LES MOIS se suivent et se ressemblent. En avril, la rémunération du réseau est de nouveau en recul (« le Quotidien » du 4 juin). La faute aux baisses de prix massives qui se sont succédé entre la fin de 2014 et le début de l’année 2015. Des modifications tarifaires dont il n’avait pas été question lors des négociations pour la nouvelle rémunération. Du coup, les honoraires n’amortissent que partiellement ces baisses de prix. La situation ne devrait pas s’améliorer dans l’immédiat. Selon Philippe Besset, vice-président de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF), le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2016 qui se profile à l’horizon devrait une nouvelle fois faire porter l’essentiel de l’effort d’économies sur le poste Médicament et l’officine. Dès lors, la profession cherche des solutions pour sortir la tête de l’eau.
• Une nouvelle ROSP pour 2016
C’est dans ce contexte que les syndicats d’officinaux ont poursuivi mercredi dernier leurs discussions sur de nouvelles règles pour 2016 encadrant la rémunération sur objectif de santé publique (ROSP) liée à la substitution générique. Pourquoi cette négo ? Parce qu’il paraissait nécessaire de revoir le mode de calcul de la ROSP générique qui se fonde sur les objectifs de substitution de 2011, comme l’avait pointé la Cour des comptes. Mais pour Philippe Besset, cette négociation ne doit pas être isolée d’autres discussions ou décisions concernant l’économie de l’officine. « Si l’on nous annonce de nouvelles baisses de prix ou si les résultats de l’observatoire sur la rémunération ne sont pas bons pour nous, il faudra apporter des corrections, explique le vice-président de la FSPF. Et cela pourra se faire via la ROSP pour 2016. » D’ailleurs, les deux parties ont fixé comme date butoir à leurs discussions septembre, mois au cours duquel l’observatoire sur l’évolution du mode de rémunération doit également rendre ses conclusions. Une façon de lier l’un à l’autre. Quoi qu’il en soit, indique Philippe Besset, « nous sommes d’accord sur le fait que le nouveau mode de calcul de la ROSP ne doit pas faire perdre les pharmaciens, mais plutôt gagner ». Dans ce cadre, la FSPF a demandé que soit prise en compte les effets du « non-substituable » dans le calcul de la ROSP, car « nos objectifs ne peuvent pas reposer sur un paramètre que l’on ne maîtrise pas ».
« La pression est forte sur le médicament et on ne peut imaginer la moindre amputation de notre ROSP générique », prévient d’ores et déjà Gilles Bonnefond. Le président de l’Union des syndicats de pharmaciens d’officine (USPO) souhaite que cette négociation porte également sur d’autres ROSP, et pourquoi pas sur la rémunération du pharmacien dans son ensemble. « Pour l’instant, c’est ouvert », indique Gilles Bonnefond, qui compte donc sur ces discussions pour remettre en question l’honoraire « qui montre qu’il n’est pas adapté ni à l’évolution du marché ni à celle du métier de pharmacien ». « Il faut rebattre les cartes », affirme-t-il.
• Des bonnes pratiques indemnisées
Autre piste pour corriger l’économie en berne des officines : la mise en œuvre des bonnes pratiques de dispensation. Après l’annulation par le Conseil d’État de l’arrêté encadrant le commerce en ligne de médicaments, le gouvernement avait décidé de prendre rapidement les dispositions législatives nécessaires pour reprendre la main. Tout devrait donc rentrer dans l’ordre une fois la loi de modernisation de la santé promulguée, ce qui devrait intervenir à la fin de l’année. En attendant, les pouvoirs publics ne perdent pas de temps et cherchent à rédiger avec les pharmaciens un nouvel arrêté de bonnes pratiques de dispensation. Celui-ci ne concernera pas seulement les ventes sur la Toile, mais aussi celles effectuées au comptoir, que les médicaments soient prescrits ou non. « Nous sommes d’accord avec les orientations envisagées, notamment sur la qualité ou les nouvelles taches que devraient accomplir les officines, mais ces évolutions nous semblent insoutenables d’un point de vue financier pour la plupart des pharmacies », souligne Philippe Besset, qui chiffre à au moins 1 milliard d’euros pour le réseau la mise en place de ces bonnes pratiques. Pour le vice-président de la FSPF, il est donc indispensable que tout nouveau travail demandé à la pharmacie soit accompagné d’une rémunération. « Nous aussi nous voulons pousser les pharmacies dans le sens de la qualité, mais la qualité à un prix », insiste-t-il. C’est pourquoi la FSPF défend l’idée « d’un premier arrêté qui serait ensuite amélioré petit à petit en fonction de ce que nous pourrons négocier comme rémunération supplémentaire, en lien avec la convention pharmaceutique ». « En clair, si on nous demande d’inscrire le numéro RPPS du médecin ou de disposer de logiciels certifiés, nous devrons être rémunérés pour ça en contrepartie », précise Philippe Besset.
Pour Gilles Bonnefond, les bonnes pratiques en préparation doivent être une accroche pour aborder l’évolution du métier de pharmacien. « Je suis favorable à la remise en place du pharmacien correspondant choisi par un patient pour assurer le suivi de ses traitements, ainsi que du pharmacien référent en EHPAD », explique le président de l’USPO. Et pour lui, c’est clair, les rôles de pharmacien correspondant et de pharmacien référent doivent donner lieu à des rémunérations spécifiques.
• Une PDA financée et rémunérée
La préparation des doses à administrer (PDA) pour les patients en EHPAD* est une autre source potentielle de revenus pour l’officine. C’est en tout cas le sentiment de Jean-Luc Fournival, président de l’Union nationale des pharmacies de France (UNPF), qui vient de remettre aux parlementaires de la commission des Affaires sociales de l’Assemblée nationale un livre blanc pour encadrer la PDA dans la perspective du décret tant attendu. L’UNPF évalue la rémunération de la PDA à hauteur d’un euro par jour et par patient, soit un gain de 183 millions d’euros par an pour le réseau. L’assurance-maladie devrait y gagner au change. Selon l’UNPF, cette pratique permettrait de réaliser des économies en limitant l’excédent de délivrance de médicaments en EHPAD (42,5 millions d’euros) et en réduisant les coûts liés aux hospitalisations évitables. Pour le syndicat, la PDA ramène le taux d’erreurs de 15 % quand elle est réalisée manuellement par des infirmiers, à 0,2 % quand elle est automatisée par des pharmaciens.
Au-delà d’une rémunération spécifique, et afin de garantir cette mission sur l’ensemble du territoire, Jean-Luc Fournival propose de soutenir l’investissement des pharmaciens en étendant la mesure permettant un amortissement à 140 % des biens d’équipement aux robots et aux salles blanches. De même, selon lui, les pharmaciens devraient être autorisés à utiliser des locaux délocalisés. À suivre.
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