Après avoir consulté les autorités sanitaires (ANSM et HAS), plutôt favorables à relever le rappel vaccinal de trois à six semaines, le ministre de la Santé fait le choix de conserver l’espacement des doses tel que prévu dans l’autorisation de mise sur le marché (AMM) européenne et tel qu’évalué dans les essais cliniques.
Ce mardi en fin de matinée, le ministre de la Santé, Olivier Véran, a tranché. Le délai entre les deux doses du vaccin de Pfizer et BioNTech – à noter que le cas du vaccin de Moderna n’a pas été abordé – reste de 21 jours minimum et ne doit pas dépasser les 28 jours. Une décision qui s’appuie sur une balance entre les éléments favorables et défavorables à un décalage de la 2e dose, détaillés par le Pr Alain Fischer, président du Conseil d’orientation de la stratégie vaccinale. Les pour : la possibilité d’augmenter le nombre de personnes fragiles primovaccinées de manière conséquente d’ici à la fin mars ; la protection conférée par la première dose est active à 10-12 jours ; il n’y a pas de recrudescence d’infections chez les quelques sujets ayant reçu une 2e dose décalée ; en vaccinologie, il n’y a généralement pas d’impact en cas de rappel décalé dans le temps.
Cependant, il note que l’augmentation du nombre de personnes primovaccinées ne signifie pas une augmentation du nombre de sujets protégés et que, in fine, à fin mars-début avril, « le nombre de personnes vaccinées serait le même puisqu’il y aurait un rattrapage secondaire chez les personnes dont on a décalé la vaccination ». De plus, il souligne qu’il n’y a aucune information disponible sur l’efficacité dans la durée de la première dose. À l’exception d’une publication de chercheurs israéliens le 22 janvier dernier dans le « British Medical Journal », qui constatent que chez les plus de 60 ans, la protection contre la survenue du Covid entre deux doses serait seulement de 33 %. Le Pr Fischer ajoute que dans les essais initiaux, « il a été montré que la première dose n’induisait qu’un faible taux d’anticorps neutralisants, ce n’est qu’après la 2e injection que l’on observe une ascension nette de ce taux ». Des données qui doivent être analysées avec « prudence » parce qu’il n’y a pas, « à ce jour, de corrélation établie entre protection et titre d’anticorps neutralisants ».
En outre, dans les essais cliniques, peu de personnes ont reçu une 2e dose décalée à six semaines, ce qui ne permet pas de tirer une conclusion scientifique. De plus, les conséquences d’une administration à 42 jours sur l’intensité et la durée de la protection finalement induite sont inconnues, alors même la vaccination vise en priorité des personnes dont le système immunitaire n’est pas optimal, d’où « un risque de réponse immunitaire sous-optimale » et « peut-être » une baisse de protection face aux nouveaux variants. Enfin, même si l’espacement entre deux doses est généralement sans impact en vaccinologie, le Pr Fischer appelle à la prudence face à une maladie nouvelle, face à la connaissance limitée concernant la réponse immunitaire aux coronavirus, et face à l’utilisation de nouveaux vaccins à ARNm, « dont on sait que le temps de persistance de cet ARN vaccinant est très bref ».
Le Pr Fischer craint par ailleurs qu’un changement de calendrier vaccinal puisse « engendrer des difficultés de compréhension et de mise en œuvre » et note que, selon son expérience sur le terrain, les schémas d’administration sont déjà difficiles à respecter de manière stricte. Pour Olivier Véran, un espacement des doses signifierait aussi un risque plus grand d’oubli du rappel vaccinal et l’obligation de contacter tous les primovaccinés pour décaler le rendez-vous de ce rappel.
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