Cela n'aura échappé à aucun pharmacien, de très nombreux produits ont vu leur prix augmenter considérablement ces dernières semaines. Dans des proportions qui vont souvent bien au-delà de la seule inflation…
Une augmentation de plus de 90 % pour les couches de la marque Pampers (entre janvier 2020 et juillet 2022), une hausse de près de 70 % pour le complément alimentaire Bion3, des tarifs de 10 à 30 % supérieurs pour plusieurs marques de laits infantiles, + 9,7 % pour le dentifrice Fluocaril, le prix de certaines références comme l'Actisoufre ou le Coquelusédal également en hausse (respectivement + 12,8 % et + 6,8 %) … Ces chiffres, tirés d'un comparatif effectué par le journal « Le Parisien », confirment un sentiment partagé par de nombreux pharmaciens. Cet été il n'y a pas que la température qui augmente. Selon l'INSEE, la hausse générale des prix à la consommation a atteint 6,1 % en juillet. Les augmentations de prix constatés en pharmacie vont donc souvent au-delà de l'inflation moyenne. « Ce sont des hausses significatives, qui concernent tous les secteurs, confirme Laurent Filoche, président de l'Union des groupements de pharmaciens d'officine (UDGPO). « Surtout, elles interviennent en cours d'année. Elles remettent donc en cause les contrats commerciaux qui ont été passés avec les fabricants. Nous négocions jusqu'au mois de février et ensuite les prix ne doivent théoriquement pas bouger. Là, ces hausses, qui font suite à de premières augmentations en début d'année, tombent en juillet-août. Nos interlocuteurs du côté des fabricants sont absents à cette période de l'année et nous n'avons donc personne à qui parler. Cela va donc nous amener jusqu'au mois de septembre, époque à laquelle nous devons commencer à nous tourner vers les négociations pour 2023 », explique Laurent Filoche.
Pour justifier ces hausses de prix, les fabricants mettent bien sûr en avant la guerre en Ukraine et l'augmentation du coût des matières premières. « Certes ces problèmes existent mais le phénomène est très largement amplifié, estime Laurent Filoche. Si l'on prend l'exemple de l'Actisoufre, l'une des raisons évoquées pour justifier la hausse, c'est l'augmentation du prix du carton pour l'emballage. Je ne suis pas certain que cela pèse très lourd sur le coût de revient », analyse le président de l'UDGPO, qui évoque davantage un « effet d'aubaine », auquel auraient succombé de nombreux fabricants. « Beaucoup l'ont fait donc d'autres ont suivi ensuite. En augmentant leurs marges, les fabricants perdront en volume de vente. À mon niveau, je constate déjà des changements en matière d'habitude de consommation. De plus en plus de clients renoncent aux produits premium pour des références de qualité inférieure. En agissant ainsi, les fabricants mènent une politique dangereuse qui répond à une logique court-termiste », analyse-t-il.
Président de l'Union des syndicats de pharmaciens d'officine (USPO), Pierre-Olivier Variot a lui aussi reçu de nombreux mails de fabricants annonçant des hausses de prix sur plusieurs références non remboursables. « Quand je vois que le prix de certaines marques de couches augmente de près de 100 %, cela m'interpelle. Ce que j'attends, c'est que les pouvoirs publics investiguent pour savoir si ces hausses sont justifiées ou non. Personnellement, je n'ai aucun moyen de vérifier seul si le prix d'un produit a augmenté parce que le coût des matières premières utilisées est réellement en hausse par exemple. Lorsque je pose la question aux fabricants je n'ai pas toujours de réponse. En revanche si c'est la DGCCRF qui s'en charge, les fabricants devront se justifier », argumente-t-il.
Alors que les grandes et moyennes surfaces « participent au mouvement inflationniste », dénonce Laurent Filoche, citant un récent rapport du Sénat, les pharmaciens tentent, selon lui, de limiter l'impact sur le consommateur, au détriment de leurs marges. « On essaie de contrer ce phénomène mais on ne peut pas faire de miracles, nous ne sommes pas magiciens ». L'enjeu est de taille pour les pharmaciens qui risquent, de surcroît, de subir de nouvelles attaques sur les médicaments remboursables dans le prochain PLFSS. « Ces augmentations de prix, qui touchent là des références non remboursables, contraignent les pharmaciens qui ne veulent pas les répercuter sur le consommateur à rogner considérablement leur marge », veut également rappeler Pierre-Olivier Variot.
Laurent Filoche, lui, prévient d'ores et déjà, les prochaines négociations avec les fabricants sur les prix qui seront appliqués en 2023 s'annoncent « serrées ». « On demandera des garde-fous, on ne se fera pas avoir deux fois », promet le président de l'UDGPO.
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