La roue tourne et il y a urgence à l’arrêter. La profession vieillit d’un trimestre tous les ans pour une moyenne d’âge de 49,9 ans chez les titulaires. Autre alerte démographique : 30 % d’entre eux ont désormais plus de soixante ans. Ces mêmes titulaires reculent de plus en plus leur départ à la retraite dans l’espoir de pouvoir recouvrer une situation économique qui leur permette de valoriser leur officine, mais aussi faute d’acquéreur. Car un troisième indicateur vient s’ajouter à ce tableau, un quart des jeunes diplômés « s’évapore » chaque année. Soit autant de repreneurs potentiels qui échappent au circuit officinal. Résultat : sur les 1 200 installations que dénombre la profession chaque année, à peine un quart émane de jeunes diplômés (1).
Ce déclin démographique de la profession n’épargne pas les groupements. Et pour cause, selon les estimations, environ 80 % des pharmacies sont aujourd’hui affiliées à un, sinon deux, voire trois groupements. C’est dire s’ils sont, eux aussi, le reflet, sinon les victimes de cette démographie en berne. Leurs effectifs témoignent d’un tassement, voire pour les groupements nationaux d’une chute du nombre d’adhérents qui a atteint sur les douze derniers mois entre 7 % et 28 %.
Les plus gros groupements semblent touchés plus durement par cette crise démographique. Les raisons semblent évidentes à Philippe Besnard, directeur général de Pharmavie, qui y voit un facteur structurel : « les groupements les plus anciens sont également ceux dont les adhérents les plus fidèles ont pu développer au fil du temps, de grosses structures moins accessibles aux primo-accédants. »
Rien d’étonnant donc à ce que ces entités historiques se soient saisies les premières du dossier de la relève. Mais les enseignes, plus récentes, sont elles aussi confrontées au défi du temps. « Elles sont placées face au double enjeu pour préserver leurs effectifs. Elles doivent, d’une part, faire preuve de dynamisme pour un recrutement proactif, et, d’autre part, maintenir les officines dans leur réseau lorsque celles-ci sont cédées », expose Laurence Bouton, directrice d’Alphega.
Cure de Jouvence obligatoire
Outre l’érosion naturelle de leurs effectifs due aux départs à la retraite, les groupements nationaux sont confrontés depuis quelques années à la montée en puissance de petits groupements régionaux. « Notre dynamique de recrutement fait que quasiment tous les nouveaux installés en Midi-Pyrénées nous ont rejoints. Le mix avec l’ancienne génération et les relations, nombreuses en raison de notre concentration, rendent les échanges très riches », décrit Laurent Filoche, président de Pharmacorp, créé il y a trois ans dans le Grand Ouest, et vice président de l’Union des groupements de pharmaciens d’officine (UDGPO). Le recrutement n’est pas toujours au cœur des préoccupations de ces entités qui cultivent, selon le slogan « small is beautiful », l’agilité et la convivialité davantage que la croissance. « Nous sommes convaincus que l’union fait la force, mais soucieux de ne pas perdre notre ADN, nous nous sommes fixé comme objectif d’être cinquante officines d’ici à 2017. Fort de cette expérience nous envisagerons de poursuivre notre développement, ou pas », décrit Vincent Duménil, président de Rhône Vallée Pharmacie, un groupement de trente pharmaciens.
L’émergence de ces structures concurrentes est une nouvelle pierre dans le jardin des groupements nationaux. Ces GIE et SRA « aspirent » en effet des acteurs locaux sensibles au discours de proximité, mais aussi des primo-accédants recrutés par cooptation. Or les groupements reconnaissent à l’unanimité que la pérennisation de leur réseau ne peut faire l’économie d’un sang neuf. Tous ces groupements, y compris ceux de moyenne envergure, savent que leur renouvellement passera par la case « jeunes ». Ils ne peuvent continuer à ignorer plus longtemps la génération montante, sous peine de rater le train de la régénérescence. « Intégrer les jeunes installés parmi ses adhérents apparaît aujourd’hui comme un axe de développement obligatoire. La passation des officines entre ces deux générations est un tournant essentiel pour l’évolution du maillage territorial officinal », expose Antony Hurault, directeur d’Aélia, entité adossée à la Cerp Bretagne Atlantique qui a rajeuni la moyenne d’âge de ses adhérents à 45 ans. Il estime que le rôle des groupements est « d’accompagner cette transition générationnelle, de la sécuriser et de la pérenniser ».
Jouer la carte jeune
Ce credo tombe à pic puisque les divers sondages, et notamment le quatrième « Grand dossier » que Giphar a consacré aux jeunes, en attestent : les jeunes diplômés ne demandent qu’à être accompagnés. « L’adhésion à un groupement représente pour eux une plus-value indéniable, sinon l’aide indispensable à leur titularisation », montrent les résultats de l’étude Giphar.
Les aspirations de cette génération montante correspondent d’ailleurs au profil idéal des futurs adhérents. Par les notions de mutualisation et de coopération qu’il incarne, le concept de groupement est en phase avec les attentes de ces jeunes qui repoussent l’exercice en solo pour plébisciter à 85,6 % l’installation en association et à 57,75 % l’installation avec un co-titulaire (2).
En mode réseau depuis leur adolescence, ils sont rodés au fonctionnement collaboratif devenu l’atavisme de toute une génération. Contrairement à ses aînées, elle ne manifeste aucune réticence face à l’enseigne qui régit depuis l’enfance ses modes de consommation. « Les jeunes poussent à passer à l’enseigne. Ils craignent moins l’ingérence et sont moins sur la défensive que leurs aînés car sur les réseaux sociaux ils sont habitués à contribuer, à partager… », constate Serge Carrier, directeur général de Pharmactiv. « De fait, les jeunes sont plus en ligne avec les concepts d’enseigne, de réseau, de franchise », résume Philippe Besnard. « Si je leur parle enseigne sous la définition de réseaux indépendants, comme celui des opticiens, cela leur parle tout de suite », renchérit Pascal Geffray, président d’Evolupharm, enseigne dont la notoriété auprès des jeunes est renforcée par une campagne médias.
Pour autant, cette génération n’est pas moins jalouse de son indépendance. Un paradoxe qui n’effraie pas les groupements. « Notre discours est lui-même basé sur la proximité et l’indépendance, alors même que nos adhérents sont impliqués dans le fonctionnement du groupement dont ils sont également actionnaires », affirme Alain Grollaud, directeur général d’Optipharm.
Établir la connection
Il ne reste donc plus qu’à dépoussiérer le concept de groupement pour séduire cette génération qui ne demande qu’à exercer son métier. La tâche est plus difficile qu’il n’y paraît. Car si la plupart des groupements cultivent désormais une démarche transgénérationnelle, gagner la confiance des jeunes relève souvent de la gageure tant la définition même du groupement reste floue pour une grande partie de cette génération, comme le souligne Nassim Mekeddem, président de l’Association nationale des étudiants en pharmacie de France (ANEPF).
Dans ce contexte, la cooptation de nouveaux adhérents par des membres du groupement apparaît comme la méthode la plus naturelle, car basée sur une relation de confiance et de proximité. Le parrainage est ainsi pratiqué par plusieurs groupements, tels Pharmodel qui développe des solutions depuis un an. Ou encore par Lafayette qui a étendu sa toile à 90 points de vente en grande partie grâce à la cooptation. Certains groupements ont même recours à l’incitation par la prime, comme Pharmavie. Tous les titulaires ne souhaitent cependant pas se transformer en chasseur de tête. Ni jouer aux prosélytes.
Omerta sur les cessions
Il semblerait que les structures émanant des répartiteurs éprouvent moins de difficulté à recruter. Elles peuvent en effet puiser à souhait « en interne », dans les fichiers de la maison mère pour identifier de potentiels adhérents. Il n’en reste pas moins qu’elles restent, elles aussi, soumises au turn over. « Nous nous en préoccupons et nous nous sommes fixé comme objectif de « récupérer » au moins la moitié des officines vendues », expose Patrick Rémond, directeur des réseaux du groupement Les Pharmaciens associés. Adossé à la coopérative Astéra, il prévoit ainsi d’augmenter ses effectifs à 500 adhérents d’ici à trois ans et à un millier d’ici à huit ans.
Les adjoints ayant des projets d’installation constituent également un vivier de prédilection. Même si les groupements nourrissent encore quelques scrupules « à dépouiller » leurs propres adhérents de leurs adjoints, comme en convient Laurence Bouton. Pour autant, l’avantage est de taille. Il est ainsi possible de capter en priorité des recrues qui connaissent les groupements de l’intérieur. « Toute notre communication se tourne vers les adjoints Giphar. Nous estimons à cinquante le nombre d’adjoints susceptibles de s’installer chaque année », déclare Lætitia Hible, présidente nationale de Giphar.
Pour tirer partie de cette pépinière, le procédé le plus simple est d’assurer la continuité à l’occasion des cessions. « Nous essayons d’identifier nos adhérents à proximité de la retraite. Nous tentons d’en parler avec eux, même si certains ne communiquent pas volontiers sur leurs projets », explique Jean-Christophe Lauzeral, directeur général de Giropharm. Les conseillers du groupement, en contact direct avec les officines quatre fois par an, identifient ces titulaires avec lesquels ils tentent d’engager le dialogue.
De manière générale, les groupements, craignant de voir les officines adhérentes leur échapper à l’issue d’une cession, anticipe sur la transaction. Avec plus ou moins de succès. Car, reconnaissent-ils, l’omerta pèse sur ces opérations. « Les titulaires font malheureusement encore plus confiance à un transactionneur qu’à leur entourage », regrette Laetita Hible. Comme elle, Philippe Besnard reconnaît que l’information a du mal à filtrer : « La démarche se voudrait systématique lorsqu’un adhérent envisage de céder son officine. Or ce projet reste encore très souvent confidentiel. » Il le déplore d’autant plus que le contrat Pharmavie invite le titulaire souhaitant céder à en informer le groupement. Un tiers seulement se prêterait au jeu.
Caution financière et morale
Ce constat a poussé plus d’un groupement à élaborer un programme de transmission et à communiquer activement sur ce dispositif auprès de ses adhérents. C’est le cas de Girotransmission, mis au point par Giropharm. « Il doit également permettre de donner de la visibilité à l’acquéreur, notamment au primo-accédant », précise Jean-Christophe Lauzeral. Au cours de ces dernières années, ces concepts d’aide et de soutien aux futurs adhérents se sont multipliés sous de multiples facettes. Dans ce mouvement, Univers Pharmacie a été l’un des premiers groupements à prendre la question de la relève à bras-le-corps en créant, en 2011, sa filiale Univers Pharmacie Développement. C’est aussi le modèle de financement le plus abouti car il fonctionne de manière autarcique au sein du groupement. Ce dernier finance « pour le compte de… », le jeune installé rembourse ultérieurement. Après avoir mis le pied à l’étrier à deux jeunes titulaires dans l’Est de la France, le modèle est à la recherche d’un second souffle, via un fonds d’investissement auquel il pourrait s’allier.
Toutefois cette initiative ne fait pas l’unanimité parmi ses concurrents. PHR refuse ainsi catégoriquement cette solution capitalistique. « Cela constituerait les préliminaires aux chaînes. Nous ne sommes pas là pour jouer au Monopoly ! », ironise Lucien Bennatan, président du groupe PHR. Plutôt que de jouer aux banquiers, certains groupements ont opté pour le rôle d’intermédiaire. « Nous organisons pour le pharmacien qui souhaite s’installer une journée au cours de laquelle nous allons voir trois ou quatre banques autour de l’officine, expose Yann Saugrain, directeur financier de Giropharm. Nous ne sommes pas une société d’investissement mais nous travaillons avec la Socorec, la banque des coopératives qui permet d’abonder au volume d’apport du candidat grâce à un prêt participatif sur sept ans. » Le jeune titulaire est exempté de remboursement pendant trois ans, le temps de prendre pied dans le métier.
Ce montage a été également retenu par trois autres groupements dans leur partenariat avec le cabinet Interfimo et LCL. « Pendant quatre ans, le jeune titulaire ne remboursera pas le capital mais uniquement les intérêts, ce qui lui permettra de se faire une trésorerie et d’avoir ensuite les reins assez solides pour rembourser », décrit Serge Carrier, notant que la notoriété du groupement sert de caution dans la transaction. « Les conditions des prêts sont tout à fait compétitives », complète Philippe Besnard. Ces solutions permettent aux groupements de pérenniser leur réseau « sans se confronter eux-mêmes à un environnement réglementaire trop contraignant », résume Lætitia Hible.
Le dispositif de Pharmavie vient en aide, quant à lui, à une dizaine de repreneurs par an, soit 10 à 15 % du volume annuel des successions. À la lueur de la loi Macron, le groupement se promet d’envisager les possibilités pour faire évoluer ce modèle dès 2016. Objectif Pharma esquisse lui aussi les contours de potentiels partenariats entre candidats à la retraite et repreneurs. Même si les conditions légales restent parfois floues, les groupements sont en tout cas plus décidés que jamais à ne pas lâcher leurs candidats. « La dureté du marché fait que le groupement et l’enseigne donnent de la crédibilité au projet d’achat », argumente Philippe Besnard.
« Drivé » pour l’officine
Il apparaît qu’un jeune passera plus facilement les différents obstacles de la reprise s’il est adossé à un groupement qui lui-même pourra fournir des informations précieuses sur la vie antérieure de l’officine. « Nous pouvons aussi nous porter garant de la solvabilité de l’adhérent au niveau des labos, effectuer des bench mark et des ratios au vu de notre expérience », ajoute Jean-Christophe Lauzeral.
Hervé Jouves, président de Lafayette, va au-delà de tous ces modèles. « L’ouverture du capital à des non-pharmaciens est, selon lui, urgente et nécessaire. Nous pensons qu’elle serait un bien pour la pharmacie et une réponse à tous ces jeunes pharmaciens qui souhaiteraient s’installer et ne le peuvent pas par manque de moyens. »
En version plus classique, la plupart des groupements rivalisent dans l’offre d’un panel de services censé allécher le primo-accédant : géomarketing, analyse des prix dans l’environnement officinal immédiat, prestations d’agencement, merchandising et, bien sûr, conseils dans le référencement et dans les commandes afin de ne pas peser sur les stocks et la trésorerie.
En amont de l’installation, les groupements multiplient les sessions de formation. Giphar organise ainsi deux séminaires par an pour les adjoints ayant un projet d’installation, soit 70 adjoints initiés à l’acquisition et au management depuis novembre 2014. Giropharm a ses « clubs d’investisseurs ». Alphega coache ses adjoints au cours du programme « Skipper ».
Parallèlement à ces offres déjà bien structurées, certains groupements rajeunissent leur approche et poussent désormais l’investigation jusque dans les facultés de pharmacie. Car il n’y a pas d’âge pour être sensible au concept de groupement. C’est en tout cas ce que pense Lucien Bennatan qui va ainsi chaque année présenter le concept de PHR à pas moins de quinze UFR de pharmacie. D’autres dirigeants de groupements retrouvent eux aussi les amphis à l’instar d’Optipharm. « Nous organisons des rencontres dans une dizaine de facultés qui permettent de mettre en relation les différentes générations autour des mutations de la profession. Ceci est, avec notre congrès annuel, le moyen d’atteindre les plus jeunes et de maintenir nos effectifs », décrit Alain Grollaud.
Et si ce filon semble aujourd’hui encore assez peu exploité, certains l’ont inscrit à leur « to do list 2016 ». C’est le cas d’Objectif Pharma. « Sachant que l’adhésion à un groupement est avant tout le résultat d’un travail de communication et de bouche à oreille, nous allons aller dans les facs pour expliquer notre projet et proposer aux étudiants de les accompagner dans leur installation », expose Jean-Pierre Dosdat, son président. De son côté, chez Lafayette, Hervé Jouves préconise des solutions plus radicales. Il serait souhaitable selon lui, que des réseaux comme le sien puissent accueillir des étudiants « afin de leur montrer une vision de la pharmacie ». Une vision « éclairée » de l’avenir de la pharmacie d’officine en France qui devrait être selon lui dispensée dès les bancs des facs « en intégrant plus de cours de management, de gestion, d’organisation ».
Séduire pour durer
Pour autant, tous ces efforts de recrutement seraient vains si les groupements ne cultivaient pas leur attractivité. « Il faut aider les jeunes à formuler leur projet d’entreprise en les encourageant aux nouvelles missions et au management de l’équipe », affirme Jean-Pierre Dosdat. Selon lui, le rôle du groupement est de soulager le titulaire de ses tâches d’achats et de gestion des stocks afin qu’il puisse se concentrer sur son métier.
Chez de nombreux groupements, la nécessité de la relève a d’ores et déjà provoqué une remise à plat des programmes et des outils proposés aux adhérents. Ces groupements ont amorcé la transition vers la pharmacie de demain. Ils sont entrés de plain-pied dans l’ère du digital, univers familier des jeunes par excellence. PHR présentera ainsi à la mi-octobre sa version de la pharmacie digitale et ses nouvelles technologies. « Il faut construire la pharmacie qui parle aux jeunes », explique Lucien Bennatan. « Les jeunes sont très réceptifs aux outils de communication et de fidélisation comme les MDD », affirme de son côté Serge Carrier. Alphega quant à elle, déploie une panoplie de e-service (prise de rendez-vous en ligne, scan d’ordonnances) et de e-commerce (click & collect, drive to store).
Cette introduction des nouvelles technologies se concrétise également dans la santé connectée. Aélia propose ainsi une interface permettant de mieux connaître le profil des patients. Optipharm multiplie les bornes interactives, Forum Santé conçoit un concept d’agencement privilégiant l’accueil, une communication client attractive « en officine, sur le Web, et via une appli mobile apportant de nombreux services ». Tandis que Pharmodel lance un nouveau concept d’enseigne en 2016, élaboré en coopération avec des adhérents.
Le groupement Les pharmaciens associés, qui envisage de moduler ses prestations afin de se rendre accessible à tous, peaufine également pour 2016 un concept store avec nouvel agencement et design du point de vente. Les groupements s’inspirent des nouvelles tendances de consommation en intégrant à leur concept des shop in shop, des click & collect ou encore en adaptant les profils de pharmacie à leur environnement. L’enseigne Pharm & You a repris à son compte, un concept développé par des enseignes de GMS, et décline quatre modèles d’officines s’inscrivant dans la ruralité, le périurbain, le centre-ville et le centre commercial.
Ces efforts de renouveau ne se limitent pas à la quête de nouveaux adhérents, ils ont également pour objectif de motiver les adhérents actuels. Les groupements, qui se considèrent comme les fers de lance de la pharmacie de demain, ont besoin de délivrer un message en adéquation avec cette ambition. En témoignent différents nouveaux contenus qui permettent aux pharmaciens de retrouver leur cœur de métier et de se préparer à ces nouvelles missions.
Giphar, qui a rebaptisé cette année son organisme de formation en Hémisphères Santé, intensifie son offre en management et en coaching d’équipe. « Nous souhaitons également offrir au pharmacien une véritable spécialisation dans la prise en charge du cancer, du tabac, de la personne âgée, ou encore de l’asthme ou du diabète », énumère Lætitia Hible. Toujours dans le souci de creuser le sillon métier, Giropharm effectue un Tour de France de l’éducation thérapeutique du patient, soit quarante heures de formation, dont 28 réalisées en présentiel.
L’ensemble de ces structures délivrent une nouvelle vision de la pharmacie tout en veillant à respecter leur ADN. Se différencier en innovant est le maître mot de ces groupements en pleine mutation. Ils ne doivent pas moins rester attractifs en matière de performance économique, comme le souligne Laurence Bouton, qui rappelle au passage que le chiffre d’affaires des pharmacies de son réseau enregistre une évolution supérieure de 1,5 point à la moyenne du marché. Pharmactiv brandit quant à lui une marge médiane dans ses pharmacies qui dépasse de 1,1 point celles de ses concurrents. Il en va de la crédibilité, et à terme de la pérennité, de chaque groupement sur un marché de plus en plus concurrentiel. C’est sans aucun doute, la nécessité de ce positionnement affirmé qui explique l’absence de concentration parmi les groupements.
Reprendre la main
Bien que maintes fois annoncée, la consolidation du réseau n’a toujours pas eu lieu. L’apparition de nouveaux concepts contredit même ces présages. Et signe à sa façon la relève des groupements eux-mêmes. « L’émergence d’enseignes autour des produits naturels et bio comme Anton & Willem, Pharm’0 Naturel ou encore Well & Well, marque à la fois une recherche de différenciation et répond aux aspirations d’une partie de la clientèle, essentiellement citadine », note Hélène Charrondière, directrice du pôle Pharmacie-Santé des « Échos Études » et auteur de l’étude « Les perspectives des groupements et des enseignes de pharmacies. L’enseigne est-elle l’avenir de l’officine ? ». Elle relève que ce mouvement, bien que timide et ne concernant qu’une centaine de pharmacies en 2015, suscite l’intérêt : « Il aborde en effet l’officine et l’enseigne sous un autre angle en définissant un concept et un projet avec un axe directeur fort - la naturalité - avant de rechercher une masse critique pour mutualiser des achats et des remises commerciales. » Aux antipodes des GIE et SRA, ces nouvelles émanations dénoteraient un courant de spécialisation de l’officine. Hélène Charrondière fait allusion au marché nord-américain où des officines se spécialisent dans la prise en charge de pathologies graves. « Certaines par exemple ne suivent que les patients cancéreux, leur dispensant les traitements prescrits bien évidemment, mais leur apportant aussi des services d’accompagnement. Ces exemples devraient nourrir les réflexions de la profession », précise-t-elle.
Et si aujourd’hui l’enjeu des groupements n’était pas d’atteindre un objectif numéraire mais bien de s’affirmer autour de concepts efficaces et rentables, tant pour le groupement lui-même que pour ses adhérents ?
De l’avis des observateurs, cette vision n’empêchera pas le mouvement de concentration qui paraît aujourd’hui inévitable au regard du nombre pléthorique de groupements. Leur union au sein de la chambre syndicale Federgy traduit à sa manière un besoin de se fédérer et de mutualiser leurs forces dans un environnement de plus en plus hostile.
Reste à savoir comment se réalisera cette consolidation du marché. Laurent Filoche prédit une passe difficile aux groupements nationaux non adossés à la répartition : « Ils ont une balance gain/coût qui devient très défavorable à leurs adhérents et qu’ils tentent de masquer par une profusion de services et de concepts. » Jean-Luc Tomasini, président d’Europharmacie, est plus nuancé : « Les très nombreux petits groupements loco-régionaux qui quadrillent l’Hexagone reprennent les principes fondamentaux des groupements nés il y a une trentaine d’années. Leur stratégie est essentiellement basée sur l’amélioration des remises commerciales. Ce qui, à terme, est réducteur et pourrait permettre à des groupements structurés de reprendre la main », prévoit-il. Il ajoute que l’explosion de ces mini-groupements a pu mettre en difficulté certains groupements très « générico-dépendants ». Dans ce contexte, il exhorte les groupements indépendants à se regrouper, « éventuellement sous forme de structure juridique associative, sous peine de ne pas pouvoir rester compétitifs ». Il est selon lui évident que « des fusions associatives ou des acquisitions sont aujourd’hui inéluctables ».
Un avis que ne partage pas Pascal Geffray. Il ne croit plus à un mouvement de fusions/acquisitions parmi les groupements mais davantage à la disparition successive des plus petits et des plus informels d’entre eux. Le président d’Évolupharm ne mâche pas ses mots : « Nous avons perdu dix ans dans une dispersion et une déperdition des forces, téléguidée par des intérêts industriels. »
Une question d’ADN
Pascal Geffray n’est pas le seul à camper sur cette position. L’heure n’est plus seulement à la relève, elle est au rassemblement. Jean-Luc Bury, président du directoire d’IFMO, croit ainsi qu’il y a « nécessité à se regrouper pour que chacun apporte sa force à une communauté qui reste encore à définir ». Très attaché à la défense de la notion de coopérative, il note qu’une réflexion est actuellement menée sur un rapprochement de certaines entités. Du reste, certaines coopératives sous formes de GIE se sont rapprochées d’IFMO. Avant elles, Giropharm avait sollicité Qualipharm, la marque formation d’IFMO, pour des formations en éducation thérapeutique du patient (ETP). « IFMO a dans son ADN, l’œcuménisme nécessaire à l’échange et au progrès communs », conclut Jean-Luc Bury.
Dix-huit groupements ont pour leur part, dessiné les contours de la pharmacie de demain au travers des mandats qu’ils ont confiés à leur chambre syndicale Federgy. Celui-ci a pour tache d’œuvrer à la reconnaissance des enseignes de pharmacie, des solutions E-commerce pour les médicaments et les produits de santé (sites Internet marchands) par les groupements et enseignes de pharmacies, ainsi que du droit de communiquer, dans le respect des règles déontologiques.
Ces visions suffiront-elles à convaincre la génération montante de s’investir dans la vie des réseaux ? En effet les groupements, dont bon nombre sont encore menés par leurs créateurs, devront eux aussi faire face à moyen terme à la relève de leurs dirigeants. Si certains groupements ont, en raison de leur structure juridique ou de leurs origines, instauré un système de renouvellement par élections, d’autres au contraire devront se préparer à la succession.
Pascal Geffray comme bien d’autres dirigeants, soulève la question de la représentativité des jeunes au sein des instances des groupements. Un phénomène révélateur de l’état actuel de l’officine. Très demandeurs en services et en mutualisation des forces, les jeunes peinent à s’investir dans leur groupement. « Les pressions économiques et financières font qu’aujourd’hui il est difficile à un jeune de sortir de son officine pour assister à des réunions et s’impliquer dans la vie du groupement », constate le président d’Évolupharm.
La relève à la tête des groupements s’annoncera difficile tant que, sur le terrain, la rentabilité des officines ne sera pas assurée. Pour autant, à en croire la dynamique actuelle de recrutement de forces vives et la capacité à renouveler le contenu des activités, un nouvel âge d’or se profite pour les groupements. Différent de ce qu’ils ont connu à leurs débuts, mais non moins porteur pour une profession en pleine mutation. Les groupements sauront-ils dans ces conditions assurer la transmission et donner aux jeunes les moyens de reprendre le flambeau ?
(2) Sondage mené de janvier à mars 2015 par l’Union nationale des pharmacies de France (UNPF)
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