Alors que l’année n’est pas encore terminée, l'agenda des pharmaciens pour 2020 est déjà bien rempli. Au fil de ses ateliers et de ses séances plénières, le congrès national des pharmaciens, qui s'est tenu à Bordeaux les 19 et 20 octobre, est revenu sur ces nombreux rendez-vous qui attendent la profession, et dont la vaccination contre la grippe n’est aujourd’hui que la première étape. À l’arrivée des TROD angine en début d’année devraient rapidement succéder les entretiens pour les patients sous chimiothérapie orale, et la mise en œuvre de la téléconsultation.
Il est entendu que l’ensemble de ces nouvelles missions ne pourra être opérationnel que dans le cadre d’un exercice coordonné, comme l’a rappelé à la profession Nicolas Revel, directeur général de l’assurance-maladie. De même, Pierre-Jean Lancry, vice-président du Haut Conseil pour l’avenir de l’assurance-maladie (HCAAM) a appelé à décloisonner le système de santé en s’appuyant sur le rôle du pharmacien et « l’excellence du maillage officinal ».
Des entretiens payés à l’acte dès 2020
Cette coordination suppose que les pharmaciens s’intègrent rapidement à une communauté professionnelle territoriale de santé (CPTS), comme les y a exhortés Philippe Besset, président de la FSPF. Un item supplémentaire à ajouter à l’agenda 2020.
On comprendra qu’au regard de ce planning, l’effort ne soit porté qu'à partir du second semestre pour relancer les bilans partagés de médication (BPM). Une promesse à laquelle s’est engagé Philippe Besset, applaudi par l’assistance, au nom de son syndicat, auprès de Nicolas Revel qui a en contrepartie avalisé le principe d’un paiement à l’acte. « Je souhaite que vous ayez raison quand vous me dites que la rémunération est le frein au déploiement du BPM », a déclaré le directeur de l’assurance-maladie, rappelant que 3 000 pharmacies seulement s’y sont engagées, à ce jour. La garantie financière apportée par ce nouveau mode de rémunération, se substituant aux très fluctuantes ROSP, est en effet l’une des clés du futur succès des BPM.
Philippe Besset émet toutefois une réserve. Pour les BPM, comme pour l’ensemble des nouvelles missions, l’économie officinale doit être en mesure de supporter les charges qui y sont associées. Or, rappelle le président de la FSPF, c’est loin d’être le cas. Ces craintes sont confirmées par les résultats d’un sondage réalisé auprès des pharmaciens congressistes : 79 % d’entre eux estiment « ne pas être en capacité de pratiquer les missions d’accompagnement des patients ». Les pharmaciens n’ont d'ailleurs pas manqué d’interpeller Nicolas Revel au cours de son intervention. Notamment au sujet des économies réalisées sur le dos des officines, du difficile équilibre économique ou encore de la nécessité d’embaucher pour pratiquer les nouvelles missions dans un contexte financier instable et face à une pénurie de personnel.
Déclencher des nouvelles négociations
Sensible aux inquiétudes de sa base, Philippe Besset a martelé plusieurs fois que son combat consisterait « à permettre à toutes les officines de s’engager dans toutes les missions ». Quitte à trouver, pour les plus fragiles d’entre elles (lire ci-dessous), des solutions de financement, sous la forme d’aide ou de subvention. Pour l’heure, l’assurance-maladie ne s’est pas prononcée, Nicolas Revel s'étant contenté de s'interroger sur la définition à donner au terme d'« officine fragile ».
Quoi qu'il en soit, la FSPF n'est pas décidée à s’en tenir à ces revendications. Elle compte bien user d’une disposition prévue à l’avenant 11, celle de la clause de revoyure. Car selon Phiippe Besset, à l’issue de l’exercice 2019, la profession pourrait compter 5 à 10 % de perdants. C’est-à-dire des officines dont les résultats ne seraient pas au moins équivalents à ceux de 2016. Le syndicat invite ainsi les pharmaciens se trouvant dans cette situation à se manifester auprès de l’assurance-maladie, et les assure de son soutien.
« Un mur de difficultés »
À l'échelon collectif, le président de la FSPF doute que l’économie officinale puisse résister plus longtemps aux assauts annoncés. « Nous allons au-devant d’un mur de difficultés. Nous allons prendre une grosse vague », prédit Philippe Besset, citant tour à tour, les 150 millions d’euros que l’assurance-maladie souhaiterait récupérer au titre d’un « trop perçu » d’honoraires pour médicaments spécifiques (voir « le Quotidien » du 16 septembre 2019), l’entrée en vigueur, au 1er janvier prochain, de l’article 66 à la LFSS 2019, annonciateur de 300 millions d’euros de pertes, une diminution de ROSP de l’ordre de 50 millions d’euros, sans oublier la disparition du CICE, soit une « perte sèche » de 113 millions d’euros pour le réseau officinal, ou encore les économies programmées sur le médicament au projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2020.
Ces chiffres risquent de peser très lourd sur l’économie officinale et pourraient conduire à déclencher une clause de revoyure collective, note Philippe Besset qui n’en exclut pas le déclenchement en 2021. Toujours sur la question de l’économie, le président de la FSPF est décidé à en découdre afin d’obtenir des conditions de rémunération satisfaisantes. « Les actes doivent être correctement rémunérés et la FSPF ne pense pas que ça soit le cas aujourd’hui », lâche-t-il. « L’avenant 11 est certes utile mais il n’est pas suffisant », poursuit le président du syndicat qui a refusé sa signature en juillet 2017. Afin que « toutes les pharmacies puissent offrir tous les services au bénéfice de leurs patients », Philippe Besset promet d’actionner un second levier, celui de nouvelles négociations conventionnelles. Il en a réclamé officiellement l’ouverture en présence du directeur de l’assurance-maladie.
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