TROP, c’est trop ! Sur les 2,5 milliards d’euros d’économies demandées à l’assurance-maladie, près de 1,5 milliard d’euros s’effectueront sur le poste Médicament. Le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2013 prévoit en effet des baisses de prix sur les princeps, les génériques et les dispositifs médicaux pour un montant total de 876 millions d’euros. Au-delà des prix, ce PLFSS envisage aussi de nouvelles mesures de maîtrise médicalisée pour une économie supplémentaire de 605 millions d’euros. « On arrose largement », lance l’économiste de la santé Jean-Jacques Zambrowski, à l’occasion de la Journée de l’économie de l’officine organisée par « le Quotidien ». Comme à l’accoutumée, le gouvernement tape larga manu sur le poste Médicament qui, pourtant, ne représente que 20 % des dépenses de l’assurance-maladie, qui, elle-même, ne correspond qu’à 40 % du budget de la Sécurité sociale. Un coup d’épée dans l’eau ? C’est ce que semble dire Jean-Jacques Zambrowski, en faisant remarquer que, malgré toutes les mesures de corrections mises en œuvre depuis plus de dix ans, le déficit de l’assurance-maladie demeure.
Un PLFSS déséquilibré.
Ce PLFSS 2013 passe également mal du côté des fabricants de génériques. « Il est déséquilibré », estime le président du GEMME, Pascal Brière, qui rappelle que 1 % de baisse de prix sur les spécialités génériques rapportent seulement 27 millions d’euros d’économies, tout comme 1 % de substitution en plus. Le vrai levier d’économies est, selon lui, la prescription dans le répertoire, où un point de plus se traduit par 88 millions d’euros d’économies supplémentaires.
Il faut maintenant convaincre les parlementaires qui examineront le texte à partir du 23 octobre. Car, en attendant, le budget de la Sécu repose bien, en partie, sur une baisse des prix et des volumes. Ce projet devrait donc enfoncer les officines encore un peu plus dans le rouge. Car déjà, cette année, le chiffre d’affaires du réseau devrait être en régression. « Il est en évolution négative depuis janvier », relève ainsi Philippe Besset, président de la commission Économie de l’officine de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF). « Je suis horrifié par ce PLFSS », indique pour sa part Gilles Bonnefond, président de l’Union des syndicats de pharmaciens d’officine (USPO), qui rappelle que la moitié des pharmacies ont aujourd’hui des difficultés de trésorerie.
Mais les officinaux ne sont pas les seuls à souffrir. Les grossistes-répartiteurs aussi tirent la langue.
« Les chiffres de septembre sont mauvais, observe Hubert Olivier, président de la Chambre syndicale de la répartition pharmaceutique (CSRP). Pour la première fois le marché, en valeur, est en baisse. » Pire, avance-t-il, « nos estimations montrent que, à partir de 2015, la répartition ne gagnera plus d’argent et ne pourra plus investir ».
Vers une rémunération mixte.
Dans ce climat morose, l’évolution de la rémunération des pharmaciens pourrait bien être la solution pour sortir l’officine de l’impasse économique dans laquelle elle se trouve. « Tous les indicateurs montrent la nécessité de passer à une rémunération mixte, affirme Philippe Gaertner, président de la FSPF. Nous sommes convaincus que le modèle économique ne peut plus être supporté par les prix et les volumes. » Autre raison d’évoluer : la construction actuelle des sources de revenus de l’officine. Selon la dernière enquête économique de la FSPF, la diminution de la rémunération sur le médicament remboursable est compensée par une forte augmentation des prestations de service. « La baisse de marge frappe tout le monde mais les perspectives de collaboration avec l’industrie sont plutôt réservées aux officines qui font de gros achats », souligne Philippe Besset. Il ajoute : « Ce sont les performances d’acheteurs plus que les performances de dispensateurs qui font la différence. »
L’analyse fait réagir Michel Caillaud, de l’Union nationale des pharmacies de France (UNPF). « Le chiffre d’affaires d’une officine ne présume en rien la qualité du service au comptoir, affirme-t-il. Cela revient à dire que les petites officines travailleraient correctement et que les grandes seraient avant tout des acheteurs. La qualité des achats fait partie aujourd’hui de l’exercice officinal. » « Il ne s’agit pas d’opposer les petites et les grandes pharmacies, rétorque Philippe Gaertner. Nous disons simplement qu’il ne faut pas que la base de l’économie repose trop sur les achats. »
Philippe Becker, expert-comptable chez Fiducial, arrive à la même conclusion. « La coopération commerciale a progressé de plus de 50 % en 2011, explique-t-il. Elle représente 1,9 % du CA, soit environ 15 à 20 % du résultat d’une officine. » D’où les risques pour le réseau si la coopération commerciale venait à être remise en cause par les pouvoirs publics. Pour lui, la mise en œuvre progressive de la nouvelle rémunération représente donc un point positif pour l’officine. « Essayez d’avancer pas à pas », conseille Philippe Becker.
Un contrat avec l’État.
De toute façon, pas question pour Gilles Bonnefond de passer à l’honoraire trop rapidement. « La perte de marge s’élève de 400 à 500 millions d’euros sur deux ans. C’est ce montant qui doit alimenter la nouvelle rémunération », propose le président de l’USPO, qui souhaite avant toute chose signer un contrat d’objectifs et de moyens avec l’État. « Les 5,5 milliards d’euros de marge actuelle doivent être maintenus sur les cinq prochaines années », insiste-t-il. Pascal Louis, président du Collectif national des groupements de pharmaciens d’officine (CNGPO), pense également que le principal frein au passage à l’honoraire est l’enveloppe que l’État voudra bien accorder à la profession. Michel Caillaud se montre, lui, particulièrement réticent face à cette évolution. « Nous étions très réservés pour signer la convention prévoyant la nouvelle rémunération, indique l’ancien président de l’UNPF. Si, comme le texte le mentionne, on transforme 25 % de la marge en honoraires de dispensation, cela représente 1,4 milliard d’euros. Or rien ne nous dit comment il va être redistribué dans le réseau, ni si cette somme sera pérenne. »
« Si on ne fait rien, nous allons perdre 500 millions d’euros sur deux ans », argumente Philippe Gaertner. Et la première étape introduisant 12,5 % d’honoraires représente 700 millions d’euros, fait remarquer le président de la FSPF, qui ne se dit pas opposé au principe d’un contrat avec l’État.
Au-delà d’un nouveau mode de rémunération, d’autres secteurs de développement peuvent être exploités. « La réserve de marge se trouve sur d’autres secteurs dans lesquels les clients veulent un produit mais aussi un conseil, comme les compléments alimentaires », estime ainsi Bernard Charles, président du centre d’études et de formation hospitalière (CEFH). Le mouvement semble déjà enclenché, car les ventes de produits de parapharmacie et de spécialités de médication officinale progressent respectivement de 5 % et de 3,6 % en 2011. « C’est un phénomène nouveau », observe Philippe Besset, qui permet même « de compenser partiellement la catastrophe ». L’OTC possède « un potentiel de croissance colossal », confirme Pascal Brossard, président de l’AFIPA*. Et qui peut également rapporter gros à l’assurance-maladie. Selon Pascal Brossard, le délistage de 29 molécules déjà en vente libre dans d’autres pays permettrait d’économiser environ 680 millions d’euros.
Une synthèse complète des travaux de la 13e Journée de l’économie sera publiée dans un dossier spécial du « Quotidien » le 29 octobre.
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