ON SAVAIT l’Union nationale des pharmacies de France (UNPF) très réservée, pour ne pas dire hostile, à la mise en place d’un honoraire de dispensation. Surtout s’il est financé par une baisse de marge. La raison ? Ce type d’honoraires « n’est pas adapté à l’officine », affirme sa présidente, Françoise Daligault. Son conseiller chargé de l’économie, Michel Caillaud explique : « Contrairement à d’autres professions de santé, la pharmacie est une entreprise soumise à des charges de fonctionnement en constante augmentation. »
La marge du réseau pour le médicament remboursable avoisine les 5,3 milliards d’euros et le total des charges dépasse les 4 milliards d’euros. Du coup, estime Michel Caillaud, prendre sur la marge pour financer un honoraire de dispensation, avec une répartition sur les officines non garantie, « représente un risque considérable pour l’entreprise officinale ». Aussi pour lui, « l’honoraire ne peut démarrer qu’en complément de la rémunération pour les nouvelles missions (accompagnement des patients sous AVK ou des patients asthmatiques) ou pour des missions de service (formation, information, éducation…). L’introduction doit être maîtrisée ».
Un euro par prescription.
Plus précisément, l’UNPF prône la création d’un honoraire entièrement lié à la prescription, couplé à une lettre clé. Il fixe son montant à 1 euro par ordonnance, dont le nombre s’élève aujourd’hui à environ 550 millions. Ce qui, selon Michel Caillaud, permettrait « d’introduire 12,5 % d’honoraires dans la marge totale de l’officine », comme la convention pharmaceutique l’envisageait pour commencer. L’avantage, à ses yeux, est que l’on ne touche pas à la marge actuelle, on ne déstabilise donc pas le réseau et on épargne les complémentaires mécontentes des modalités de mise en place de l’honoraire à la boîte d’un euro envisagées par l’assurance-maladie (« le Quotidien » du 18 novembre). Son financement ne serait en effet pas assuré par une révision de la marge dégressive lissée (MDL), mais par les remises liées aux génériques. « Nous proposons que les laboratoires de génériques versent directement à l’assurance-maladie les 550 millions d’euros au titre du financement de l’honoraire, indique Michel Caillaud. L’assurance-maladie réaffecterait l’honoraire aux pharmaciens au prorata des ordonnances traitées. » De toute façon, « si l’on n’affecte pas les 550 millions d’euros liés aux remises à un honoraire, elles disparaîtront l’année prochaine », augure Michel Caillaud.
Un honoraire pour les produits chers.
Parallèlement, l’UNPF ne dit pas « non » à un plafonnement de la troisième tranche de la marge, mais à une seule condition : la création d’un honoraire pour les produits dont le PHFT est supérieur à 2 000 euros. « Nous considérons que les produits très chers nécessitent un suivi particulier », souligne Michel Caillaud. En échange de cette rémunération, le pharmacien fournirait des informations au fabricant sur l’observance et la tolérance de son traitement. Là encore, pas de révision de la marge pour financer cet honoraire. Il serait versé par l’industrie pharmaceutique via une caisse indépendante. « En contrepartie, les industriels pourraient prouver l’efficience réelle de leur traitement et maintenir le plus longtemps possible leur financement lié à l’innovation obtenue sur ces produits à marge thérapeutique étroite, indique l’UNPF. Cela permettrait également aux autorités de santé de s’assurer que les populations cibles sont respectées, que les traitements sont bien tolérés et que leur suivi de pharmacovigilance est optimisé. » Ce dispositif serait encadré par l’ANSM, la HAS et le CEPS*. « Cette proposition aurait l’avantage d’être conforme à la convention pharmaceutique signée par l’ensemble des syndicats et l’assurance-maladie et permettrait d’introduire, de façon maîtrisée, des honoraires de dispensation », ajoute le syndicat.
L’ensemble de ces propositions, qui ont été approuvées par le bureau et le conseil d’administration de l’UNPF, ont été adressées au directeur général de l’UNCAM**, Frédéric van Roekeghem, en vue de la prochaine réunion de négociations prévue le 11 décembre. Une réunion qui ne débouchera pas sur un accord, affirme Michel Caillaud. En attendant, le responsable du dossier économique à l’UNPF demande aux pouvoirs publics de nommer un interlocuteur unique pour l’officine. « Les négociations conventionnelles n’ont aucune valeur si, du jour au lendemain, un autre acteur (CEPS, PLFSS) peut amoindrir de plusieurs millions d’euros la marge du réseau, rendant sa survie incertaine », argumente-t-il.
**Union nationale des caisses d’assurance-maladie.
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