Le projet d'Observatoire épidémiologique dans les eaux usées (Obépine) a notamment été mis en place par des enseignants-chercheurs d'Eau de Paris, l’opérateur public chargé de la production et de la distribution de l’eau dans la capitale. En mars dernier, ces derniers ont commencé à analyser les eaux usées de plusieurs stations d'épuration d'Île-de-France afin de détecter des traces du SARS-CoV-2, rejeté via les selles humaines, grâce à la technique PCR. Ils en tirent rapidement un premier constat.
« En moyenne, les données Obépine ont 6 à 7 jours d'avance sur les autres indicateurs », précise Laurent Moulin, responsable du laboratoire de recherche et développement à Eau de Paris. Comme le préconise ensuite l'Académie de médecine, suivre en temps réel la présence de traces du virus SARS-Cov-2 dans les eaux usées sur tout le territoire national pourrait donc permettre d'anticiper les évolutions de l'épidémie et « éclairer les mesures sanitaires » prises par les autorités. « Le suivi réalisé depuis le 5 mars dernier, a permis à la fois de confirmer le caractère prédictif de cette mesure de génome viral dans les eaux usées et l’intérêt de ce nouvel indicateur pour évaluer l’impact de certaines mesures, comme le premier confinement ou le couvre-feu »., détaille ainsi le ministère de l'Enseignement supérieur qui subventionne le projet Obépine.
Une banque des eaux usées
À l’heure actuelle, les informations collectées par Obépine ne sont pas intégrées aux indicateurs officiellement utilisés par les autorités sanitaires et le gouvernement. Pour que cela change, le réseau se consolide afin d'être opérationnel dans l'ensemble du pays d'ici à la fin du mois de décembre. Quatre protocoles de référence ont été établis afin de construire un maillage de laboratoires experts capable de produire des données parfaitement comparables. 158 stations d'épuration ont été sélectionnées et sept laboratoires sont d’ores et déjà conventionnés par Obépine. Ils pourront prendre en charge près de 300 à 600 analyses par semaine. « Pour l'instant, nos données sont envoyées aux agences régionales de santé pour les surveillances locales, mais certaines ont encore un peu de mal à s'en saisir », remarque Vincent Maréchal, professeur de virologie à la Sorbonne Université.
Aussi prometteuse soit-elle, la surveillance des eaux usées ne permet pas tout. Impossible sur cette base de prédire combien de personnes seront infectées par exemple. Si le suivi mené en Île-de-France a permis de constater la reprise de l’épidémie avec une semaine d'avance au mois de juin, cette promesse ne s'est pas confirmée dans toutes les régions étudiées. Ainsi, en Occitanie ou dans les Pays de la Loire, les courbes de la charge virale dans les eaux usées et du taux d’incidence ont suivi une évolution simultanée. Des variations que les chercheurs ne parviennent pas à expliquer pour le moment. Autre difficulté rencontrée par les chercheurs du projet Obépine, la France, contrairement à l'Espagne ou l'Italie, n’a pas jugé utile de garder des échantillons d'eaux usées antérieurs au mois de mars. « Les Italiens ont conservé des échantillons dès le mois de décembre 2019, c'est grâce à cela qu'ils ont pu déterminer que le virus était présent chez eux dès cette date-là. En France, nous ne savons pas quand le virus est arrivé, cette information a été perdue », regrette Vincent Maréchal. Un raté que les membres d'Opépine ne veulent pas voir se reproduire. Ils ont ainsi l'intention de mettre en place une banque d'eaux usées qui pourra être utilisée pour suivre tout type d'épidémies.
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