Lorsque l’on fait l’état des lieux de la pharmacie d’officine aujourd’hui, un sentiment prédomine : l’inquiétude. Pénuries de médicaments qui augmentent d’année en année, désaffection pour la filière chez les étudiants qui pourrait aggraver encore des problèmes de recrutement déjà bien réels, accélération des fermetures d’officines… À ce constat sombre, s’ajoutent le spectre de la financiarisation et les difficultés économiques. Selon les derniers chiffres communiqués par le cabinet d’experts-comptables CGP, la marge brute est récemment passée sous la barre des 30 %, l’EBE en valeur a chuté de 25 % et la croissance du chiffre d’affaires se tasse. Toutes les pharmacies, peu importe leur taille ou leur région, sont concernées. L’avenir des plus petites officines s’obscurcit de jour en jour en jour et leurs titulaires ont de plus en plus de mal à s’octroyer une rémunération suffisante. Autant de problématiques qui incitent naturellement à se montrer pessimistes pour le futur. Si tout cela ne suffisait pas, des rumeurs de projets de dérégulation, et donc de remise en cause du monopole pharmaceutique, bruissent depuis plusieurs semaines…
De l’optimisme sous conditions
Ce tableau, très noir, est-il cependant conforme à la réalité ? Président de l’Union des syndicats de pharmaciens d’officine (USPO), Pierre-Olivier Variot, ne nie pas que certains problèmes pénalisent énormément les pharmaciens aujourd’hui. « Nous perdons chaque semaine 12 heures à cause des ruptures, nous subissons un véritable harcèlement administratif notamment à cause des indus… Sur le plan économique, nous voyons bien que la politique qui consiste à baisser sans cesse les prix de certains médicaments ne fonctionne plus. Des réformes, comme celle du troisième cycle des études de pharmacie, tardent à venir… Sur tout cela, nous devons avancer… » demande-t-il. Apporter des solutions à ces problèmes est essentiel car, comme le rappelle Pierre-Olivier Variot, les pharmaciens ont, et auront, une place indispensable dans le système de santé. Un constat dont les pouvoirs publics sont parfaitement conscients selon lui. « Les déserts médicaux ne vont pas disparaître de sitôt. On nous dit que des médecins vont revenir d’ici 10 à 12 ans, le temps que la réforme du numerus clausus fasse effet, ce sera sûrement beaucoup plus long », analyse-t-il. En résumé, les autorités n’auront d’autre choix que de s’appuyer sur le pharmacien pour permettre aux patients un accès aux soins convenable. « Nous avons encore beaucoup d’évolutions à attendre, beaucoup de grandes choses à faire dans les années à venir. Concernant l’avenir de notre métier, je suis donc profondément optimiste », assure le président de l’USPO.
« On était déjà pessimiste il y a 30 ans »
Se dire « optimiste » au vu du contexte actuel de l’officine peut surprendre. Pourtant, Pierre-Olivier Variot n’est pas le seul à faire part de ce sentiment. « C’est aussi mon point de vue, confirme Sébastien Michel, vice-président du GEMME, association qui représente les industriels du générique. Le pharmacien est le seul professionnel de santé accessible sans rendez-vous et il bénéficie aujourd’hui d’une grande confiance chez les autorités comme chez les patients ». « Il y a plus de 30 ans, on entendait déjà dire que la pharmacie n’avait pas d’avenir, rappelle de son côté Laurent Filoche, président de l’Union des groupements de pharmaciens d’officine (UDGPO). Depuis, nous sommes devenus le hub de la santé de ville. Aujourd’hui, les autorités savent pertinemment qu’elles ne peuvent pas prendre le risque de perdre le maillage pharmaceutique tel qu’il existe aujourd’hui ». Délégué général de NèreS, organisme qui représente les laboratoires pharmaceutiques produisant des produits de santé et de prévention de premier recours disponibles en pharmacie sans ordonnance, Luc Besançon adresse, lui, ce conseil aux officinaux. « La pharmacie a un bel avenir. Dans les années qui viennent, la clef sera, pour chaque officine, de se positionner. Choisir dans quels domaines se perfectionner, quels services proposer en priorité. Chaque pharmacie devra se spécialiser », prédit Luc Besançon.
Permettre (enfin) au pharmacien de communiquer sur ses services
Se différencier de la concurrence tout en devant complémentaire avec les autres officines autour de soi peut donc devenir une clef de la réussite, individuelle mais aussi collective. Cependant, d’autres mesures sont indispensables si l’on veut que la pharmacie réussisse la transformation amorcée il y a déjà plusieurs années, complète Julien Chauvin, président de la commission Études et stratégie économiques de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF). « Le pharmacien s’est complètement tourné vers un rôle de professionnel de santé. Pour continuer à développer de plus en plus de missions, il faut toutefois que l’on puisse avoir un modèle économique rentable. Il faut notamment que l’on puisse rémunérer nos équipes à leur juste valeur », veut-il souligner. L’aspect économique n’est pas le seul qui doit évoluer. Président de Federgy, la chambre syndicale des groupements et enseignes de pharmacie, Alain Grollaud demande avec insistance une refonte des règles auxquelles sont soumis les pharmaciens en matière de communication. « Le métier a évolué mais encore faut-il pouvoir le faire savoir autour de nous. C’est quand même dommage de ne pas pouvoir dire que nous proposons tel ou tel service. Pour de nombreux patients, le pharmacien n’est encore là que pour traiter des ordonnances, il n’est pas encore associé dans leur esprit au dépistage ou à la vaccination », observe-t-il. Des assouplissements sur les règles en matière communication : seule une refonte du Code de déontologie pourrait le permettre. Un texte, actuellement entre les mains du Conseil d’État et dont la mise à jour est attendue depuis de longues années.
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