’activité, la pharmacie ne restreint pas son empreinte carbone. « La pharmacie est le commerce le plus carboné », dénoncent-ils. Et de souligner que le pharmacien est libre de susciter un nombre illimité de livraisons par jour, subventionnées par la Sécurité sociale. « La gratuité de la livraison incite à multiplier les fournisseurs et les commandes. » Les deux auteurs s’appuient sur les déclarations de la Chambre syndicale des grossistes répartiteurs (CSRP) « qui vante les 200 millions de kilomètres parcourus par an par ses adhérents ». Soit. Mais non contents d’omettre de mentionner la mission de service public rendue par la chaîne pharmaceutique, Serge Orru et Pascal Perez oublient également de rappeler que le médicament n’est pas un produit comme un autre.
Dans leur démarche louable de lutter contre les particules fines et les émissions de gaz à effet de serre, véritable désastre pour la planète et la santé humaine, les deux auteurs n’hésitent pas à extrapoler. Le réseau officinal, tout à ses exigences (caprices ?) d’être livré plusieurs fois par jour, se tirerait lui-même une balle dans le pied. Car les tournées intempestives, assurées par des grossistes-répartiteurs peu regardants car financés par la Sécu, seraient à l’origine des deux maux qui frappent de plein fouet l’exercice officinal : les pénuries de médicaments et de personnels. Et d’en faire la démonstration. « Plus il y a de livraisons, moins il y a de stock d’avance. Pourquoi stocker une boîte d’avance en pharmacie, si elle est livrée sans frais dans la demi-journée ? », ironisent-ils, insistant sur une absence de stock, de l’usine lointaine à la pharmacie de quartier. Selon leur analyse, cette absence de stock expose le patient « à l’absence de médicaments dès qu’un aléa survient dans la production ou dans le transport ». Une vision pour le moins réductrice qui semble ignorer la complexité de la chaîne pharmaceutique et surtout les tensions existant sur un marché mondialisé.
Abordant enfin la pénurie de personnels, les deux auteurs pèchent une nouvelle fois par angélisme. Selon eux, il suffirait de disposer de stock suffisant pour éviter les ruptures et donc par là même pour économiser des heures de travail pharmaceutique. À raison de 6 heures par semaine consacrées à rechercher les manquants « selon une étude du lobby européen des pharmacies » (!), la reconstitution de stocks suffisants permettrait de dégager « 600 pharmaciens à temps plein en France indisponibles pour assurer le suivi des patients ».
Un calcul hasardeux mais surtout qui ne répond que très partiellement au manque de personnels évalué par les syndicats de la profession à 15 000 adjoints et préparateurs.
Leur acharnement contre les pharmaciens atteint son paroxysme quand Serge Orru et Pascal Perez en appellent « à dresser un bilan de l’empreinte carbone de la fourniture des médicaments aux pharmacies par région et par métropole », ignorant visiblement que la RSE figure d'ores et déjà à la convention pharmaceutique signée il y a tout juste un an. Ils suggèrent ensuite que le Parlement crée en 2024 un malus sur la marge de gros en fonction de l’empreinte carbone de la livraison et enfin que les collectivités locales fassent pression sur les pharmaciens pour réduire le nombre de tournées en centre-ville.
Il est certes plus facile de sonner l’hallali contre un professionnel indépendant, souvent l’un des derniers à assurer une offre de santé de proximité, que de cibler une entreprise de commerce en ligne américaine. Une multinationale qui d’ailleurs n’attend qu’une seule chose, remplacer elle-même par ses multiples services ce professionnel de santé de proximité.
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